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22/09/2022 | FRANCE | N°21LY01573

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 22 septembre 2022, 21LY01573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part d'annuler la décision du 20 août 2019 du ministre de l'éducation nationale portant sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pendant une durée de deux ans et la décision du 17 décembre 2019 par laquelle le ministre a retiré la sanction du 20 août 2019 et a repris la même sanction et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de procéder à sa réintégration.

Par un jugement n° 1902790, 200

0532 du 23 mars 2021 le tribunal a constaté le non-lieu à statuer sur la requête n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part d'annuler la décision du 20 août 2019 du ministre de l'éducation nationale portant sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pendant une durée de deux ans et la décision du 17 décembre 2019 par laquelle le ministre a retiré la sanction du 20 août 2019 et a repris la même sanction et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de procéder à sa réintégration.

Par un jugement n° 1902790, 2000532 du 23 mars 2021 le tribunal a constaté le non-lieu à statuer sur la requête n° 1902790 et rejeté la requête n° 2000532.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 mai 2021 et 7 février 2022, Mme B..., représentée par Me Manhouli, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement sauf en ce qu'il exclut le grief tiré du manquement au devoir de loyauté ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de la réintégrer dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour défaut de motivation ;

- les principes du contradictoire et des droits de la défense ont été méconnus en raison du défaut de communication préalable du rapport de saisine de la commission administrative paritaire ;

- la décision du 17 décembre 2019 est illégale en ce que la nouvelle procédure disciplinaire a été engagée avant le retrait de la première sanction ;

- cette décision est fondée sur des griefs matériellement inexacts ;

- elle repose sur une erreur de qualification juridique des faits ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 13 décembre 2021, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 7 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Manhouli, pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., attachée d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, adjointe gestionnaire dans un collège à Dijon depuis le 1er septembre 2016, a fait l'objet, par un arrêté du 20 août 2019 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans. Et par une décision du 17 décembre 2019 le ministre a retiré cet arrêté et, par un arrêté du même jour, a de nouveau pris à l'encontre de l'intéressée une mesure disciplinaire d'exclusion temporaire de ses fonctions pour deux ans. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2019 portant sanction disciplinaire et constaté le non-lieu à statuer en ce qui concerne l'arrêté du 20 août 2019.

Sur la régularité :

2. Mme B... conteste le non-lieu à statuer qui lui a été opposé en ce qui concerne la décision du 20 août 2019, mais sans soulever le moindre moyen à cet égard. Sa demande sur ce point ne peut qu'être rejetée.

3. Si Mme B... soutient que le jugement est insuffisamment motivé, il apparaît en réalité qu'elle a entendu critiquer, non pas la régularité du jugement, mais la manière dont le tribunal avait répondu sur le fond à ses moyens.

Sur le fond :

4. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (...) ". L'article 2 du décret du 25 octobre 1984 dispose que : " L'organisme siégeant en conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits " Aux termes de l'article 5 du même décret : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance (...) ".

5. En application de ces dispositions, et en vertu du principe général des droits de la défense, le fonctionnaire qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire doit être informé des insuffisances qui lui sont reprochées et mis à même de demander la communication de son dossier. Toutefois, aucune disposition ne prévoit que le fonctionnaire poursuivi doive recevoir communication, avant la séance du conseil de discipline, du rapport de l'autorité ayant saisi l'instance disciplinaire.

6. Il ressort des pièces du dossier que la convocation adressée le 22 octobre 2019 à Mme B... à la séance du conseil de discipline du 22 novembre suivant mentionnait que, à la suite d'un rapport du principal du 14 novembre 2018, une procédure disciplinaire était engagée à son encontre et qu'un entretien avec le directeur des ressources humaines du rectorat était prévu le 13 décembre 2018, ce document détaillant les griefs qui lui étaient reprochés au niveau relationnel et comptable et l'informant de la possibilité d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de ses annexes. Mme B..., qui a consulté son dossier au rectorat de l'académie de Dijon le 29 janvier 2019, a eu communication de son entier dossier le 29 mai 2019, puis des différentes pièces de la procédure disciplinaire en cours, à sa demande, les 13 et 20 juin, le 23 juillet et le 29 août 2019 et enfin de nouvelles pièces lui ont été transmises le 22 octobre 2019 avec la convocation devant le conseil de discipline. Rien ne permet de dire que le rapport lu en séance du conseil, qui se bornait à reprendre, en les résumant, les griefs reprochés à Mme B... ainsi que le contenu des pièces de son dossier, dont elle avait pu prendre connaissance avec son conseil dans son intégralité, aurait été différent de celui transmis à ses membres. Aucune violation des droits de la défense et du principe du contradictoire n'est ici caractérisée.

7. En deuxième lieu, la méconnaissance de la règle du non bis in idem n'est susceptible de vicier que la décision de sanction elle-même mais non l'avis rendu au préalable par le conseil de discipline. Si, le 22 novembre 2019, le conseil de discipline a émis un avis favorable à une sanction contre Mme B... alors que cette dernière faisait déjà l'objet d'une précédente sanction du 20 août 2019, de portée identique, dont le juge des référés avait suspendu l'exécution par une ordonnance du 15 octobre 2019, l'autorité disciplinaire, lorsqu'elle a infligé la sanction en date du 17 décembre 2019, a concomitamment retiré, avec effet rétroactif, la précédente sanction du 20 août 2019. Le recteur ne s'est ainsi pas mépris sur la portée exacte de l'avis du conseil de discipline et ne l'a pas interprété comme lui permettant de prononcer deux sanctions pour les mêmes faits.

8. En troisième lieu, la sanction infligée à Mme B... le 17 décembre 2019 repose, ainsi qu'il a déjà été dit, sur les mêmes faits que ceux qui ont justifié celle du 20 août 2019. Le retrait de cette dernière sanction pour vice de procédure ne faisait pas, par lui-même, obstacle à ce que le recteur prenne à l'encontre de Mme B... une sanction identique, sans effet rétroactif. Si l'intéressée fait valoir que l'ordonnance de suspension du 15 octobre 2019 aurait dû donner lieu à sa réintégration, une telle circonstance est de toutes les façons dépourvue d'incidence sur la légalité de l'arrêté du 17 décembre 2019.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...) ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme. / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...) ".

10. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

11. S'agissant du grief tenant à ce qu'elle a " fait preuve à de nombreuses reprises d'un grave manquement aux obligations d'exemplarité et de neutralité dans ses attitudes et propos à l'égard de ses collaborateurs générant de fortes tensions et pour ses plus proches collaborateurs une situation conflictuelle qu'ils qualifient de souffrance au travail ", il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'enquête administrative du 22 février 2019 et de ses annexes, que plusieurs employés ont témoigné des difficultés qu'ils rencontraient à travailler avec Mme B.... Si cette dernière remet en cause la crédibilité de ces témoignages, en critiquant notamment le travail de certains témoins, et en produisant un témoignage en sa faveur, d'une manière générale, il apparaît que, par son comportement, qui est avéré, elle perturbe le fonctionnement du service. Par ailleurs, les " négligences réitérées dans l'accomplissement de ses missions d'adjointe gestionnaire, négligences constitutives d'un manquement à l'obligation d'assurer un service continu et de qualité ", dont elle ne conteste pas la matérialité, correspondent à des manquements répétitifs, sur une période relativement importante. L'ensemble de ces faits sont fautifs.

12. Mme B... a été sanctionnée antérieurement pour des faits comparables ayant trait à des relations conflictuelles et des manquements dans l'accomplissement de ses tâches en 2009 et 2015, qui ont donné lieu à son déplacement d'office et à une mutation. Dans ces conditions, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans dont Mme B... a fait l'objet n'apparaît pas disproportionnée.

13. Dès lors et, pour le surplus, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la sanction prononcée à l'encontre de Mme B... reposerait sur des faits matériellement inexacts et non fautifs, et qu'elle serait disproportionnée ne peuvent qu'être écartés.

14. Il résulte de ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête en appel doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY01573 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01573
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure - Conseil de discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : MANHOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-22;21ly01573 ?
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