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22/09/2022 | FRANCE | N°22LY00234

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 22 septembre 2022, 22LY00234


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 avril 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par jugement n° 2108111 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 14 avril 2011 et a enjo

int au préfet du Rhône de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 avril 2021 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par jugement n° 2108111 du 21 décembre 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 14 avril 2011 et a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour au titre de l'article 2.2. de l'accord franco-gabonais du 5 juillet 2007 dans le délai d'un mois.

Procédure devant la cour

I. Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2022 sous le n° 21LY00234, et un mémoire complémentaire enregistré le 27 janvier 2022, le préfet du Rhône demande à la cour d'annuler le jugement susmentionné n° 2108111 du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

- la demande est irrecevable car tardive ;

- Mme A... ne disposant pas d'une licence professionnelle ou d'un diplôme équivalent au master, c'est à bon droit qu'il a écarté l'application de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le diplôme de chargée de développement stratégique obtenu par l'intéressée le 1er octobre 2019 et délivré par les Cours Diderot, relevait de la qualification de licence professionnelle et justifiait la délivrance d'une demande d'autorisation provisoire de séjour sur le fondement des mêmes stipulations ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 29 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Allene Ondo, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1800 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa demande est recevable ; elle a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 19 avril 2021 qui a interrompu les délais de recours ;

- le refus d'autorisation provisoire de séjour est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen de sa situation personnelle ;

- elle remplit les critères exigés par l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais puisqu'elle dispose d'une carte de séjour portant la mention étudiant et d'une licence professionnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

II. Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2022 sous le n° 22LY00284, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 février 2022, le préfet du Rhône demande à la cour, sur le fondement des article R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2108111 du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

- les moyens qu'il soulève dans la requête au fond sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ;

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Par mémoire enregistré le 29 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Allene Ondo, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par décisions du 30 mars 2022, Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale pour les deux affaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement du 5 juillet 2007 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère,

- et les observations de Me Allene Ondo, pour Mme Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante gabonaise née le 12 juin 1993, est entrée en France le 16 septembre 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa long séjour portant la mention étudiant. Un titre de séjour étudiant valable du 25 octobre 2019 au 24 octobre 2020 lui a été délivré, puis elle a demandé, le 7 septembre 2020, une autorisation provisoire de séjour d'une durée de neuf mois sur le fondement de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais. Par arrêté du 14 avril 2021, le préfet du Rhône l'a lui a refusée, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Rhône relève appel et demande le sursis à exécution du jugement n° 2108111 du 21 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 14 avril 2021 et lui a enjoint de délivrer l'autorisation provisoire de séjour demandée.

2. Il y a lieu de joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt les requêtes visées ci-dessus du préfet du Rhône tendant respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement.

Sur les conclusions de la requête n° 22LY00234 :

En ce qui concerne le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables, les dispositions de ce code " s'appliquent sous réserve des conventions internationales ". Aux termes du point 2.2 de l'article 2 de l'accord franco-gabonais susvisé : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de neuf (9) mois renouvelable une fois est délivrée au ressortissant gabonais qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à la licence professionnelle ou à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et, le cas échéant, à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie la rémunération mensuelle minimale en vigueur en France (...) ".

4. Il résulte de la combinaison des stipulations précitées ainsi que des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'éducation, que les ressortissants gabonais ne peuvent bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour qu'à la condition d'être titulaire d'un diplôme de licence professionnelle ou un diplôme au moins équivalent au master, délivré dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, l'Etat ayant le monopole de la collation des grades et titres universitaires sanctionné par l'habilitation des établissements qui les délivrent.

5. Pour refuser d'admettre au séjour Mme A..., le préfet du Rhône s'est fondé sur la circonstance que le diplôme de " chargé de développement stratégique " délivré par l'établissement Diderot Education Campus, produit à l'appui de la demande, ne relève ni des diplômes de master délivrés par le ministère de l'enseignement supérieur visé par le recteur d'académie, ni des diplômes d'établissement d'enseignement supérieur technique privé et consulaire visé par le ministre de l'enseignement supérieur et conférant à leur titulaire le grade de master, ni des diplômes inscrits au niveau 7 (anciennement niveau I) au répertoire national des certifications professionnelles, ni d'une licence professionnelle ou d'un diplôme de niveau 7 (anciennement niveau I) labellisé par la conférence des grandes écoles.

6. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que le diplôme présenté par l'intéressée à l'appui de sa demande d'autorisation provisoire de séjour correspond à une licence professionnelle et lui permettait de bénéficier des stipulations 2.2 précitées de l'accord franco-gabonais, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que Mme A... a validé, ultérieurement, le 18 juin 2020, une mention complémentaire sur l'accueil dans les transports, de niveau baccalauréat.

7. Si Mme A... a obtenu, le 1er octobre 2019, le titre de " chargée de développement stratégique " correspondant à un diplôme de licence (de niveau Bac + 3), il ressort des pièces du dossier que l'établissement privé qui le lui a délivré n'avait pas reçu d'habilitation de l'Etat. Il suit de là que, quel que soit le niveau que reconnaissaient à ce cursus - lorsqu'il est accompli dans des établissements habilités - les nomenclatures française et européenne en matière d'équivalence de qualification professionnelle, Mme A... ne justifie pas détenir l'un des titres exigés par les stipulations de l'accord franco-gabonais précité au point 3. Le préfet du Rhône est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision de refus de séjour, motif pris de la méconnaissance des dispositions citées au point 3.

8. Il appartient dès lors à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant en première instance qu'en appel.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme A... :

9. En premier lieu, le refus d'autorisation provisoire de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent et est, par suite, suffisamment motivé. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision, qui rappelle les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée en France, ait été prise sans examen particulier et circonstancié de la situation personnelle de l'intéressée.

10. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7 et en l'absence de détention de l'un des diplômes exigés par les stipulations de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait bénéficier de plein-droit d'une autorisation provisoire de séjour.

11. En troisième lieu, si l'intimée fait valoir qu'un éventuel retour sur le territoire national sera subordonné au bon vouloir des autorités consulaires, cette circonstance, étrangère aux conditions d'ouverture du droit au séjour prévus par la convention franco-gabonaise, est sans incidence sur la légalité du refus d'admission provisoire au séjour et n'est pas constitutive d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

12. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus d'autorisation provisoire de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande, que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 14 avril 2021 et, partant à en demander l'annulation ainsi que le rejet des demandes de Mme A....

Sur les conclusions de la requête n° 22LY00284 à fin de sursis à exécution :

14. Le présent arrêt statue sur la requête du préfet du Rhône tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais d'instance :

15. Le préfet du Rhône n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions présentées par l'intimée sur le fondement des dispositions des articles 37 de loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22LY00284 aux fins de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 décembre 2021.

Article 2 : Le jugement n° 2108111 du 21 décembre 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 3 : La demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... A.... Copie sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbaretaz, président,

Mme Agathe Duguit-Larcher, première conseillère,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

La rapporteure,

Christine PsilakisLe président,

Philippe Arbaretaz

Le greffier,

Julien Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

Nos 22LY00234, 22LY00284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00234
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : ALLENE ONDO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-22;22ly00234 ?
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