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22/09/2022 | FRANCE | N°21LY02468

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 22 septembre 2022, 21LY02468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle la ministre du travail, après avoir, d'une part, retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par Mme B... contre la décision du 27 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la 13ème section de l'unité départementale de la Drôme avait autorisé la société JJM services à la licencier pour inaptitude, et, d'autre part, annulé cette décision de l'inspecte

ur du travail, a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1902694 du 2 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle la ministre du travail, après avoir, d'une part, retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par Mme B... contre la décision du 27 juillet 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la 13ème section de l'unité départementale de la Drôme avait autorisé la société JJM services à la licencier pour inaptitude, et, d'autre part, annulé cette décision de l'inspecteur du travail, a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1902694 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2021, présentée pour Mme B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1902694 du 2 juillet 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision ministérielle susmentionnée en tant qu'elle a autorisé la société JJM services à la licencier pour inaptitude.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'est pas suffisamment motivé et en l'absence de réponse aux moyens soulevés dans la note en délibéré qu'elle avait produite le 16 juin 2021 ;

- la décision ministérielle en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des règles du contradictoire, dès lors que ne lui ont pas été communiqués les pièces et arguments et éventuelles observations ou mémoire de l'employeur dans le cadre de l'enquête du recours hiérarchique concernant le poste de responsable de secteur de type administratif disponible et qui ne lui a pas été proposé au moment de la recherche de reclassement ; la décision est insuffisamment motivée concernant la recherche de reclassement et l'absence de lien avec ses mandats ;

- c'est à tort que le ministre a considéré que les efforts de reclassement de l'employeur avaient été suffisants.

Par un mémoire enregistré le 22 février 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête, en s'en rapportant aux écritures de première instance.

Par un mémoire enregistré le 15 mars 2022, présenté pour la société JJM services, cette dernière conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par une ordonnance du 18 mars 2022 la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Slupowski, pour Mme B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 septembre 2022, présentée pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., recrutée en 2015 comme assistante ménagère par la société JJM services qui exerce, en qualité de franchisée de l'enseigne O2 Care services, une activité de services à la personne et de prestations à domicile, et qui possédait le mandat de membre titulaire du comité social et économique, a été déclarée, lors d'une visite de reprise, par le médecin du travail, le 3 avril 2018, " Inapte à un poste avec manutentions manuelles lourdes, bras droit en l'air de façon prolongée et longs trajets en voiture. Serait apte uniquement à un poste de type administratif. ". La société JJM services a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de Mme B... pour inaptitude physique et l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation par une décision du 27 juillet 2018. Le recours hiérarchique formé par Mme B... le 24 septembre 2018 a été rejeté implicitement puis, par une décision du 19 février 2019, la ministre du travail, après avoir retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé par Mme B..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail puis a autorisé son licenciement. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 février 2019 de la ministre du travail dans la mesure où elle a autorisé son licenciement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsque le juge administratif est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il lui appartient dans tous les cas d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

3. En l'espèce, la note en délibéré que Mme B... a produite après la séance publique mais avant la lecture du jugement, qui a été enregistrée au greffe du tribunal administratif, versée au dossier et visée dans le jugement attaqué sans que son contenu ne soit pris en compte, si elle entendait répondre aux conclusions du rapporteur public, ne comportait aucune circonstance qui aurait dû conduire les premiers juges à rouvrir l'instruction et à soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré. Cette dernière au demeurant, ne comportait pas de moyens nouveaux auxquels il n'aurait pas été répondu dans le jugement attaqué. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que ce jugement, qui est suffisamment motivé, aurait été rendu irrégulièrement à défaut de réponse aux moyens soulevés dans la note en délibéré.

Sur la légalité de la décision ministérielle en litige :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire (...) ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément à ces dispositions impose à l'autorité administrative de mettre à même le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'elle a pu recueillir.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, l'employeur de Mme B... a sollicité de l'administration du travail l'autorisation de la licencier pour un motif tenant à son inaptitude physique et à l'impossibilité de la reclasser. Il n'en ressort pas que la ministre du travail, dans le cadre de l'enquête contradictoire, aurait recueilli auprès de la société JJM services des éléments autres que ceux liés à l'inaptitude de cette salariée et à la recherche de son reclassement et qu'elle n'aurait pas mis à même Mme B... de prendre connaissance de ces éléments. Il apparaît au contraire, au vu des pièces du dossier et, notamment, d'un courriel du 12 décembre 2018 par lequel Mme B... indiquait avoir reçu de l'administration du travail les pièces communiquées à celle-ci le 4 décembre par l'un des responsables de l'entreprise et relatives à un poste de responsable de secteur sénior, mentionnant les qualifications requises et le profil de la personne qui l'occupait, que la requérante a pu prendre connaissance des pièces ainsi produites par son employeur dans le cadre de l'enquête consécutive à son recours hiérarchique et concernant le poste de responsable de secteur de type administratif disponible, qui ne lui a finalement pas été proposé au moment de la recherche de reclassement. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'à défaut pour la ministre du travail d'avoir mis à même Mme B... de prendre connaissance de telles pièces, l'enquête n'aurait pas été contradictoire doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur est motivée ". Au sens de ces dispositions, la motivation s'entend de l'exposé des motifs qui déterminent l'autorité compétente à se prononcer en un sens déterminé, sans égard à la légalité de ces motifs. Or, la décision du 19 février 2019 énonce, outre les textes dont elle a fait application, les considérations sur lesquelles la ministre s'est fondée pour faire droit à la demande de l'entreprise, à savoir l'inaptitude physique de Mme B... à son poste, constatée par un avis du médecin du travail du 3 avril 2018 non contesté, le rappel du périmètre de reclassement, le constat qu'aucun poste permettant le reclassement de Mme B... n'avait pu être identifié au sein de l'entreprise, compte tenu des aptitudes de la salariée, dès lors que le poste de responsable de secteur de type administratif disponible au moment de la recherche de reclassement nécessitait une qualification supérieure au poste qu'elle occupait, et l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés. Les motifs qui ont déterminé la ministre du travail à faire droit à la demande ayant été énoncés, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée ne serait pas motivée.

7. En dernier lieu, en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'administration de rechercher si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, Mme B... a été déclarée, lors d'une visite de reprise, par le médecin du travail, le 3 avril 2018, " Inapte à un poste avec manutentions manuelles lourdes, bras droit en l'air de façon prolongée et longs trajets en voiture. Serait apte uniquement à un poste de type administratif. " et que Mme B... n'a pas contesté cet avis. Il apparaît également qu'aucun poste permettant le reclassement de Mme B... n'avait pu être identifié au sein du périmètre de reclassement, nécessairement limité aux deux établissements exploités par la société JJM services, en l'absence, non sérieusement contestée, de liens capitalistiques avec d'autres sociétés, et eu égard tant aux restrictions à l'aptitude physique de la salariée posées par le médecin du travail qu'à sa qualification. Il n'est à cet égard pas davantage contesté sérieusement que le poste de responsable de secteur de type administratif disponible au moment de la recherche de reclassement nécessitait une qualification supérieure au poste que Mme B... occupait, rien n'obligeant l'entreprise à lui proposer un tel poste ni organiser à son profit une formation destinée à lui permettre d'accéder à un poste plus qualifiant. Dès lors, contrairement à ce que soutient Mme B..., et quand bien même le registre des entrées et sorties du personnel n'a pas été produit, la société JJM services, qui a justifié de l'absence de postes de reclassement disponibles, l'empêchant d'adresser à l'intéressée une ou des offres de reclassement, a satisfait à son obligation de recherche de reclassement et la ministre du travail a pu, par suite, légalement autoriser ladite société à la licencier pour un motif tiré de son inaptitude physique.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des frais liés au litige exposés par la société JJM services.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société JJM services tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la société JJM services.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le ColleterLa République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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2

N° 21LY02468

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02468
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SLUPOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-22;21ly02468 ?
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