Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par jugement n° 2100224 du 31 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Delbès, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les articles L. 313-7 et R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fixation du pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Par une décision du 2 juin 2021, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
La requérante ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,
- et les observations de Me Delbès pour Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante arménienne née le 18 septembre 1994, est entrée en France le 5 décembre 2016, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour de huit jours valable du 4 décembre 2016 au 26 décembre 2016 délivré par les autorités italiennes à Erevan, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 mai 2019. Le 10 février 2020, Mme B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du 18 septembre 2020 assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination. Par un jugement du 31 mars 2021, dont Mme B... relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les articles L. 313-7, L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir fait état du diplôme obtenu en Arménie par la requérante ainsi que de la formation qu'elle suit en France, il indique qu'elle n'a pas accompli quatre années d'études supérieures et qu'elle n'est pas titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur, si bien qu'elle ne peut bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiante sans que la présentation d'un visa de long séjour soit exigée. Enfin, il rappelle les circonstances de fait attachées à sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, cet arrêté comporte l'exposé des circonstances de fait et de droit sur lesquelles il se fonde et est, par suite, suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) ". Aux termes de l'article R. 313-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande (...) les pièces suivantes : (...) 2° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 313-10 du même code : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1 : / 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que Mme B... ne dispose pas du visa de long séjour exigé par les dispositions précitées. Si la requérante soutient qu'elle pouvait être exemptée de l'obligation de présentation de ce visa en application de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant que l'intéressée, qui se prévaut seulement de ce qu'elle est titulaire d'une licence en linguistique obtenue en Arménie en 2016, ainsi que du diplôme d'études en langue française A2 et du diplôme d'université d'études françaises B1 et B2, ne justifie pas de l'accomplissement de quatre années d'études supérieures et n'est titulaire d'aucun diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. En se bornant à faire état de sa volonté d'insertion, la requérante ne démontre pas l'existence de circonstances particulières de nature à justifier qu'elle soit exemptée de l'obligation de visa de long séjour. Dans ces conditions, le préfet du Rhône a pu refuser de lui délivrer un titre de séjour pour le motif tiré du défaut de présentation d'un tel visa.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays (...) ". Et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
6. Mme B... fait valoir qu'elle poursuit des études linguistiques en France et qu'elle est parfaitement intégrée. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est entrée récemment en France et qu'elle n'a jamais été admise au séjour, à l'exception de la période durant laquelle sa demande d'asile a été examinée. La requérante, qui était âgée de vingt-six ans à la date de la décision attaquée, célibataire et sans enfant, n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales en Arménie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans et où demeure notamment son père. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 5 ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ". Les éléments dont Mme B... fait état, rappelés au point 6, ne constituent pas des motifs exceptionnels ni des considérations humanitaires qui permettraient de regarder le préfet comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer, à titre exceptionnel, un titre de séjour.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. Pour les motifs exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de la fixation du pays de destination :
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, à des peines, ni à des traitements inhumains et dégradants ". Et aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ".
10. Mme B... soutient qu'elle risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Arménie, où elle a été victime d'un viol à la suite d'un différend opposant son père à son employeur. Toutefois, les pièces qu'elle produit, qui consistent en des traductions d'attestations établies par des proches, lesquelles ne sont assorties d'aucune précision ni d'aucun justificatif probant, d'un jugement condamnant son père à une peine d'emprisonnement de cinq ans et en des certificats médicaux établis par des médecins arméniens et français, qui font état d'une hospitalisation pour un traumatisme crânien, de traces de violences et de la nécessité d'un suivi médical pour un stress post-traumatique, et se bornent à reprendre les déclarations faites par l'intéressée, ne sont pas suffisantes pour établir la réalité et la gravité des menaces auxquelles elle serait exposée dans son pays d'origine, alors, au demeurant, que tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile ont refusé de lui reconnaître le statut de réfugié, ni pour justifier qu'elle aurait recherché en vain la protection des autorités de son pays. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut ainsi qu'être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 21LY02318