Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :
- d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 par lequel le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
- d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2100211 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2021, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2100211 du tribunal administratif de Dijon du 28 juin 2021 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le préfet a considéré qu'il ne justifiait pas de son identité et de son âge, au motif qu'il avait produit des actes d'état-civil déclaré faux par la police aux frontières, alors que ces documents authentiques étaient de nature à justifier son état-civil ; il répondait aux conditions posées par l'article L. 313-11,7° du code de l'entrée et du séjour des étranger ainsi que par l'article L. 313-14 du même code, et le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet ne pouvait fixer la Côte d'Ivoire comme pays de destination alors qu'il a considéré qu'il n'était pas en mesure de justifier de son identité et de sa nationalité.
Par un mémoire enregistré le 26 novembre 2021, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui déclare être de nationalité ivoirienne et être né le 2 janvier 2001 à Meagui (Côte d'Ivoire), est entré régulièrement en France le 28 septembre 2017, selon ses déclarations, et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Nièvre à la suite d'une ordonnance de placement provisoire, puis il a fait l'objet d'une ordonnance d'ouverture de tutelle de l'État le 19 octobre 2017. Le 20 décembre 2018, les services de l'aide sociale à l'enfance ont sollicité du préfet de la Nièvre la délivrance pour l'intéressé d'un titre de séjour. Le préfet de la Nièvre, par un arrêté du 28 décembre 2020, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, au motif principal qu'il ne pouvait justifier de son âge et de son identité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Ce n'est que si ces conditions préalables sont remplies que le préfet, sous le contrôle juridictionnel de l'erreur manifeste, doit prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
4. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ", lequel dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". En vertu de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 susvisé relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état-civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet (...) ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
6. Il ressort des pièces du dossier que les extraits du registre des actes de l'état-civil pour l'année 2001 de la circonscription d'état-civil de Méagui des 1er mars 2018, 15 mai 2019 et 21 septembre 2019 produits par M. A... lors de sa demande de titre de séjour ont fait l'objet, le 19 décembre 2019, d'un examen technique documentaire par un analyste en fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières, dont la qualification pour opérer de tels constats résulte de son affectation dans un service spécialisé à raison d'une formation à cette fin et de son agrément par le bureau de la fraude documentaire, qui a constaté qu'il s'agissait de contrefaçons, dès lors qu'outre les modalités de leur impression et la circonstance qu'ils auraient été délivrés par la même circonscription sur un support différent dans un délai très court, ils comportaient de nombreuses anomalies, portant sur le logo utilisé, les mentions affectées de fautes de frappe ou de caractères différents dans un même mot ou des tampons différents pour le même signataire et le même service. Eu égard à ces éléments, et quand bien même les résultats des examens techniques documentaires réalisés par un analyste en fraude documentaire de la police aux frontières peuvent être contestés, contrairement à ce qu'indique le préfet en défense, dès lors que les documents présentés par l'intéressé ne pouvaient qu'être regardés comme étant manifestement frauduleux quant à la détermination de la date de naissance et de l'identité de M. A..., et, nonobstant, d'une part, les circonstances alléguées quant au sérieux de la formation suivie par ce dernier et, d'autre part, la production d'une carte consulaire, document d'identité ne disposant d'aucune force probante particulière et la circonstance que, dans un premier temps, les services préfectoraux ont délivré au requérant un récépissé de demande de titre de séjour au vu de ce document, le préfet de la Nièvre pouvait légalement se fonder sur ce seul motif pour rejeter la demande de l'intéressé.
7. En second lieu, les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de la violation des dispositions alors codifiées au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.
9. En second lieu, le moyen tiré d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par le motif exposé au point 7 pour écarter ce moyen en tant qu'il était soulevé à l'encontre du refus de séjour.
Sur la fixation du pays de renvoi :
10. La remise en cause par le préfet de la Nièvre des documents d'état civil produits par M. A... se limite à son âge et à son identité. Il suit de là qu'il n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant la Côte d'Ivoire, dont il indique lui-même avoir la nationalité, comme pays de destination, le préfet de la Nièvre l'éloignerait d'office vers un État dont il n'a pas la nationalité.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre.
M. Seillet, président assesseur.
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02623
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