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06/10/2022 | FRANCE | N°21LY00915

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 octobre 2022, 21LY00915


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... et Mme F... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 17 avril 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004431, 2004432 du 10 décembre 2020, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une

requête enregistrée le 22 mars 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Vernet, demandent à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... et Mme F... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 17 avril 2020 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004431, 2004432 du 10 décembre 2020, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 mars 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Vernet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les arrêtés du 17 avril 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer des cartes de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, s'agissant de M. B..., mention " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 300 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les refus de titre de séjour sont insuffisamment motivés et entachés d'un défaut d'examen complet de leur situation ;

- le refus de séjour opposé à Mme B... méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ces deux décisions méconnaissent l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les obligations de quitter le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des refus de séjour qui les fondent ;

- elles méconnaissent le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les fixations du pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité des obligations de quitter le territoire.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Par arrêt avant-dire-droit du 30 décembre 2021, la cour a procédé à un supplément d'instruction afin que le préfet du Rhône produise les éléments permettant à la cour de se prononcer sur le bien-fondé du motif tiré de la disponibilité du traitement médicamenteux approprié à l'état de santé de Mme B... en Bosnie-Herzégovine ou d'un substitut équivalent.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- et les observations de Me Vernet, pour M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République Fédérale de Bosnie-Herzégovine, née le 30 mai 1971, déclare être entrée sur le territoire national le 10 février 2015 et a été rejointe le 29 avril suivant par son époux, de même nationalité. A la suite du rejet définitif de leurs demandes d'asile par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 10 octobre 2016 et après avoir obtenu un premier titre de séjour valable du 7 novembre 2017 au 6 novembre 2018, le préfet du Rhône, par deux arrêtés en date du 17 avril 2020, a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par un arrêt avant-dire-droit du 30 décembre 2021, la cour a procédé à un supplément d'instruction afin que le préfet du Rhône produise les éléments lui permettant de se prononcer sur le bien-fondé du motif tiré de la disponibilité du traitement médicamenteux approprié à l'état de santé de Mme B... en Bosnie-Herzégovine ou d'un substitut équivalent.

Sur la légalité des arrêtés du 17 avril 2020 :

2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). " Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 313-22 du même code, le préfet délivre le titre de séjour " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...). "

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 18 juin 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut effectivement y bénéficier d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Toutefois, l'intéressée, qui souffre d'une maladie neurologique et psychiatrique qui a nécessité plusieurs hospitalisations en 2015 et 2016 et un traitement médicamenteux, produit un extrait de la liste des médicaments enregistrés en Bosnie-Herzégovine provenant du site de l'Agence du médicament de ce pays dont il résulte que la Venlafaxine, molécule d'un des médicaments composant son traitement, n'y est pas enregistrée. Cette indisponibilité du traitement en Bosnie-Herzégovine n'est pas contestée par le préfet qui, malgré l'arrêt avant-dire-droit du 30 décembre 2021, n'a produit aucun élément relatif à la possibilité, pour Mme B..., de bénéficier, dans son pays d'origine, du médicament prescrit pour son état de santé ou d'un substitut équivalent. Dès lors, le refus de délivrance à Mme B... du titre de séjour en litige a méconnu les dispositions précitées du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Par ailleurs, compte tenu de la vie commune et familiale de Mme B... et de son époux ainsi que d'une durée indéterminée des soins nécessaires à l'état de santé de celle-ci, le refus de séjour opposé à M. B..., compte tenu du motif d'illégalité du refus dont a fait l'objet son épouse, doit être considéré comme méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés litigieux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Eu égard aux motifs qui fondent l'annulation prononcée par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à M. et Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions désormais codifiées à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. et Mme B... étant bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, leur avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'État versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 000 euros à Me Vernet, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 décembre 2020 et les arrêtés du 17 avril 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de faire droit à la demande de M. et Mme B... dans les conditions prévues au point 6 du présent arrêt.

Article 3 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État versera la somme de 1 000 euros à Me Vernet, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E..., à Mme F... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

Le rapporteur,

J. Chassagne Le président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY00915 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00915
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-06;21ly00915 ?
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