Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision du 24 mars 2017 par laquelle le maire de la commune de Montmélian a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle et à sa demande indemnitaire ;
2°) d'enjoindre au maire de Montmélian de lui accorder la protection fonctionnelle dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
3°) de condamner la commune de Montmélian à lui verser la somme de 29 000 euros en indemnisation des préjudices résultant de la situation de harcèlement moral dont il a été victime dans l'exercice de ses fonctions ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montmélian une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1702975 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 février 2020 et le 3 juin 2021, M. A..., représenté par Me Kummer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 octobre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 24 mars 2017 par laquelle le maire de la commune de Montmélian a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle au titre du harcèlement moral ;
3°) de dire qu'il a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui sont fautifs et de nature à engager la responsabilité de la commune de Montmélian ;
4°) de condamner la commune de Montmélian à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice matériel et professionnel du fait des fautes commises ;
5°) de condamner la commune de Montmélian à lui payer la somme de 10 500 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans les conditions d'existence du fait des fautes commises ;
6°) d'enjoindre au maire de Montmélian de lui accorder la protection fonctionnelle dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
7°) de mettre à la charge de la commune de Montmélian une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient :
- qu'il a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur ;
- qu'il peut donc solliciter le bénéfice de la protection fonctionnelle et l'indemnisation des préjudices matériels et moraux en ayant résulté.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 26 août 2020, le 11 mars 2021 et le 6 septembre 2021, la commune de Montmélian, représentée par Me Ferstenbert :
1°) conclut au rejet de la requête ;
2°) demande à la cour de joindre à la présente demande indemnitaire liée au refus de protection fonctionnelle et à l'allégation de harcèlement moral celle qui fait actuellement l'objet d'une demande préalable formulée à la suite de l'annulation de la sanction d'exclusion de fonctions infligée à M. A... ;
3°) demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 21 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Ferstenbert, représentant la commune de Montmélian ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., attaché territorial, occupait depuis septembre 2014 l'emploi de responsable des ressources humaines et des services " populations " et " enfance-éducation " au sein des services de la commune de Montmélian. Après avoir été suspendu de ses fonctions par arrêté du 4 mars 2016, puis s'être vu infliger par arrêté du 4 juillet 2016 une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de six mois, il a repris ses fonctions le 5 janvier 2017, avant d'être placé en arrêt de maladie du 13 février au 11 juin 2017 puis en congé annuel avant de quitter la collectivité le 10 juillet 2017, suite à son recrutement par une autre commune. Par courrier du 20 mars 2017, s'estimant victime d'agissements de harcèlement moral, il a présenté une demande de protection fonctionnelle et une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cette situation. Par courrier 24 mars 2017 le maire de la commune de Montmélian a refusé de faire droit à ses demandes. M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler cette décision, d'enjoindre au maire de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner la commune à l'indemniser des préjudices subis à hauteur de 29 000 euros. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. A... par un jugement du 29 octobre 2019 dont il relève appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...). ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire (...). / IV. de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...). ".
3. D'une part, les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce au vu des éléments dont elle dispose à la date de la décision, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi.
4. D'autre part, il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration, dont il relève, à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se déterminant au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels agissements répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elles n'excèdent pas de telles limites, des recommandations, remarques et reproches justifiés par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, ne sont pas constitutives d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées. A cet égard, une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral, qui se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement et d'un lien entre ces souffrances et ces agissements.
5. En premier lieu, M. A... fait valoir que sa situation professionnelle s'est dégradée à compter de novembre 2015, à la suite de l'entrée en fonctions de la nouvelle directrice générale des services (DGS), qui lui aurait reproché lors d'une réunion du 24 novembre 2015 " d'être trop sur le terrain, trop proche des agents et trop à leur écoute ". Ensuite, il est soutenu d'une part, qu'en janvier 2016, la DGS aurait critiqué l'organisation du travail et des plannings d'agents périscolaires, alors que cette organisation avait été mise en place par son prédécesseur et validée avant sa prise de fonctions, d'autre part, que la DGS aurait organisé en février 2017 une réunion en présence d'un adjoint au maire pour lui faire part de ses critiques et enfin, que fin janvier 2016, M. A... aurait été mis à l'écart de la résolution d'un conflit entre des parents d'élèves et deux agents de cantine car il avait objectivement pris la défense des agents communaux, attitude que la DGS n'avait pas admise. En outre, le 8 février 2016, la DGS aurait organisé une réunion avec le maire et M. A... au cours de laquelle il lui aurait été demandé de rechercher un emploi dans une autre collectivité. Enfin, à compter de février 2016, les réunions hebdomadaires auraient eu lieu en présence d'autres personnes, et pendant le mois de février 2016, dans une volonté d'humiliation de la part de la DGS et ses compétences professionnelles auraient été remises en cause. L'ensemble de ces faits auraient conduit l'agent à un épuisement et surtout à un terrible " sentiment d'injustice au quotidien " qui aurait atteint son paroxysme en février 2016. Toutefois ces éléments de fait, allégués mais non établis par les pièces versées au dossier, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
6. En deuxième lieu, M. A... soutient d'une part, que la mesure de suspension et la sanction disciplinaire lourde dont il a fait l'objet sont un des éléments du harcèlement moral dont il a été victime et font partie de la volonté d'éviction affirmée par la DGS, dès novembre 2015, laquelle est à l'origine de la dégradation de ses conditions de travail dans le service, d'autre part, que la DGS, qui recherchait une sanction maximale pour lui nuire sur le plan professionnel et financier, a agi pour des motifs étrangers à l'intérêt du service. Toutefois, si la sanction d'exclusion de six mois du 4 juillet 2016 a été annulée par la Cour de céans par un arrêt n° 18LY02725 du 17 novembre 2020 en raison de son caractère disproportionné, il a également été jugé dans cette affaire d'une part, que : " la motivation de l'arrêté de sanction se fonde exclusivement sur les faits dont la matérialité est établie et il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction en litige aurait été infligée dans un contexte de mise à l'écart de l'intéressé de la part de la directrice générale de services. ", d'autre part, que : " les faits reprochés à l'agent, qui ne sont pas sérieusement contredits par M. A... et qui n'ont pas été dénaturés par le maire de Montmélian, constituent un manquement aux obligations de dignité et de loyauté, qui pèsent sur tout agent public, et aux obligations d'exemplarité qui s'imposent à tout cadre de la fonction publique. ", enfin " qu'à supposer même qu'une partie des arguments avancés par M. A... soient établis, ils ne sauraient, en tout état de cause, justifier son comportement compte tenu de ses fonctions de directeur des ressources humaines de la commune. A ce seul titre, il doit adopter un comportement exemplaire vis-à-vis des agents de la collectivité, dont il constitue la personne ressource, notamment en cas de conflit. En outre, eu égard également au positionnement hiérarchique et au cadre d'emploi auquel il appartient, le comportement de l'appelant traduit une méconnaissance des responsabilités d'encadrement qui incombent à un attaché, lequel doit bénéficier de l'entière confiance de son supérieur hiérarchique direct, à savoir en l'espèce, sa directrice générale des services. ". En outre, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que l'agent aurait subi des vexations ou une situation particulière de pression et de stress de la part de la DGS, le poussant à la faute, contrairement à ce qui est soutenu.
7. Enfin, en troisième lieu, M. A... prétend que les faits de harcèlement auraient repris dès son retour au sein des services de la collectivité, le 5 janvier 2017, et jusqu'à son arrêt de travail pour cause de maladie du 13 février 2017. La circonstance, que l'agent se soit trouvé dans la période intermédiaire du 7 mars 2016 au 4 janvier 2017 sans rémunération et dans une situation financière très difficile, sans proposition d'embauche de la part du centre de gestion de la Savoie ou sans intérim sur la période, reste sans incidence sur le présent litige s'agissant de conséquences liées à la procédure disciplinaire. En outre, si M. A... soutient qu'il a appris que la DGS avait contacté ses anciens employeurs " sans aucune discrétion " pour recueillir des témoignages contre lui dans le cadre de la procédure disciplinaire et que des rumeurs, qui se seraient propagées de façon désastreuse, l'auraient pénalisé dans sa recherche d'un emploi dans une autre collectivité, il ressort des pièces du dossier que l'agent a retrouvé un nouvel emploi à l'issue de son congé de maladie de six mois, dès le mois de juillet 2017. De même, si M. A... prétend que les personnes qui lui avaient manifesté leur soutien dans le cadre de la procédure disciplinaire ont fait l'objet de remontrances et de pressions, que la DGS lui a ouvertement fait entendre qu'au moindre faux pas, il serait de nouveau sanctionné plus gravement encore, que lors de la réunion hebdomadaire du 3 février 2017, la DGS lui aurait indiqué que la meilleure solution serait son départ définitif de la collectivité, que le 10 février 2017 en fin de matinée, la DGS serait entrée dans son bureau, en adoptant un ton vif pour lui asséner des critiques et que lors d'une réunion de l'après-midi, elle n'aurait cessé de s'acharner sur lui, toutefois, là encore, ces éléments de fait allégués, mais non établis, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Par ailleurs, si M. A... a repris ses fonctions sur le même poste à l'exclusion du service " enfance et éducation ", il ressort des pièces du dossier que la diminution du champ de ses prérogatives reposait sur un motif tiré de l'intérêt du service eu égard aux difficultés survenues entre l'intéressé et des agents de ce service.
8. Dans ces conditions, il n'est pas démontré que le comportement professionnel de M. A... ne justifiait pas les éventuels reproches adressés par sa hiérarchie, ni que ceux-ci auraient excédés, par leur nature ou leur caractère répété, l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. De même, alors qu'aucune pièce médicale n'est produite, les agissements allégués ne permettent pas d'établir que M. A... a été victime de faits constitutifs d'un harcèlement moral. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le maire de la commune de Montmélian aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et commis une erreur d'appréciation en refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle qu'il avait sollicité. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à condamner la commune de Montmélian à lui verser la somme de 30 500 euros, en réparation du préjudice qu'il allègue avoir subi et ses conclusions aux fins d'injonction, ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de jonction présentée par la collectivité, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Montmélian présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Montmélian.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022.
Le rapporteur,
Gilles FédiLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY00564