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28/09/2022 | FRANCE | N°20LY00592

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 28 septembre 2022, 20LY00592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser la somme totale de 104 297 euros, en réparation des conséquences dommageables qu'elle estime avoir subies du fait de l'absence de reclassement entre juin 2013 et août 2017.

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valence la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

E... un jugement n°1707273 du 26 nov

embre 2019, le tribunal administratif de Grenoble d'une part, a condamné le centre hospit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser la somme totale de 104 297 euros, en réparation des conséquences dommageables qu'elle estime avoir subies du fait de l'absence de reclassement entre juin 2013 et août 2017.

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valence la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

E... un jugement n°1707273 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble d'une part, a condamné le centre hospitalier de Valence à verser à Mme B... une somme de 8 512 euros : 4 512 euros au titre de la prime de service non perçue pour la période durant laquelle l'agent aurait dû être reclassée et 4 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence et des frais de suivi psychologique, d'autre part, a renvoyé l'intéressée devant l'administration pour calculer en premier lieu, l'indemnité correspondant à la différence entre les revenus que l'agent aurait perçus en cas de réintégration au 1er juillet 2015 et les revenus de remplacement perçus entre le 1er juillet 2015 et le 14 août 2017, date de son reclassement effectif, en deuxième lieu, l'indemnité correspondant à la différence entre les traitements qu'elle aurait perçus compte tenu de l'échelon qui aurait été le sien en cas de reclassement au 1er juillet 2015 et ceux qu'elle a effectivement perçus pour la période du 14 août 2017 au 26 novembre 2019, date du jugement, en troisième lieu, l'indemnité correspondant à la perte de droits à pension de retraite en raison de son maintien en disponibilité d'office pour raisons de santé entre le 1er juillet 2015 et le 14 août 2017, compte tenu de l'espérance de vie moyenne d'une femme , soit 85 ans, sur la base d'un départ à la retraite à 61 ans avec une incidence financière rapportée en conséquence à 24 années.

Procédure devant la cour

I- E... une requête et un mémoire, enregistrés les 12 février 2020 et 14 septembre 2021 sous le n°20LY00592, le centre hospitalier de Valence, représenté E... Me Blanc, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier de Valence soutient que :

- à la date du 26 avril 2013, la reprise du travail E... Mme B... étant impossible, il n'a pas méconnu son obligation de reclassement, car l'état de santé de l'agent ne permettait ni en 2013 ni en 2014, et au moins jusqu'au mois de juin 2015, une reprise du travail sur quelque poste que ce soit;

- le jugement du tribunal administratif de Grenoble doit être réformé en ce qu'il a retenu une faute à l'origine d'un préjudice de perte de chance de réintégration et de déroulement de carrière à compter du 1er juillet 2015, dès lors qu'aucune faute ne peut lui être reprochée jusqu'au mois de juillet 2016, c'est à dire à compter des demandes de reclassement formulées E... Mme B... les 12 juillet et 16 août 2016 ;

- le préjudice relatif à la perte de traitement n'est pas fondé sur deux ans mais seulement pour la période de novembre 2016 à août 2017, soit une période de neuf mois ;

- pour le préjudice résultant de la perte de la prime de service annuelle, Mme B... ne justifie pas du montant annuel de la prime de service ;

- pour le préjudice résultant de la perte de droits à pension de retraite, Mme B... ayant cotisé à un régime de retraite durant toute la période de maintien en disponibilité, n'établit pas que son maintien en disponibilité aura un impact sur sa future pension de retraite, la seule période de référence pour la prise en compte d'une éventuelle faute de sa part courant du mois de novembre 2016 à août 2017.

E... deux mémoires en défense, enregistrés les 30 juin et 8 octobre 2021, Mme B... , représentée E... Me Senegas :

1°) demande à la cour, E... la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il l'a, s'agissant du préjudice relatif à la perte de droits à pension de retraite, renvoyée devant le centre hospitalier de Valence, et en conséquence de condamner ledit centre hospitalier à lui verser, outre les indemnités versées en réparation de la perte de traitement et de la perte de la prime de service annuelle (24 262,11 euros + 4 512 euros), une somme de 31 244,84 euros, décomposée comme suit :

-19 296 euros au titre de la perte de droits à pension de retraite ;

- 4 948,84 euros au titre de la perte de ses droits à avancement ;

- 7 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis ;

2°) conclut au rejet de la requête ;

3°) demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier de Valence sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... fait valoir que :

- les moyens présentés E... le centre hospitalier de Valence ne sont pas fondés ;

- du fait d'un reclassement qui aurait dû intervenir au plus tard le 1er juillet 2015, elle aurait dû être classée à l'échelon 10 pour trois ans avec une différence représentant la somme mensuelle de 103,09 euros ;

- une indemnisation supérieure au titre des troubles subis dans ses conditions d'existence et du préjudice moral doit lui être accordée.

II- E... une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février 2020, 30 juin 2021 et le 8 octobre 2021, enregistrés sous le n°20LY00628, Mme B..., représentée E... Me Senegas, demande à la cour :

1°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser la somme totale de 104 297 euros, en réparation des conséquences dommageables qu'elle estime avoir subies du fait de l'absence de reclassement entre juin 2013 et août 2017, laquelle somme se décompose comme suit :

- 39 500 euros au titre de la perte de traitement pendant quatre ans ;

- 9 024 euros au titre de la prime de service annuelle non versée pendant quatre ans ;

- 37 440 euros au titre de à la perte de droits à pension de retraite ;

- 5 453,28 euros au titre de l'absence d'avancement pendant quatre ans, outre la somme de 145,27 euros E... mois jusqu'à l'arrêt à intervenir ;

- 10 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis ;

2°) à titre subsidiaire, d'une part, de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser une somme de 19 024 euros au titre de la prime de service annuelle non versée pendant quatre ans et au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis, d'autre part, de la renvoyer devant le centre hospitalier de Valence pour la liquidation des indemnités tenant à la perte de traitement entre le 21 juin 2013 et le 14 août 2017, à la perte d'avancement au titre de la même période et à la perte de droits à pension de retraite en raison de l'absence de reclassement durant cette même période ;

3°) de rejeter les conclusions du centre hospitalier de Valence aux fins de réformation du jugement n°1707273 du 26 novembre 2019 et celles formulées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Valence une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de fait, en tant qu'il retient qu'elle était apte à la reprise d'une activité professionnelle sur un poste compatible avec son état ostéo-articulaire seulement le 26 juin 2015, alors que plusieurs certificats médicaux établissent qu'en réalité elle était apte à un reclassement bien avant le 26 juin 2015 et à une reprise de son activité professionnelle, sur un poste adapté à son état de santé, le 1er décembre 2013 ;

- son préjudice financier, qui est protéiforme, résulte d'une perte de traitement, de l'absence de versement de la prime de service annuelle durant quatre ans, et de la perte de droits à pension de retraite résultant de l'absence de reclassement de juin 2013 à août 2017 ;

- un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence évidents sont caractérisés et doivent être indemnisés.

E... deux mémoires en défense, enregistrés le 28 avril 2020 et le 14 septembre 2021, le centre hospitalier de Valence, représenté E... Me Blanc :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) demande à la cour, E... la voie de l'appel incident, la réformation du jugement et le rejet des demandes indemnitaires de Mme B... ;

3°) demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier de Valence soutient que les moyens présentés E... la requérante ne sont pas fondés.

E... ordonnance du 18 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires hospitaliers, à l'intégration et à certaines modalités de mise à disposition ;

- le décret n°89-376 du 8 juin 1989 ;

- l'arrêté du 24 mars 1967 relatif aux conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Blanc, représentant le centre hospitalier de Valence et celles de Me Senegas, représentant Mme B....

Une note en délibéré, présentée pour le centre hospitalier de Valence, a été enregistrée le 14 septembre 2022.

Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 16 septembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée E... le centre hospitalier de Valence en qualité d'aide-soignante titulaire en 2006. A la suite d'un accident de service survenu le 16 décembre 2011, elle a été placée en congé de maladie, puis en disponibilité d'office à compter du 24 février 2013. E... la suite, elle a présenté des demandes de reclassement d'une part, les 20 avril 2013 et 20 janvier 2014, d'autre part, les 24 avril et 14 juin 2015 et les 11 et 22 février 2016. Le comité médical départemental, saisi sur injonction du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, a estimé, E... un avis du 29 juin 2017, que Mme B... était apte à un poste sans manutention lourde, tel un poste administratif ou un poste d'accueil. E... décision du 4 août 2017, l'agent a été réintégrée dans les effectifs du centre hospitalier de Valence. E... une réclamation préalable reçue le 6 octobre 2017 et restée sans réponse, Mme B... a demandé à être indemnisée des conséquences dommageables qu'elle estime avoir subies du fait de l'absence de reclassement entre le mois de juin 2013 et le mois d'août 2017. E... un jugement n°1707273 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble, d'une part, a condamné le centre hospitalier de Valence à verser à l'intéressée une somme de 8 512 euros : 4 512 euros au titre de la prime de service non perçue pour la période durant laquelle l'agent aurait dû être reclassée et 4 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence et des frais de suivi psychologique, d'autre part, a renvoyé l'intéressée devant l'administration pour calculer en premier lieu, l'indemnité correspondant à la différence entre les revenus que l'agent aurait perçus en cas de réintégration au 1er juillet 2015 et les revenus de remplacement perçus entre le 1er juillet 2015 et le 14 aout 2017, date de son reclassement effectif, en deuxième lieu, l'indemnité correspondant à la différence entre les traitements qu'elle aurait perçus compte tenu de l'échelon qui aurait été le sien en cas de reclassement au 1er juillet 2015 et ceux qu'elle a effectivement perçus pour la période du 14 août 2017 au 26 novembre 2019, date du jugement, en troisième lieu, l'indemnité correspondant à la perte de droits à pension de retraite en raison de son maintien en disponibilité d'office pour raisons de santé entre le 1er juillet 2015 et le 14 août 2017, compte tenu de l'espérance de vie moyenne d'une femme -85 ans- sur la base d'un départ à la retraite à 61 ans avec une incidence financière rapportée en conséquence à 24 années. E... une requête n°20LY00592, le centre hospitalier de Valence relève appel du jugement. E... une requête n°20LY00628, Mme B... relève également appel de ce jugement mais uniquement en tant qu'il n'a pas été entièrement fait droit à sa demande initiale.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 20LY00592 et 20LY00628 concernent la situation d'un même fonctionnaire, ont fait l'objet d'une instruction commune et sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer E... un seul arrêt.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Aux termes de l'article 71 la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, E... suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande E... l'intéressé. ". Et selon l'article 72 de la même loi : " En vue de permettre ce reclassement, l'accès à des corps ou emplois d'un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues E... les statuts particuliers de ces corps ou emplois, en exécution des articles 29, 32 et 35 et nonobstant les limites d'âges supérieures, s'ils remplissent les conditions d'ancienneté fixées E... ces statuts ". L'article 2 du décret n°89-376 du 8 juin 1989 dispose que : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'intéressé peut présenter une demande de reclassement dans un emploi relevant d'un autre grade de son corps ou dans un emploi relevant d'un autre corps. / L'autorité investie du pouvoir de nomination recueille l'avis du comité médical départemental ". L'article 7 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière dans sa rédaction applicable en l'espèce prévoit que : " Les comités médicaux sont chargés de donner un avis à l'autorité compétente sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois de la fonction publique hospitalière ; (...) 5. L'aménagement des conditions de travail du fonctionnaire après un congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée ; (...) ; 7. Le reclassement dans un autre emploi à la suite d'une modification de l'état physique du fonctionnaire, /ainsi que dans tous les autres cas prévus E... des textes réglementaires (...) ".

4. Mme B... soutient, dans la requête n°20LY00628, que plusieurs certificats médicaux établissent qu'elle était apte à un reclassement bien avant le 26 juin 2015, contrairement à ce qui a été jugé E... tribunal administratif de Grenoble. L'agent se fonde d'une part, sur le certificat médical du 8 avril 2013, du docteur D..., chirurgien, lequel " envisageait une reprise à un poste sédentaire sans effort avec les épaules dans environ deux mois " d'autre part, sur un certificat de son médecin traitant du 24 janvier 2020 qui indique que celle-ci était " apte à un reclassement soit sur un poste d'accueil téléphonique, soit de médiatrice dès mai 2013 ". Toutefois, l'expertise établie le 26 juin 2015, E... le docteur C..., rhumatologue, à la demande du comité médical départemental, précise : " qu'à compter du 26 avril 2013, si les douleurs ne permettaient pas la reprise du travail, elles étaient pluri-factorielles et concernaient également d'autres localisations articulaires : cela relevait de la MO (maladie ordinaire) et de DO (disponibilité d'office). " E... suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle était apte à une reprise de son activité professionnelle sur un poste adapté à son état de santé à la suite à sa première demande de reclassement présentée le 20 avril 2013. De même, en se bornant à soutenir que des postes auraient dû lui être proposés au plus tard le 1er décembre 2013, sans produire le moindre certificat médical d'aptitude relatif à cette période comprise entre le 20 avril et le 1er décembre 2013 et alors qu'elle a bénéficié de congés de maladie jusqu'au 30 juin 2015, l'appelante n'établit pas que le refus implicite opposé à sa deuxième demande de reclassement, présentée le 20 janvier 2014, serait illégal. Dans ces conditions, Mme B... ne démontre pas que son état de santé permettait une reprise d'activité avant le 26 juin 2015 et que les deux refus implicites de reclassement qui ont été opposés à ses demandes seraient entachés d'une illégalité fautive.

5. Il résulte de l'instruction et notamment d'une part, de l'expertise établie le 26 juin 2015, E... le même docteur C... que : " l'état actuel de Mme B... est compatible avec la reprise du travail dans les meilleurs délais, mais uniquement sur un poste compatible avec l'état ostéo-articulaire comme un poste d'accueil. Il existe une inaptitude définitive aux fonctions d'aide-soignante ", d'autre part, de l'avis du médecin du travail du 3 février 2016 qui indique que " l'agent est apte à un poste en mi-temps thérapeutique sans manutention lourde tel un poste administratif ou poste d'accueil ". En outre, si le centre hospitalier de Valence soutient, dans la requête n°20LY00592, qu'il n'existe aucune concordance entre la demande de l'agent et les postes disponibles au jour de la demande et qu'aucun élément versé au débat ne permet d'établir que les deux postes publiés le 5 février 2016 étaient vacants au jour de la demande de l'agent, toutefois l'administration ne peut exiger de l'agent qui demande un reclassement qu'il prouve l'existence de postes susceptibles de lui être proposés. Enfin l'hôpital, qui ne produit pas la liste des postes vacants au sein de l'établissement en 2015, ne démontre pas que les quatre postes d'adjoints administratifs, mentionnés sur la liste des agents mis en stage au 1er juillet 2015, ne pouvaient pas être proposés à Mme B... ou que ces postes étaient incompatibles avec son état de santé ou même que l'intérêt du service ou un autre motif faisait obstacle à ce qu'ils soient proposés à l'intéressée. Dans ces conditions, alors qu'il résulte de l'instruction qu'en 2017, l'établissement comptait 2 686 agents, dont 346 personnels administratifs, le centre hospitalier de Valence doit, E... suite, être regardé, comme ayant méconnu son obligation de reclassement, à compter du 1er juillet 2015, révélant ainsi un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité envers Mme B....

Sur les préjudices :

6. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de son éviction irrégulière du service. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer E... son travail au cours de la période d'éviction.

En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte de traitement :

7. Le centre hospitalier de Valence soutient que Mme B... a perçu des revenus importants, issus de son activité accessoire privée. Il est constant qu'en 2015, elle a perçu un salaire brut de 14 827,80 euros, soit un montant de 1 235,65 euros E... mois, qu'en 2016, elle a perçu un salaire brut de 12 406,80 euros sur 10 mois, soit une moyenne de 1 240,68 euros E... mois et qu'en 2017, elle a perçu un salaire brut de 10 246,78 euros, soit un montant de 928,76 euros E... mois, avec un temps de travail moyen de 30,50 heures E... semaine. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que Mme B... a exercé l'activité d'accueillante et d'aidante familiale, en vertu d'une autorisation de son employeur en date du 1er juin 2007 durant la période 2007 à 2018, il n'est pas contesté que cette activité aurait été autorisée E... l'employeur de l'intéressée, lequel lui accordait chaque année un temps partiel à 80 % en relation avec cette activité. Cette activité, qui a débuté pendant l'année 2007, donc six ans avant la demande de reclassement et qui ne peut être regardée comme ayant eu pour objet d'obtenir des revenus de remplacement visant à pallier l'absence de reclassement E... son employeur, s'est poursuivie durant l'année 2018, après que l'intéressé a été reclassée. En outre, la circonstance que ces revenus soient en augmentation durant les années 2015, 2016 et 2017 reste sans incidence sur la qualification de l'activité en cause. E... suite, Mme B... est fondée à soutenir que cette activité d'accueillante et d'aidante familiale constituait une activité ayant un caractère accessoire dont le montant n'avait pas à être déduit du préjudice résultant de la perte de traitement. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier une indemnité de 24 262,11 euros, correspondant à la différence entre les revenus que Mme B... aurait perçus en cas de réintégration au 1er juillet 2015 et les revenus de remplacement perçus entre le 1er juillet 2015 et le 14 août 2017, date de son reclassement effectif.

En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte d'avancement :

8. Mme B... ne conteste plus en appel que la perte d'avancement est couverte E... l'indemnisation qui lui sera versée au titre de la perte de traitement en application du point précédent pour la période comprise entre le 1er juillet 2015 et le 14 août 2017. Toutefois, pour la période du 14 août 2017 au 31 décembre 2019, correspondant à la durée de trois ans du 10ème échelon, Mme B... est fondée à demander le versement d'une indemnité correspondant à la différence entre les traitements qu'elle aurait perçus compte tenu de l'échelon qui aurait été le sien en cas de reclassement au 1er juillet 2015 et ceux qu'elle a effectivement perçus. E... suite, et faute de la moindre contestation sur ce point de la part de son employeur et compte tenu du fait que Mme B... aurait dû être classée à l'échelon 10 pour une durée de trois ans avec une différence de 103,09 euros E... mois, il y a lieu de lui accorder à ce titre la somme de 3 711,24 euros. En revanche, et dès lors que le fait qu'un agent remplisse les conditions pour bénéficier d'une promotion ne lui donne que vocation, mais non un droit, à être promu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle aurait pu bénéficier d'un tel avancement de grade plus rapidement si elle avait été effectivement reclassée le 1er juillet 2015.

En ce qui concerne la prime de service :

9. L'arrêté interministériel du 24 mars 1967 relatif aux conditions d'attribution des primes de service aux personnels de certains établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 n'a pas pour objet de compenser des frais, charges ou contraintes liées à l'exercice effectif des fonctions. En se bornant à soutenir qu'en mars 2012, le montant brut de la prime de service a été de 935,14 euros et de 366 euros en novembre 2012, le centre hospitalier de Valence ne justifie pas que le montant fixé E... les premiers juges serait erroné ou qu'en cas de réintégration, l'agent n'avait pas une chance sérieuse de continuer à bénéficier de cette indemnité. E... suite Mme B... est fondée à demander le versement d'une indemnité, liquidée sur la base de la prime de service qu'elle a perçue en 2010, qui doit être évaluée à la somme de 2 256 euros E... an, soit 4 512 euros pour les deux années à indemniser.

En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte de droits à pension de retraite :

10. La circonstance que Mme B... ait cotisé à un régime de retraite durant toute la période de maintien en disponibilité, au titre de son activité accessoire, est sans incidence sur ses droits à pension de retraite au titre de son activité principale. Il résulte de l'instruction que le montant de 8 064 euros attribué à Mme B..., dans le cadre de l'exécution du jugement litigieux, a été calculé sur la base d'une perte de droits à pension de retraite d'un montant mensuel de 28 euros, dont le centre hospitalier de Valence n'établit pas la source de référence, alors que Mme B... se prévaut, sans être contredite, d'une estimation précisée dans un courrier du 20 mars 2018 émanant de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, qui fait état d'une incidence financière mensuelle nette de 130 euros sur le montant de la future pension de l'agent durant quatre années. Dans ces conditions, compte tenu d'une part, de l'impact de son maintien en disponibilité entre le 1er juillet 2015 et le 14 août 2017 sur le montant de sa pension, d'autre part, de l'espérance de vie moyenne d'une femme estimée à quatre-vingt-cinq et en retenant l'hypothèse, non contestée, d'un départ à la retraite à l'âge de soixante-deux et sept mois, calculée sur une période de vingt-deux années et cinq mois, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi E... Mme B... en condamnant le centre hospitalier de Valence à lui verser à ce titre une indemnité d'un montant de 20 000 euros.

En ce qui concerne les autres préjudices :

11. Alors que Mme B... ne peut se prévaloir d'une précarité financière, dès lors qu'il est constant qu'elle a exercé , pendant la période en litige, une activité accessoire qu'il lui a assuré un revenu décent, en revanche, compte tenu de la période d'incertitude de sa situation statutaire et de la souffrance psychologique qu'elle a subie du fait de l'inertie fautive de son employeur, il y a lieu de confirmer l'appréciation des premiers juges en condamnant le centre hospitalier de Valence à verser à Mme B... la somme de 4 000 euros, au titre du préjudice moral, et des troubles subis dans les conditions d'existence.

12. S'agissant du préjudice lié aux frais de suivi psychologique, l'intéressée n'établit pas le lien de causalité entre l'action du centre hospitalier et le dommage allégué. E... suite, il y a lieu d'écarter ce chef de préjudice.

13. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 56 485 euros le montant de l'indemnité due E... le centre hospitalier de Valence et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés E... le centre hospitalier de Valence. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Valence une somme de 1 500 euros à verser à Mme B..., au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier de Valence a été condamné à verser à Mme B... E... le jugement n°1707273 du 26 novembre 2019 est portée à 56 485 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 novembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Valence versera à Mme B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20LY00568 de Mme B... est rejeté.

Article 5 : La requête n° 20LY00592 du centre hospitalier de Valence et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'affaire n° 20LY00628 sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Valence.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public E... mise à disposition au greffe le 28 septembre 2022.

Le rapporteur,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne à la préfète de la Drôme en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00592-20LY00628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00592
Date de la décision : 28/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-04-01 Responsabilité de la puissance publique. - Réparation. - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : FAYOL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-28;20ly00592 ?
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