Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 9 août 2017 par laquelle l'administration l'a informée qu'elle était considérée comme ayant renoncé au bénéfice de son admission au concours interne de recrutement dans le corps des ingénieurs d'études sanitaires (IES) au titre de l'année 2016, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 5 octobre 2017, et d'enjoindre au ministre des affaires sociales et de la santé et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, de la nommer lauréate au concours d'IES et de lui permettre de rejoindre la scolarité à l'école des hautes études en santé publique (EHESP) dès la rentrée de la prochaine promotion ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1800557 du 5 novembre 2020, le tribunal a annulé la décision du 9 août 2017 (article 1er) et a enjoint à l'administration de statuer sur la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement (article 2).
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 janvier et 27 octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Sénégas, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement en tant que le tribunal n'a pas annulé les décisions contestées pour un vice de légalité interne, a seulement enjoint à l'administration de statuer de nouveau sur sa situation et a rejeté sa demande tendant au prononcé d'une injonction formée à titre principal ;
2°) d'annuler la décision du 9 août 2017 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 5 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au ministre en charge de la santé de la nommer lauréate au concours d'IES, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui permettre de rejoindre la scolarité à l'EHESP dès la rentrée de la prochaine promotion, à la date de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ; elle n'est pas tardive et elle justifie d'un intérêt à faire appel ;
- la décision du 9 août 2017, qui doit être analysée comme constituant un licenciement en cours de stage, compte tenu des circonstances dans lesquelles elle est intervenue, est illégale, n'étant pas fondée sur l'un des motifs légaux permettant de prendre une telle décision, soit par une insuffisance professionnelle ou une inaptitude physique, ni justifiée par un tel motif ;
- cette décision est irrégulière faute de communication préalable de son dossier, de saisine de la commission administrative paritaire et de convocation à un entretien préalable ;
- à titre subsidiaire, la décision contestée, assimilée à un retrait de sa nomination dans le corps des IES, ne pouvait être légalement prise au regard des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, étant intervenue au-delà du délai de quatre mois qu'elles prévoient à compter de l'intervention de la décision du 18 novembre 2016 ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 7 du décret n° 90-975 du 30 octobre 1990, dans la mesure où elle justifiait, compte tenu de sa situation particulière, lors du deuxième semestre 2016, d'une situation lui permettant de bénéficier d'un report de sa nomination en raison de l'impossibilité de rejoindre l'EHESP, tant sur le plan professionnel eu égard à son ancienneté, à son âge et à son classement au concours, que sur le plan personnel, compte tenu de sa vie privée et familiale et en particulier de l'état de santé de sa mère ;
- la décision prise sur recours gracieux doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision du 9 août 2017.
Par un mémoire enregistré le 31 août 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 90-975 du 30 octobre 1990 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Séchaud, substituant Me Sénégas, pour Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., alors technicienne sanitaire et de sécurité sanitaire en chef, affectée à la délégation départementale de la Savoie de l'agence régionale de santé (ARS) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a été informée, par une lettre du 25 août 2016 qu'elle était pré-affectée à l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur, à la délégation départementale des Alpes-Maritimes, à la suite de son admission au concours interne de recrutement dans le corps des ingénieurs d'études sanitaires (IES) organisé au titre de l'année 2016. Par un courriel du 29 août 2016, elle a demandé un report de nomination d'une année en raison de l'état de santé de sa mère, auquel l'administration a refusé de faire droit par un courriel du 30 août 2016. Faute pour Mme A..., en réponse à ce dernier courriel, d'avoir confirmé qu'elle acceptait cette pré-affectation, l'administration a décidé, le 15 septembre 2016, qu'elle avait renoncé au bénéfice de son admission au concours. Par une ordonnance du 26 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de cette dernière décision. Le 18 novembre 2016, l'administration a alors informé Mme A... du retrait de la décision du 15 septembre 2016, qu'elle serait nommée IES stagiaire et pré-affectée à compter du 1er octobre 2016 à l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur, à la délégation départementale des Alpes-Maritimes, et l'a invitée à rejoindre l'école des hautes études en santé publique (EHESP) située à Rennes dans les meilleurs délais pour y suivre la formation initiale des IES. Mais, par une décision du 9 août 2017, l'administration a indiqué à Mme A... que, faute pour elle d'avoir rejoint cette affectation, elle était considérée comme ayant renoncé au bénéfice de son admission au concours. Mme A... relève appel du jugement du 5 novembre 2020 du tribunal administratif de Grenoble qui a annulé la décision du 9 août 2017 et enjoint à l'administration de réexaminer sa situation, en tant que cette juridiction n'a pas prononcé l'annulation des décisions contestées pour un vice de légalité interne et n'a pas enjoint à l'administration de la nommer lauréate au concours d'IES et de lui permettre de rejoindre la scolarité à l'EHESP dès la rentrée de la prochaine promotion.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 30 octobre 1990 portant statut particulier du corps des ingénieurs d'études sanitaires : " Les candidats reçus aux concours prévus à l'article 5 ci-dessus sont nommés ingénieurs d'études stagiaires par arrêté du ministre chargé de la santé, (...). (...) / Pendant la durée de leur stage, les ingénieurs d'études sanitaires sont classés au 1er échelon du premier grade d'ingénieur, sous réserve de l'application des dispositions de l'article 10. / Ceux qui avaient précédemment la qualité de fonctionnaire sont placés en position de détachement pendant la durée de leur stage. Tout candidat nommé ingénieur d'études stagiaire qui n'entre pas en fonctions à la date fixée perd le bénéfice de sa nomination, sauf justification reconnue fondée par le ministre chargé de la santé et report de sa nomination par arrêté de celui-ci. " Aux termes de l'article 8 du même décret, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les ingénieurs d'études stagiaires accomplissent un stage de formation d'un an organisé par l'Ecole nationale de la santé publique. Les modalités de ce stage ainsi que les conditions de sa validation sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. / (...). "
3. Il apparaît que, malgré sa nomination par la décision du 18 novembre 2016 comme IES stagiaire à compter du 1er octobre 2016, sa pré-affectation à la délégation départementale des Alpes Maritimes de l'ARS Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'invitation dont elle a fait l'objet de rejoindre auparavant l'EHESP dans les meilleurs délais afin d'y suivre le stage de formation d'un an prévu par les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 30 octobre 1990, l'intéressée n'a jamais rejoint cette école, ni sollicité un report de sa nomination. Il suit de là que l'autorité administrative a pu légalement estimer, pour prendre la décision contestée du 9 août 2017 sur le fondement du dernier alinéa de l'article 7 du décret cité ci-dessus, que l'intéressée, bien que nommée en qualité d'IES stagiaire, n'était jamais entrée en fonctions à la date de cette décision et devait donc être regardée comme ayant perdu le bénéfice de cette nomination.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 241-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des exigences découlant du droit de l'Union européenne et de dispositions législatives et réglementaires spéciales, les règles applicables à l'abrogation et au retrait d'un acte administratif unilatéral pris par l'administration sont fixées par les dispositions du présent titre. " Aux termes de l'article L. 242-1 du même code : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative (...) que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. "
5. Les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 7 du décret du 30 octobre 1990 aménagent un régime spécifique relatif à la situation d'un stagiaire IES lorsqu'il n'entre pas effectivement en fonction à la date de sa nomination, avec pour conséquence la perte du bénéfice de cette nomination, sauf circonstances particulières de nature à justifier un report de nomination par arrêté ministériel. Comme il a déjà été dit, Mme A... n'est jamais entrée en fonction et n'a obtenu aucun report de sa nomination. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article L. 242-1 ci-dessus ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la décision contestée, qui ne met pas fin à des fonctions en cours d'exercice, ne saurait être regardée comme un licenciement en cours de stage. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle correspondrait au licenciement irrégulier de l'intéressée ne saurait être admis.
7. En quatrième lieu, la décision contestée n'a, en tant que telle, ni pour objet ni pour effet de refuser à Mme A... le bénéfice d'un report de nomination en qualité de stagiaire en application du dernier alinéa de l'article 7 du décret du 30 octobre 1990. Dès lors, et contrairement à ce que soutient Mme A..., qui n'a d'ailleurs pas contesté la décision du 30 août 2016 portant refus de lui accorder un report de scolarité ni jamais demandé ultérieurement un tel report, la décision litigieuse n'est pas intervenue en méconnaissance des dispositions précitées de ce décret.
8. En dernier lieu, et compte tenu de ce qui précède, Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de l'illégalité, pour les moyens examinés ci-dessus, de la décision du 9 août 2017.
9. Par suite, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les vices de légalité externe tenant à ce que la décision du 9 août 2017 aurait été prise sans communication préalable de son dossier ni saisine de la commission administrative paritaire ni convocation à un entretien préalable qui, eu égard à l'objet des conclusions, sont ici sans effet, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas prononcé l'annulation des décisions contestées pour un vice de légalité interne et n'a pas fait droit à sa demande tendant au prononcé d'une injonction formée à titre principal. La requête de Mme A... doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de la santé et de la prévention.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
M. Chassagne, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
V.-M. Picard
La greffière,
S. Lassalle
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière
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N° 21LY00053
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