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12/10/2022 | FRANCE | N°20LY00126

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 12 octobre 2022, 20LY00126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry (ACENAS) et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement (FRACTURE) ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet du Rhône a autorisé la société Goodman France à exploiter un entrepôt logistique sur un terrain situé rue de Hongrie à Colombier-Saugnieu ;

2°) de mettre à

la charge de la commune de Colombier-Saugnieu la somme de 2 000 euros au titre de l'article L....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry (ACENAS) et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement (FRACTURE) ont demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet du Rhône a autorisé la société Goodman France à exploiter un entrepôt logistique sur un terrain situé rue de Hongrie à Colombier-Saugnieu ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Colombier-Saugnieu la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901944 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, un mémoire et un mémoire récapitulatif, produit après l'invitation prévue à l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 14 janvier 2020, le 15 mars 2021 et le 23 mai 2021, l'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry (ACENAS) et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement (FRACTURE), représentées par Me Tête, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2019 et l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet du Rhône a autorisé la société Goodman France à exploiter un entrepôt logistique sur un terrain situé rue de Hongrie à Colombier-Saugnieu ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les associations soutiennent que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que l'un des magistrats de la formation de jugement a également statué en qualité de juge des référés sur la demande de suspension du permis de construire délivré à la société Goodman ;

- l'autorisation ne pouvait être délivrée à une société non exploitante de la plateforme logistique ;

- l'étude d'impact jointe à l'enquête publique est insuffisante au regard de l'article 3 de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 et des dispositions comparables du code de l'environnement ; l'étude de danger ne précise pas les conséquences d'une chute d'avion sur les bâtiments à exploiter au regard des produits stockés, alors que les données communiquées par l'autorité de sûreté nucléaire ne sont pas pertinentes s'agissant d'un aéroport ; elle ne prévoit pas les incidences du projet en terme de climat ; l'étude de trafic est incomplète, en particulier quant à la circulation aérienne et celle des poids lourds ; elle contient des informations erronées et n'est pas pertinente à défaut de connaître l'utilisateur de la plateforme logistique ; aucune mesure compensatoire liée au trafic routier et au climat n'est prévue ;

- les mesures de compensation et de suivi environnemental sont insuffisantes au regard de l'article 8 bis de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ;

- la demande d'autorisation est irrégulière, faute de décrire les procédés de fabrication et les procédures de contrôle des contenus stockés ;

- le pétitionnaire ne justifie pas de ses capacités financières ;

- l'arrêté attaqué ne répond pas aux conditions de dérogation à la protection des espèces protégées définie par l'article L. 411-2 du code de l'environnement, en ce qui concerne notamment l'intérêt public majeur et l'absence de solutions alternatives ; les prescriptions et mesures en faveur de la biodiversité à mettre en œuvre manquent de précision au regard des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ;

- la décision contestée méconnaît la directive territoriale d'aménagement de l'aire métropolitaine lyonnaise, le schéma de cohérence territoriale et le plan local d'urbanisme de la commune de Colombier-Saugnieu, que l'autorisation environnementale doit respecter en application des articles L. 152-1 du code de l'urbanisme et L. 181-9 du code de l'environnement, dès lors que le projet de plateforme logistique est uniquement voué à l'activité de transport poids lourds, sans lien avec les activités spécifiques dépendant de la présence d'un aéroport ou conditionnant son développement ; elle est illégale, par exception d'illégalité du plan local d'urbanisme ;

- elle contrevient à la déclaration d'utilité publique de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, compte tenu de son périmètre ;

- le projet est incompatible avec les engagements internationaux de la France pour lutter contre le changement climatique, notamment en réduisant les gaz à effet de serre ;

- les mesures prises pour gérer les flux de transport autour du site ainsi que les prescriptions en matière environnementale sont insuffisantes ;

- l'autorisation environnementale a été probablement obtenue par fraude.

Par une intervention présentée à l'appui de la requête, enregistrée le 7 décembre 2020 et complétée par un mémoire enregistré le 8 mai 2021, la confédération des commerçants de France, représentée par Me Doueb, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2019 et l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet du Rhône a autorisé la société Goodman France à exploiter un entrepôt logistique sur un terrain situé rue de Hongrie à Colombier-Saugnieu ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La confédération des commerçants de France soutient que :

- sur un emploi créé dans le commerce électronique, quatre emplois et demi sont perdus dans le commerce de détail traditionnel ;

- l'ancien secrétaire d'Etat chargé du numérique en 2019 avait constaté qu'Amazon avait détruit 20 200 emplois dans le secteur du commerce de détail ;

- pour le commerce non-alimentaire, si l'on établit le solde des créations/destructions pour les commerces de détail et de gros, la France et l'Allemagne ont, toutes deux, perdu plus de 80 000 emplois entre 2009 et 2018 ;

- le projet, qui annonce la création de 1 000 emplois, engendrera la fermeture de très nombreux commerces de proximité, avec une perte d'emplois estimée au total de 4 500, si bien qu'il en résulte un solde négatif de 3 500 emplois directs.

Par une intervention présentée à l'appui de la requête, enregistrée le 14 mars 2021 et complétée par un mémoire enregistré le 10 juin 2021, l'association " les Amis de la Terre France ", la ville de Lyon, Mme E... C..., M. D... F..., et Mme B... A... de Brosses, représentés par Me Cofflard, demandent à la cour :

1°) d'admettre leur intervention volontaire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 novembre 2019 et l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel le préfet du Rhône a autorisé la société Goodman France à exploiter un entrepôt logistique sur un terrain situé rue de Hongrie à Colombier-Saugnieu.

Ils soutiennent :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur décision ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en rejetant le moyen, soulevé par les associations requérantes en première instance, tiré des insuffisances de l'étude d'impact du projet d'entrepôt litigieux sur le climat et la qualité de l'air ;

- le jugement est entaché d'une seconde erreur de droit en tant qu'il écarte le moyen tiré de l'insuffisante justification, dans le dossier de demande, des capacités financières de la société Goodman France ;

- les prescriptions de l'autorisation environnementale sont insuffisantes, dès lors que si l'arrêté préfectoral comprend un ensemble de prescriptions applicables au bâtiment lui-même, aucune prescription particulière ne concerne l'encadrement de l'activité du locataire, exploitant de fait, dont le nom n'est jamais divulgué dans le dossier mais qui a été annoncé dans la presse comme étant " Amazon " ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 514-6 du code de l'environnement.

Par deux mémoires en défense et un mémoire récapitulatif produit après l'invitation prévue à l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 27 mars 2020, le 1er avril 2021 et le 10 juin 2021, la société Goodman France représentée par la SCP Boivin et associés :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) demande à la cour, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement en vue de régulariser, selon les modalités arrêtées par la cour, un éventuel vice de procédure qui serait constaté par cette dernière ;

3°) demande qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge de l'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry et de la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Goodman France fait valoir que les moyens présentés par les requérantes et les intervenants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et un mémoire récapitulatif, produit après l'invitation prévue à l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistrés le 15 mars 2021 et le 10 juin 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

La ministre de la transition écologique fait valoir que les moyens présentés par les requérantes et les intervenantes ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2021.

Par ordonnance du 7 mai 2021 l'instruction a été rouverte et la clôture a été reportée au 11 juin 2021 à 16 heures 30.

Par une lettre du 7 mai 2021, la Cour, en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative a invité les parties et les intervenants à produire un mémoire récapitulatif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 relative à l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique ;

- la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;

- le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et, les observations de Me Tête, représentant l'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement, celles de Me Cofflard, représentant l'association " les Amis de la Terre France ", la ville de Lyon, Mme E... C..., M. D... F..., et Mme B... A... de Brosses, et celles de Me Hercé, représentant la société Goodman France.

Une note en délibéré, enregistrée le 7 octobre 2022, a été présentée pour l'association " les Amis de la Terre France ", la ville de Lyon, Mme E... C..., M. D... F... et Mme B... A... de Brosses, et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de son projet de construction d'une plateforme logistique, pour les acteurs du commerce électronique, sur les parcelles cadastrées E 964 et E 975, situées rue de Hongrie à Colombier-Saugnieu, sur le domaine aéroportuaire de Lyon Saint-Exupéry, comprenant un bâtiment principal de trois niveaux, d'une surface de plancher de 160 934 m² et six bâtiments annexes, eu égard à la nature et au volume des activités projetées, la société Goodman France a déposé le 22 février 2018 une demande d'autorisation environnementale en vue de son exploitation. Par arrêté du 29 octobre 2018, le préfet du Rhône a autorisé la société Goodman France à exploiter cet entrepôt logistique. Par jugement n°1901944 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté préfectoral, présentée par l'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry (ACENAS) et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement (FRACTURE). Les deux associations relèvent appel de ce jugement.

Sur la recevabilité des interventions :

2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. / (...) / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction ordonne, s'il y a lieu, que ce mémoire en intervention soit communiqué aux parties et fixe le délai imparti à celles-ci pour y répondre. / Néanmoins, le jugement de l'affaire principale qui est instruite ne peut être retardé par une intervention ". Est recevable à former une intervention, y compris pour la première fois en appel, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige et qui n'a pas qualité de partie à l'instance

3. Eu égard à son objet, l'association " les Amis de la Terre France ", qui bénéfice en outre d'un agrément pour la protection de l'environnement conformément aux dispositions des articles L. 141-1 et R. 141-1 à R. 141-20 du code de l'environnement, justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien d'une requête dirigée contre une autorisation environnementale visant à exploiter un entrepôt logistique. Ainsi, son intervention, qui tend aux mêmes fins que les conclusions présentées par l'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement, est recevable et doit être admise. Ainsi l'intervention collective, qui comprend celle de la ville de Lyon de Mme E... C..., de M. D... F... et de Mme B... A... de Brosses, est recevable. En revanche, la confédération des commerçants de France, dont l'objet est de défendre l'intérêt professionnel des commerçants sur un plan national, ne justifie pas d'un intérêt suffisant pour contester une autorisation environnementale locale. Son intervention ne peut, dès lors, être admise.

Sur la régularité du jugement :

4. Eu égard à la nature de l'office attribué au juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, et sous réserve du cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement cet office, il aurait préjugé l'issue du litige, la seule circonstance qu'un magistrat ait statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualité de juge du principal.

5. Il ressort des termes de l'ordonnance n°1903523 en date du 31mai 2019 rejetant la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 31 août 2018 par lequel le maire de Colombier-Saugnieu a accordé une autorisation de construire valant permis de démolir à la société Goodman France pour la réalisation d'une plateforme logistique, que le juge des référés du tribunal administratif de Lyon s'est borné à constater qu'" aucun des moyens invoqués par l'ACENAS, tels qu'ils sont énoncés plus haut, n'est, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'acte contesté. ". Tout d'abord, en jugeant ainsi et contrairement à ce qui est soutenu, le juge des référés n'a pas préjugé de l'issue du litige et n'est donc pas allé au-delà de ce qu'implique nécessairement son office. Au surplus, l'ordonnance de référé invoquée est relative aux autorisations délivrées en application du code de l'urbanisme, lesquelles relèvent de législations distinctes et sont régies par des procédures indépendantes, alors que le jugement critiqué est relatif à l'autorisation d'exploiter délivrée au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. Il en résulte que la circonstance que le juge des référés, qui s'est prononcé le 31 mai 2019 sur la demande de suspension de l'exécution du permis de construire délivré à la société Goodman France, ait siégé à l'occasion du jugement attaqué n'est pas, par elle-même, de nature à entacher ce dernier d'irrégularité. Dans ces conditions, la participation de ce magistrat au jugement au fond de l'affaire ne peut être regardée comme de nature à faire douter de l'impartialité de la formation de jugement. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n'aurait pas été rendu par une formation impartiale ne peut qu'être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués devant eux, ont motivé avec une précision suffisante leur réponse aux moyens tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact du projet. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté. De même, si les premiers juges n'ont pas répondu à certains éléments de faits du dossier tenant à la question du climat, ces éléments doivent être regardés comme des circonstances de faits sur lesquelles le juge n'avait pas l'obligation de statuer. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'omission à statuer sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En application des dispositions des articles R. 181-12 et R. 181-13 du code de l'environnement, la demande d'autorisation environnementale doit être déposée par le pétitionnaire qui, s'il est une personne morale, doit indiquer sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, son numéro de SIRET, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du signataire de la demande. Il doit, par ailleurs, justifier être le propriétaire du terrain ou disposer du droit d'y réaliser son projet ou d'une procédure en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit. Il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, le demandeur ou même le titulaire d'une autorisation environnementale doive être, lui-même, l'exploitant de l'installation sollicitée ou autorisée. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Goodman a indiqué dans son dossier de demande d'autorisation d'une part, qu'en qualité de propriétaire des entrepôts, elle sera le titulaire de l'autorisation d'exploiter et qu'elle sera donc tenue au respect de toutes les prescriptions contenues dans l'arrêté, d'autre part, que le pôle logistique a vocation à être loué à un industriel ou un professionnel de la logistique. En outre, la notice descriptive du projet comporte également une présentation des capacités financières de la société Goodman France. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorisation ne pouvait être délivrée à une société n'ayant pas la qualité d'exploitante de la plateforme logistique, doit être écarté.

8. L'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement réitèrent en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, leur moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact jointe à l'enquête publique au regard de l'article 3 de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011, d'une part, en tant que l'étude de danger ne précise pas les conséquences d'une chute d'avion sur les constructions projetées au regard des produits stockés, d'autre part, en tant que les effets du projet sur le climat et la qualité de l'air n'ont pas été suffisamment analysés dans l'étude d'impact, enfin, en tant que l'étude de trafic est incomplète, en particulier quant à la circulation aérienne, au trafic routier et à la production de gaz à effet de serre, alors qu'aucune mesure compensatoire liée au trafic routier et au climat n'est prévue. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges. En outre, les parties intervenantes ne sont pas fondées à soutenir que l'étude d'impact aurait omis de prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre liées à la fabrication et au transport jusqu'en France des produits stockés, dès lors que la fabrication, laquelle n'est pas prévue sur le site en litige, des produits stockés sur le site répond à des objectifs différents de ceux poursuivis par le projet litigieux. De même, la prétendue insuffisance de l'étude d'impact résultant de l'absence de mention du futur locataire de l'entrepôt, invoquée également par les intervenantes, est dépourvue d'incidence sur l'appréciation des conséquences du projet.

9. S'il est soutenu que la demande d'autorisation est irrégulière, faute de comporter, d'une part, les procédés de fabrication que le pétitionnaire mettra en œuvre , les matières qu'il utilisera et les produits qu'il fabriquera, d'autre part, les procédures de contrôle afférentes au contenu annoncé du " stockage en souffrance ", toutefois aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au pétitionnaire d'une plateforme logistique, destinée au stockage de produits, qui ne met en œuvre aucun procédé de fabrication et ne fabrique aucun produit, de détailler les procédures de contrôle des produits stockés dans sa demande d'autorisation.

10. Il ressort de la notice descriptive du projet, dont le coût est évalué à 100 millions d'euros, que la pétitionnaire se présente comme appartenant au groupe Goodman, acteur mondial de l'immobilier industriel détenant plus de dix-sept millions de mètres carrés dans le monde, dont près d'un million en France, répartis sur 19 sites, dont quatre présentaient des caractéristiques proches du projet en litige en termes de surface construite et d'investissement. La société Goodman France a présenté également les chiffres d'affaires réalisés, compris entre 16,6 et 40,3 millions d'euros, et ses résultats nets de 2013 à 2017 ainsi que les modalités d'investissement, reposant sur des emprunts intra-groupes effectués dans le cadre de conventions de financement. Par suite, eu égard à la notoriété et à structure financière de la société, ces indications doivent être regardées comme suffisantes pour établir que le public n'a pas été privé d'une information complète quant aux moyens réels dont disposait l'auteur de la demande. De même, et alors que la société a produit, en appel, ses chiffres d'affaires pour les années 2018, 2019 et 2020 qui s'élèvent respectivement à 49,8 millions d'euros, à 103 millions d'euros et à 56,8 millions d'euros, il n'est pas sérieusement contesté que l'autorité administrative disposait d'informations suffisamment précises pour mesurer les capacités de l'exploitante à assumer la construction, l'exploitation et le démantèlement de l'installation. En outre, contrairement à ce qui est soutenu, la société Goodman France, qui est l'investisseur finançant l'opération, ne se prévaut pas des capacités financières de sa maison-mère.

11. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...). " Le I de l'article L. 411-2 du même code, qui transpose l'article 6 de la directive du Conseil 92/43/CE du 21 mai 1992, renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...). "

12. Il résulte de ces dispositions qu'un projet de travaux, d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées, appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution alternative satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

13. D'une part, il résulte de l'instruction que le projet, qui est implanté sur le site de la plateforme aéroportuaire de Lyon Saint-Exupéry, défini comme un pôle économique majeur métropolitain par la directive territoriale d'aménagement de l'aire métropolitaine lyonnaise et le schéma de cohérence territoriale, répond aux orientations définies par ces documents en vue de structurer le développement de l'activité logistique notamment sur la plateforme aéroportuaire, en particulier autour des infrastructures de transports qui y sont développées, dans un contexte d'offres déficitaires et inadaptées aux besoins de niveau métropolitain, s'agissant notamment d'entrepôts de grande taille. En outre, le projet correspond, compte tenu de son ampleur et de son implantation, aux prescriptions tendant à favoriser l'accueil de projets économiques d'envergure nécessitant de grands tènements immobiliers, notamment au sud de la plateforme aéroportuaire, et à valoriser le foncier concédé par l'État à Aéroport de Lyon. En outre, il n'est pas sérieusement contesté que le projet permettra la création annoncée de 1 000 emplois directs, engendrés par le fonctionnement du site, et que la construction de l'entrepôt induira des emplois directs de 600 personnes pendant une année de travaux. Dans ces conditions, eu égard aux réponses apportées aux besoins tant en termes d'aménagement du territoire qu'en termes de développement économique du territoire, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lyon a pu estimer que le projet litigieux, qui recueille le consensus des pouvoirs publics, répondait à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

14. D'autre part, le dossier de demande mentionne l'absence de solutions alternatives alors que le site en litige, dédié à l'activité industrielle, s'agissant d'une ancienne emprise de la carrière voisine accueillant les bassins de traitement, reconvertie en circuit de test et de crashs pour véhicules, proche d'un axe autoroutier et éloigné de zones d'habitation, recouvre un tènement de grande dimension, libre rapidement et permettant l'utilisation éventuelle à terme du fret aérien. En outre, contrairement à ce qui est soutenu, l'instruction de la demande n'a pas permis d'identifier l'existence de sites alternatifs de nature à avoir un impact moindre sur le maintien des espèces protégées. Enfin, l'étude des enjeux écologiques du terrain d'implantation du projet permet d'établir que le site accueille plusieurs espèces protégées, dont trois espèces de reptiles, vingt-sept espèces d'oiseaux dont des espèces de prairie remarquables, une espèce de mammifère terrestre, une espèce d'amphibien et deux espèces de chiroptères. Toutefois, les risques de destruction d'habitats et d'individus par la réalisation du projet sont estimés de faibles à moyens, compte tenu du caractère localisé des espèces sur les espaces prairiaux et boisés du site, toujours en activité, lequel a une vocation industrielle depuis de nombreuses années. Les mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées par la pétitionnaire ont d'ailleurs été jugées suffisantes par le conseil national de la protection de la nature dans son avis du 13 mai 2018. Dès lors, le préfet du Rhône a pu légalement estimer que la dérogation sollicitée ne nuirait pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans les environs immédiats du site en cause et dans leur aire de répartition naturelle. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône a fait une exacte application des dispositions du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges.

15. Aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. ". En vertu de ces dispositions, le règlement et les documents graphiques du plan local d'urbanisme sont opposables à l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan. Il en résulte que les prescriptions de celui-ci qui déterminent les conditions d'utilisation et d'occupation des sols et les natures d'activités interdites ou limitées s'imposent aux autorisations d'exploiter délivrées au titre de la législation des installations classées.

16. L'article Uz 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Colombier-Saugnieu, dans sa rédaction issue de la révision du 28 juin 2017, applicable en l'espèce, interdit " toutes constructions, installations, occupations et utilisations du sol qui ne soient pas directement liées et compatibles avec le fonctionnement de l'aéroport et des activités ferroviaires attenantes, ou nécessaires, aux services publics ou d'intérêt collectif, sauf celles énumérées à l'article Uz 2. Sont visés notamment : (...) / 8. Les constructions et installations à destination de commerce et activités de service, sauf sous-destinations listées à l'article Uz 2 ". Ce dernier article autorise les constructions hébergeant des activités du secteur tertiaire, " compatibles avec leur environnement proche, mais aussi compatibles et liés à l'exercice de l'activité aéroportuaire, y compris aux activités ferroviaires attenantes, sous réserve que les aménagements et constructions soient compatibles avec les principes inscrits dans l'" Orientation d'aménagement et de programmation liée au projet de développement de l'aéroport Lyon - Saint-Exupéry ", dernier chapitre des OAP du PLU ".

17. Le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération lyonnaise qualifie la zone aéroportuaire de Lyon Saint-Exupéry de " polarité économique de rayonnement métropolitain à conforter ". La directive territoriale d'aménagement de l'aire métropolitaine lyonnaise, modifiée en mars 2015, sur l'espace interdépartemental Saint-Exupéry, classe la zone en litige en " site économique d'envergure métropolitaine ". L'un des axes majeurs de la directive est notamment de structurer le développement sur le site de l'aéroport Lyon Saint-Exupéry de fonctions logistiques nouvelles autour des infrastructures présentes sur la plateforme aéroportuaire, dans un contexte d'offres déficitaires et inadaptées aux besoins de niveau métropolitain et de vocation multimodale de la zone. En outre, les orientations fixées par ces deux documents tendent à l'accueil, sur le site de la plateforme aéroportuaire, et sous réserve de maîtrise du foncier par la puissance publique, d'activités économiques et d'équipements spécifiques, soit directement liés à la présence de l'aéroport parce qu'ils conditionnent son développement ou qu'ils en dépendent, soit porteurs d'image et contribuant au rayonnement international de l'aire métropolitaine, ainsi que d'autres activités pour des projets économiques d'envergure exigeant de grands tènements, notamment sur la partie sud de la plateforme existante. Par ailleurs, le dernier chapitre des orientations d'aménagement et de programmation liées au projet de développement de l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry prévoit que si le secteur Cargo, situé au sud est, reste réservé aux fonctions logistiques avec " affinité aéroportuaire ", les secteurs sud et nord constituent des secteurs de développement de l'immobilier de diversification sur la plateforme, dont il n'est pas contesté qu'ils peuvent générer des ressources complémentaires pour l'exploitant de l'activité aéroportuaire. Enfin, le syndicat mixte d'études et de programmation de l'agglomération lyonnaise a émis le 28 mars 2018 un avis favorable au projet. Dans ces conditions, la plateforme logistique, laquelle est implantée sur un tènement foncier de 213 502 m², doit être regardée comme directement liée à l'exercice de l'activité aéroportuaire et demeure compatible avec le fonctionnement de l'aéroport. Par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, l'autorisation d'exploitation ne méconnaît pas les dispositions précitées des articles Uz 1 et Uz 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Au surplus, les associations appelantes ne peuvent utilement faire valoir que le projet de plateforme logistique contesté méconnaîtrait la directive territoriale d'aménagement de l'aire métropolitaine lyonnaise, ainsi que les orientations du schéma de cohérence territoriale, qui ne lui sont pas directement opposables.

18. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu : " La destination de construction " commerce et activité de service " prévue au 3° de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme comprend les six sous-destinations suivantes : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, hébergement hôtelier et touristique, cinéma. La sous-destination " artisanat et commerce de détail " recouvre les constructions commerciales destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle ainsi que les constructions artisanales destinées principalement à la vente de biens ou services. ". Si les associations requérantes soutiennent qu'une plate-forme logistique, qui se présente comme le dernier contact avec le client, est un commerce de détail soumis à la réglementation applicable à ce genre d'activité, toutefois ce type de plateforme n'entre dans aucune des catégories fixées à l'article 3 de l'arrêté du 10 novembre 2016. Par suite le moyen tiré de ce que le projet ne serait pas conforme à l'article Uz1 du règlement du PLU, lequel interdit notamment " les constructions et installations à destination de commerce et activités de service ", doit être écarté.

19. S'il est soutenu, par voie d'exception, au regard de la directive territoriale d'aménagement de l'aire métropolitaine lyonnaise, dont les dispositions invoquées par les appelantes sont devenues caduques, et du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération lyonnaise, que les dispositions du plan local d'urbanisme seraient illégales au motif notamment que le sens donné au règlement est incompatible avec le SCOT, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 17 que les dispositions du plan local d'urbanisme ne sont pas incompatibles avec lesdits documents et permettent l'implantation d'activités logistiques sur la plateforme de l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry.

20. Comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le projet en cause n'est pas incompatible avec la déclaration d'utilité publique des travaux nécessaires à la réalisation de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, au seul motif qu'il se trouverait à près de 90 % dans le périmètre de cette déclaration d'utilité publique, alors que le projet en litige repose sur une législation indépendante et distincte de celle invoquée par les requérantes. Ensuite, il est constant d'une part, que la commune de Colombier-Saugnieu a intégré ce périmètre dans son plan local d'urbanisme, sous la forme d'un emplacement réservé, lequel a été pris en compte pour la délimitation du projet, d'autre part, que par courrier du 23 mars 2018, la SNCF réseau, bénéficiaire de cet emplacement réservé, a indiqué que le projet en cause était compatible avec le projet de liaison ferroviaire. Enfin, en confirmant la compatibilité du projet de la société Goodman France avec le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin, SNCF Réseau n'a pas modifié le décret prononçant l'utilité publique du projet de desserte ferroviaire Lyon-Turin, ni d'ailleurs le périmètre de cette DUP. Par suite, les moyens, tirés de la méconnaissance du parallélisme des formes et de ce que seul le ministre des transports pouvait donner son avis sur la compatibilité du projet, sont inopérants.

21. En se bornant à se prévaloir d'une part, du protocole de Kyoto, de la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, du " paquet législatif énergie climat ", du " Grenelle de l'environnement " , sans viser les dispositions précises de ces textes qui auraient, selon elles, été méconnues lors la délivrance de l'autorisation litigieuse, alors que ces dispositions n'ont pas pour objet de faire obstacle, par principe, à tout nouveau projet d'exploitation, d'autre part, de l'article 45 de la loi du 17 août 2015, qui concerne le programme d'action que devaient établir les exploitants d'aérodromes au plus tard le 31 décembre 2016 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques résultant des activités directes et au sol de la plateforme, les associations appelantes n'établissent pas que le projet en litige serait incompatible avec les engagements internationaux de la France pour lutter contre le changement climatique, notamment en réduisant les gaz à effet de serre. De même, les appelantes ne peuvent utilement invoquer d'une part, que le transport de marchandises par camion est de nature à générer d'importants rejets de gaz à effet de serre et à contribuer au dérèglement climatique, que le projet retient les déplacements par camion sur une plateforme logistique d'une taille exceptionnelle, que le principe même d'expédier, à partir du monde entier, des produits et des biens de consommation, qui parviennent directement aux consommateurs, engendre une surconsommation de transport, d'autre part, qu'il serait " de notoriété publique " que l'opérateur de la plateforme serait l'un des plus gros contributeurs de gaz à effet de serre, bien supérieur au commerce de proximité.

22. Les associations appelantes ne peuvent, pas davantage utilement soutenir que l'absence de recours au fret aérien devait faire partie des prescriptions, faute d'études sur les effets sur le fret aérien dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'il n'est pas envisagé de recourir au fret aérien dans l'immédiat. De même, en se bornant à faire valoir , d'une part, que les prescriptions relatives aux modes de transports, et les conséquences du développement sur le fret routier devaient également être plus précises, d'autre part, que le pétitionnaire devrait prendre en charge les conséquences financières liées au trafic routier engendré par son projet et sans remettre en cause sérieusement l'étude de trafic réalisée par le bureau d'études Egis, les associations ne prouvent pas que le projet litigieux générerait un flux de transport routier qui ne pourrait être absorbé par les infrastructures existantes, alors que le département du Rhône a donné son accord le 9 mai 2018 pour réaliser des travaux visant à réduire les effets sur les carrefours giratoires existants, notamment concernant la difficulté d'écoulement du trafic au carrefour C2. Par suite, le moyen tiré, de ce que les mesures prises à l'article 10.3.1 de l'autorisation pour gérer les flux de transport autour du site seraient insuffisantes, doit être écarté, sans qu'il soit besoin que cet article, lequel est suffisamment précis sur ce point, ne comporte la mention " sans utiliser de quelque manière que ce soit l'aéroport Saint-Exupéry ". Enfin, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les intervenants, l'arrêté litigieux n'avait nul besoin de prescrire, d'une part, un suivi environnemental lié à l'évaluation de la qualité de l'air aux abords du projet litigieux, d'autre part, une évaluation des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre induites par l'exploitation de l'entrepôt.

23. Aux termes de l'article L. 181-12 du code de l'environnement, qui transpose les dispositions de l'article 8 bis de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. / Ces prescriptions portent, sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-1-1, sur les mesures et moyens à mettre en œuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé. (...) ". L'article R. 181-43 du même code précise que l'autorisation environnementale doit également comporter les modalités de suivi de ces mesures. En l'espèce, les articles 3.3.1 à 3.3.5 de l'arrêté litigieux détaillent les mesures d'évitement et de réduction des impacts du projet, les mesures compensatoires, les mesures d'accompagnement et les mesures de suivi et d'évaluation de ce dispositif. D'ailleurs, l'article 3.3.3, consacré aux mesures compensatoires, prévoit l'aménagement et la gestion raisonnée d'espaces de prairies composés de dix parcelles céréalières, sur une surface totale de 21,1 hectares, pour une durée de trente ans. En se bornant à soutenir que le projet est incohérent, que les parcelles ne seraient pas contigües et que la présence de l'aéroport, avec des atterrissages et des décollages fréquents, priverait de toute crédibilité les actions contre la destruction des oiseaux, tout en faisant valoir, en cause d'appel, d'une part, qu'avec 100 000 euros, soit 3 333 euros par an, les compensations ne sont pas au niveau de la destruction de l'environnement, d'autre part, " qu'il se déduit de la biologie animale qu'il est important qu'il existe un territoire suffisant que la somme de petites parcelles ne peut pas compenser ", les appelantes ne démontrent pas l'insuffisance des mesures de compensation et de suivi environnementales, alors même que le conseil national de la protection de la nature a rendu un avis favorable au projet en estimant que : " La démarche Eviter-Réduire-Compenser est bien respectée. Les mesures compensatoires sont suffisantes avec une attention portée sur leur gestion. ".

24. Les appelantes réitèrent en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, leur moyen tiré de ce que l'autorisation environnementale a été " probablement " obtenue par fraude Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que l'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de ces dernières une somme de 2 000 euros à verser à la société Goodman France au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la confédération des Commerçants de France n'est pas admise.

Article 2 : L'intervention de l'association les Amis de la Terre France et autres est admise.

Article 3 : La requête de l'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement est rejetée.

Article 4 : L'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry et la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement verseront solidairement à la société Goodman France une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry, à la fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l'environnement, à la société Goodman France et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la confédération des commerçants de France, à l'association " les Amis de la Terre France ", à la ville de Lyon, à Mme E... C..., à M. D... F..., et à Mme B... A... de Brosses.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2022.

Le rapporteur,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00126
Date de la décision : 12/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-12;20ly00126 ?
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