Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A..., a demandé au tribunal administratif de Lyon.
1°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel la préfète de la Loire a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement ;
2°) d'enjoindre à la préfète de la Loire, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2007464 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 mars 2021, M. A... représenté par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2021 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel la préfète de la Loire a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
1°) s'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
2°) s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :
- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°) s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2021, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête.
La préfète de la Loire s'en remet aux écritures produites dans le cadre de l'instruction du dossier de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- et les observations de Me Guillaume, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 12 août 1983, est entré régulièrement en France en avril 2011 et a fait l'objet, les 15 septembre 2012 et 24 mars 2015, de décisions portant obligation de quitter le territoire français, la seconde ayant été exécutée le 5 mars 2016 après le rejet de sa demande d'asile. Il est, de nouveau, entré sur le territoire français en juin 2017 et a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valide du 21 août 2019 au 14 mai 2020. Le 14 février 2020, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 février 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel la préfète de la Loire a rejeté sa demande, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.
4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le collège des médecins de l'OFII a rendu un avis le 16 juillet 2020, sur la demande de titre de séjour de M. A..., aux termes duquel l'état de santé de l'appelant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque. M. A... conteste l'appréciation portée par le collège de médecins en faisant valoir que les traitements médicamenteux qui lui sont prescrits dans le cadre du traitement de sa pathologie rénale, une glomérulonéphrite, ne seraient pas commercialisés en Tunisie notamment le Perindopril, médicament générique du Coversyl. Toutefois, l'intéressé qui a produit à l'appui de sa requête de première instance une liste de médicaments commercialisés par la pharmacie centrale algérienne, laquelle est insusceptible par sa nature, d'établir l'indisponibilité dudit médicament en Tunisie et de remettre en cause l'analyse du collège de médecins de l'OFII, se borne à invoquer cette liste de médicaments, commercialisés sans la produire. En outre, devant le tribunal administratif de Lyon, la préfète de la Loire avait produit un document établi par la direction de la pharmacie et du médicament du ministère de la santé de Tunisie sur l'usage national des médicaments dont il ressort que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, classe à laquelle appartient le Perindopril, sont disponibles en Tunisie et commercialisés par les laboratoires Servier sous la forme commerciale Coversyl. Par suite, dès lors que l'appelant n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à la gravité de sa pathologie, c'est sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la préfète de la Loire a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour demandé.
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour en France des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si M. A... fait état de la durée de son séjour sur le territoire national, de la circonstance qu'il n'est pas isolé dès lors que deux de ses frères y résident en situation régulière et qu'il dispose de son propre logement, toutefois, il ressort des pièces versées au dossier que l'appelant, qui demeure célibataire et sans charge de famille, a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans dans son pays d'origine où il conserve nécessairement ses attaches culturelles et familiales. Les circonstances, à les supposer établies, qu'il présente un taux d'incapacité supérieur ou égal à 50 % lui permettant ainsi de percevoir l'allocation d'adulte handicapé et qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée ne permettent pas d'établir que l'intéressé a fait preuve d'une réelle volonté d'insertion socioprofessionnelle sur le territoire français. Par suite, M. A... n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté. La préfète du Rhône n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :
7. En l'absence d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et soulevé par voie d'exception, doit par voie de conséquence être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Ainsi qu'il a été exposé, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourra bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. Par suite, la préfète de la Loire n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, M. A... ne peut se prévaloir de la délivrance d'un titre de séjour de plein droit en qualité d'étranger malade qui ferait obstacle à son éloignement. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2022.
Le rapporteur,
Gilles Fédi
Le président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 21LY00712