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22/09/2022 | FRANCE | N°21LY02785

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 22 septembre 2022, 21LY02785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, si nécessaire après avoir ordonné avant-dire-droit la production par La Poste du rapport de l'expertise confiée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail à la SECAFI, d'annuler la décision implicite puis la décision explicite du 23 juillet 2020 par lesquelles le directeur opérationnel du NOD Ain Rhône de La Poste a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son épuisement professionnel et de sa

tentative de suicide et de condamner La Poste à lui verser une indemnité de 40 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, si nécessaire après avoir ordonné avant-dire-droit la production par La Poste du rapport de l'expertise confiée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail à la SECAFI, d'annuler la décision implicite puis la décision explicite du 23 juillet 2020 par lesquelles le directeur opérationnel du NOD Ain Rhône de La Poste a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de son épuisement professionnel et de sa tentative de suicide et de condamner La Poste à lui verser une indemnité de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement nos 2000749, 2006598 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés les 12 août 2021 et 1er septembre 2022, présentés pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement nos 2000749, 2006598 du 30 juin 2021 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de prononcer la condamnation demandée et d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande de production par La Poste du rapport réalisé par le cabinet SECAFI pour le CHSCT, alors qu'il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis ; ils l'ont privé ainsi de son droit à un recours effectif prévu par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne rapportait pas la preuve d'un lien entre sa tentative de suicide et le service et ont rejeté sa demande indemnitaire, alors que les éléments produits établissent un tel lien.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'application de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 dès lors que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'étaient pas encore entrées en vigueur en 2017, année au cours de laquelle la maladie dont M. A... demande qu'elle soit reconnue imputable au service a été diagnostiquée et l'accident de service dont il prétend avoir été victime est survenu.

Par un mémoire enregistré le 13 juillet 2022, présenté pour M. A..., ce dernier maintient ses conclusions par les mêmes moyens et soutient, en réponse à l'information sur le moyen susceptible d'être relevé d'office, que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient applicables à la date de sa demande de reconnaissance d'imputabilité.

Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2022 présenté pour La Poste, cette dernière soutient, en réponse à l'information sur le moyen susceptible d'être relevé d'office, que les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient applicables à la date de sa demande de reconnaissance d'imputabilité.

Par un mémoire enregistré le 12 août 2022, La Poste conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2010-191 du 26 février 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Litzler, pour M. A..., et de Me Kelber pour La Poste ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 septembre 2022, présentée pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent technique et de gestion de second niveau de La Poste, affecté en dernier lieu à la plateforme de préparation et de distribution du courrier (PPDC) de Corbas, qui avait été placé en congé de maladie du 10 octobre au 30 novembre 2017, mais n'avait pas repris son service à l'issue de cette période de congé de maladie, a été retrouvé, le 24 décembre 2017, dans une forêt de Corrèze dans laquelle il avait vécu isolé, avec des gelures des deux pieds qui avaient conduit à une double amputation, et il a alors été placé en congés de longue maladie jusqu'au 24 juin 2019 et La Poste lui a notifié une reprise à temps partiel thérapeutique à compter du 23 septembre 2019. Par une lettre du 3 octobre 2019, M. A... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de son épuisement professionnel, ainsi que la reconnaissance en tant qu'accident de service d'une tentative de suicide et a sollicité par cette même réclamation l'indemnisation, à hauteur de 40 000 euros, de son préjudice moral. Après la remise d'un rapport, rédigé le 19 juin 2020 par le médecin psychiatre désigné par La Poste pour examiner M. A..., et après avoir recueilli l'avis de la commission de réforme, émis le 23 juillet 2020, le directeur opérationnel du NOD Ain Rhône de La Poste a rejeté cette demande par une décision du même jour qui s'est substituée à une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions et de condamnation de La Poste à l'indemniser de son préjudice moral.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, en particulier des administrations compétentes, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir sa conviction. Il lui incombe, dans la mise en œuvre de ses pouvoirs d'instruction, de veiller au respect des droits des parties, d'assurer l'égalité des armes entre elles et de garantir, selon les modalités propres à chacun d'entre eux, les secrets protégés par la loi.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A..., qui avait pu consulter un rapport réalisé à la demande du CHSCT de La Poste par le cabinet SECAFI, avait également produit une attestation rédigée par l'un des auteurs de ce rapport, qui faisait état des éléments dudit rapport qu'il estimait en lien avec la situation de M. A.... Dans ces conditions, les premiers juges, qui n'ont pas estimé nécessaire d'ordonner la communication par La Poste du rapport complet rédigé par le cabinet SECAFI, n'ont pas entaché d'irrégularité le jugement attaqué. M. A..., qui a pu faire valoir les moyens qu'il entendait développer et produire les pièces qu'il entendait porter à la connaissance du tribunal, n'est pas fondé à soutenir, par suite, avoir été privé du droit à un recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité des décisions en litige :

4. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, applicable aux accidents de service des fonctionnaires de l'État survenus antérieurement à l'entrée en vigueur du décret n° 2019-122 du 21 février 2019 et aux maladies diagnostiquées avant cette date : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service (...) Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".

5. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service. Il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il en résulte qu'à défaut de démonstration de circonstances particulières tenant aux conditions de travail de travail de l'agent, qui seraient de nature à conduire tout agent exposé à ces conditions à développer la pathologie dont il souffre, cette pathologie ne peut être regardée comme imputable au service.

6. D'une part, alors que la lettre de sortie et le compte-rendu opératoire rédigés par des médecins du centre hospitalier de Brive où M. A... avait subi une intervention chirurgicale évoquent seulement la volonté de ce dernier de vivre isolé sous une tente dans une forêt, où il avait été exposé à des températures négatives à l'origine des gelures qu'il a endurées, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait, comme il l'affirme, entendu mettre fin à ses jours et il n'en ressort pas davantage que son état physique trouverait son origine dans un événement, survenu à une date certaine, en lien direct avec le service, alors qu'il n'est pas allégué que cet événement se serait produit sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par M. A... de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal. M. A... n'est dès lors pas fondé à se prévaloir d'un accident de service.

7. D'autre part, si le témoignage produit par M. A..., émanant d'un des auteurs du rapport rédigé par le cabinet SECAFI à la demande du CHSCT de La Poste, évoque une réorganisation des conditions de travail des personnels affectés à la plateforme de préparation et de distribution du courrier (PPDC) de Corbas, et le ressentiment de M. A..., très investi dans son travail et soucieux de la qualité du service dû aux usagers, qui aurait mal accepté l'absence de prise en compte réelle de son travail de calcul pour un redécoupage des tournées, il ne ressort pas des pièces du dossier, à défaut de démonstration de circonstances particulières tenant aux conditions de travail de cet agent, qui seraient de nature à conduire tout agent exposé à ces conditions à développer la forme d'épuisement dont il se plaint, que cette pathologie puisse être regardée comme imputable au service, alors au demeurant qu'il ressort de l'avis émis par le médecin psychiatre désigné par La Poste après avoir examiné M. A... le 19 juin 2020, qu'il avait constaté " un état pathologique ne relevant ni de la maladie professionnelle ni d'un accident imputable au service " et que la commission de réforme avait émis, le 23 juillet 2020, un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de M. A....

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 qu'en l'absence d'imputabilité au service de l'accident dont M. A... a été victime comme de la pathologie dont il souffre, le requérant ne peut invoquer une faute résultant du refus de La Poste de reconnaître cette imputabilité ni, par suite, demander l'indemnisation du préjudice moral qu'il affirme avoir subi en conséquence de cette faute.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la mise à la charge de La Poste d'une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY02785

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02785
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-01 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection en cas d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-22;21ly02785 ?
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