Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Les Platayres Energies a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand de deux demandes séparées tendant à l'annulation de la décision implicite née le 16 juillet 2018 et de l'arrêté du 21 septembre 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Loire a rejeté sa demande d'autorisation unique en vue de l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune des Vastres (43253), assorties de conclusions à fin d'injonction sous astreinte.
Par un jugement n° 1801565, 1802042 du 8 avril 2021, le tribunal a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 juin et 1er décembre 2021, la société Les Platayres Energies représentée par Me Gossement demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 21 septembre 2018 et sa décision implicite de rejet du 16 juillet 2018 et de lui délivrer l'autorisation demandée ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler les actes préfectoraux contestés en tant qu'ils refusent la construction et l'exploitation des éoliennes E3, E4 et E5 et de délivrer l'autorisation s'agissant de ces éoliennes ;
3°) à défaut d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de délivrer l'autorisation pour tout ou partie du projet ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande sous huit jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé et entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'illégalité des décisions, fondées sur l'inacceptation sociale du projet ;
- les interventions sont irrecevables ;
- l'arrêté du 21 septembre 2018 est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de forme en ce qui concerne le signataire de l'acte ;
- le préfet a entaché sa décision d'incompétence négative en se sentant lié par les avis émis ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation en ce qui concerne l'atteinte paysagère ;
- le refus d'autorisation ne peut être fondé sur une prétendue inacceptation sociale du projet et sur un manque de concertation ;
- à titre subsidiaire, les décisions contestées sont infondées en tant qu'elles portent refus d'autorisation pour la construction et l'exploitation des éoliennes E3, E4 et E5 ;
- le refus d'autorisation méconnaît les objectifs européens, nationaux et régionaux fixés en matière d'énergies renouvelables.
Par des mémoires en intervention enregistrés les 29 septembre et 15 décembre 2021 (ce dernier non communiqué), l'association pour la préservation des paysages exceptionnels du Mézenc (APPEM), la commune de Fay-sur-Lignon, M. AA... AC..., M. et Mme D... et AK... H..., M. et Mme D... et AH... T..., AQ... J..., AU... X..., M. AD... X..., M. E... X..., Mme AP... AJ..., Mme P... AJ..., M. M... AJ..., M. O... AB..., M. et Mme AT... et AF... N..., M. et Mme C... et L... AV..., AR... W..., M. AG... B..., Mme AO... Z..., Mme U... V..., M. A... AE..., M. S... K..., Mme Q... G..., M. et Mme Y... et R... AS..., M. AL... F..., M. AN... AI... et Mme I... AM... et autres, représentés par Me Donatien de Bailliencourt, concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 1er octobre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 1er décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Ferjoux, pour la société Les Platayres Energies, ainsi que celles de Me de Bailliencourt pour l'association pour la préservation des paysages exceptionnels du Mézenc et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Les Platayres Energies a déposé le 16 décembre 2016 une demande d'autorisation unique de construire et d'exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs d'une hauteur maximale de 150 mètres et un poste de livraison sur le territoire de la commune des Vastres. Implicitement, par une décision née le 16 juillet 2018, et par un arrêté du 21 septembre 2018, le préfet de Haute-Loire, se fondant en particulier sur l'article L. 512-1 du code de l'environnement, a refusé la délivrance de cette autorisation. La société Les Platayres Energies relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de ces actes.
Sur l'intervention en défense :
2. Conformément à l'article 11 de ses statuts, le président de l'association pour la préservation des paysages exceptionnels du Mézenc (APEM) pouvait, sans habilitation préalable du conseil d'administration, former une intervention au nom de l'association.
3. Par ailleurs, eu égard à son objet social, qui comprend, aux termes de l'article 2 de ses statuts, la préservation et la promotion des paysages du territoire Mézenc / Meygal / Gerbier, ainsi qu'aux motifs ayant conduit à rejeter la demande d'autorisation unique de la société Les Platayres Energies, l'APEM a intérêt, comme en première instance, au maintien de l'arrêté attaqué.
4. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société Les Platayres Energies, l'intervention de l'APEM, signataire du mémoire en intervention collective, est recevable. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de chacun des autres signataires de ce mémoire, la fin de non-recevoir opposée par la société Les Platayres Energies ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite du préfet de la Haute-Loire :
5. Les conclusions dirigées contre la décision implicite du préfet de la Haute-Loire doivent être regardées comme dirigées uniquement contre l'arrêté du 21 septembre 2018, qui s'y est substitué.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 septembre 2018 :
6. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, dont relèvent également les autorisations uniques : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Enfin, aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral (...) ".
7. L'appréciation de l'exigence de protection et de conservation de la nature, des sites, des monuments et paysages énoncée ci-dessus implique une évaluation du lieu d'implantation du projet et puis une prise en compte de la taille des éoliennes projetées, de la configuration des lieux et des enjeux de co-visibilité, au regard, notamment, de la présence éventuelle, à proximité, de plusieurs monuments et sites classés et d'autres parcs éoliens, et des effets d'atténuation de l'impact visuel du projet.
8. En premier lieu, et en admettant que la forte opposition locale au projet dont fait maladroitement état l'arrêté litigieux, n'est pas un simple élément de contexte mais un motif de refus opposé au projet, il doit être regardé comme procédant, faute de figurer au nombre des intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, d'une erreur de droit.
9. En second lieu, il apparaît que le secteur d'implantation du projet en cause se trouve à environ 1 200 mètres d'altitude au sein de l'entité paysagère du Haut-Mézenc, dans un paysage largement ouvert et de très grande qualité, à proximité mais en dehors des sites classés du massif du Mézenc et du mont Gerbier-de-Jonc, et du parc naturel régional des Monts d'Ardèche avec, dans le voisinage, plusieurs hameaux et quelques villages. Le projet est lui-même scindé en deux parties distantes de 2,5 km, l'une, qui comprend les éoliennes E3, E4 et E5, étant située à environ 700 m au sud-est du village des Vastres, dans le secteur des Platayres, l'autre, où sont prévues les éoliennes E1 et E2, se trouvant à 2,2 km au sud-ouest du village, dans la zone du Pau (ou de Pleyne).
10. Incontestablement la présence d'éoliennes contribuera à modifier l'aspect des paysages du Mézenc. Toutefois, eu égard à la taille réduite du projet et à ses caractéristiques, notamment l'existence d'un espace de respiration large de 2,5 km entre chaque partie regroupant des éoliennes, les distances et la topographie des lieux, combinées avec une géographie largement ouverte, sont de nature à atténuer la perception des éoliennes dans ces paysages ou depuis ces derniers, qu'ils soient proches ou plus lointains. Le projet éolien sera ainsi implanté à une altitude globalement inférieure à celle du site classé du massif du Mézenc, sans capter significativement le regard au détriment du paysage des hauts plateaux. La zone d'implantation se trouve en contrebas de ce site classé, le parc éolien ne se détachant pas au-dessus de l'horizon. Depuis les points de vue en belvédère sur le mont Mézenc, fréquentés notamment par les touristes, d'où le projet éolien sera perçu en vue plongeante, l'impact sera modéré. Il en sera spécialement ainsi s'agissant de l'éolienne E1, située au plus près du massif. Du fait de leur position dominante, combinée avec leur éloignement du projet, les autres sites en belvédère en souffriront assez faiblement. L'incidence du projet sur le mont Gerbier-de-Jonc, compte tenu de sa position à l'écart du projet, apparaît faible. Les vues sur ce dernier depuis le mont Gerbier-de-Jonc sont elles-mêmes très atténuées, en raison des distances, de la configuration des lieux et, notamment, de la concurrence visuelle générée par d'autres reliefs. L'implantation des éoliennes à l'écart du rebord du plateau des Vastres permet d'éviter les vues pénalisantes en contre-plongée à partir des vallées des Boutières et de celle de la Rimande, pourtant la plus proche. Le dolmen des Pennes, à plus de 3 km du point le moins éloigné de la zone d'implantation, ne représente quant à lui pas d'enjeu paysager particulier. Par ailleurs, la gêne visuelle depuis les villages et hameaux environnants, notamment à la sortie de Bourg de Fay-sur-Lignon, dans un secteur où la densité du réseau routier est faible, demeure mesurée, en raison en particulier des mouvements de terrain et, selon l'exposition, la présence en arrière-plan du massif montagneux, ainsi que du caractère boisé du secteur d'implantation des éoliennes, qui permettent d'en restreindre les incidences sur les zones habitées, avec notamment des effets de hauteur relativisés. Par suite, et même en tenant compte de la présence de quelques autres parcs d'éoliennes dans le paysage proche ou plus lointain, en particulier celui de Saint-Clément, le moyen tiré de ce que, contrairement à ce qu'a retenu le préfet, les prescriptions ci-dessus du code de l'environnement ont été méconnues apparaît fondé.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que la société Les Platayres Energies est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 21 septembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "
13. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas soutenu en défense, qu'une autre atteinte serait portée aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans des conditions qui feraient obstacle à l'implantation du parc éolien. En revanche, si le juge du plein contentieux peut délivrer l'autorisation, celle-ci ne pourrait être mise en œuvre qu'avec les prescriptions qu'appelleraient, le cas échéant, les avis recueillis par le service instructeur. Ainsi, il y a lieu, non pas d'accorder l'autorisation sollicitée mais, seulement, d'enjoindre au préfet de Haute-Loire d'en assurer la délivrance et de l'assortir, le cas échéant, de prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 précité du code de l'environnement, sous trois mois à compter de la notification de l'arrêt, mais sans accompagner cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Les Platayres Energies et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association pour la préservation des paysages exceptionnels du Mézenc et autres est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 avril 2021 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet de la Haute-Loire du 21 septembre 2018 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Loire de délivrer à la société Les Platayres Energies une autorisation environnementale dans les conditions prévues plus haut.
Article 5 : L'État versera à la société Les Platayres Energies une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Platayres Energies, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association pour la préservation des paysages exceptionnels du Mezenc, représentante unique des intervenants en défense, en application du deuxième alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.
La rapporteure,
C. DjebiriLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
S. Lassalle
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY01866 2
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