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22/09/2022 | FRANCE | N°21LY00592

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 22 septembre 2022, 21LY00592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ID PLUS a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le décompte de résiliation du 10 avril 2019 que lui a notifié la commune de Gueugnon, subsidiairement, de moduler le montant des pénalités de retard et de la décharger du surcoût de 22 111,19 euros lié au marché de substitution.

Par jugement n° 1902326 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admi

nistrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ID PLUS a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le décompte de résiliation du 10 avril 2019 que lui a notifié la commune de Gueugnon, subsidiairement, de moduler le montant des pénalités de retard et de la décharger du surcoût de 22 111,19 euros lié au marché de substitution.

Par jugement n° 1902326 du 7 janvier 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 février 2021, la société ID PLUS, représentée par Me Nicolas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon ;

2°) constatant l'inopposabilité du décompte de résiliation du 10 avril 2019, de la décharger de l'obligation de payer les pénalités de retard ou d'en moduler le montant ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gueugnon la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le décompte de résiliation, qui n'a pas été notifié dans le délai de deux mois après la date d'effet de la résiliation du marché, est tardif et donc inopposable ;

- sa demande de modération des pénalités est recevable ;

- les pénalités de retard, qui représentent 72,02 % du montant global du marché, sont excessives ;

- aucun comportement fautif ne peut lui être opposé à la minoration de ces pénalités, qui seront réduites à l'euro symbolique ;

- le jugement attaqué sera infirmé en ce qu'il a mis sa charge la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'elle n'a pas la qualité de partie perdante.

Par mémoire enregistré le 4 novembre 2021, la commune de Gueugnon, représentée par Me Audard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société ID PLUS la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de la société ID PLUS tendant à la remise en cause du décompte était irrecevable en l'absence de mémoire en réclamation avant la saisine du tribunal ;

- à titre subsidiaire, les demandes relatives à la modération des pénalités de retard et au rejet du surcoût sont irrecevables dès lors que le courrier adressé le 23 mai 2019 ne portait pas sur le contenu décompte ;

- la notification du décompte de résiliation, après l'exécution définitive du marché de substitution, n'est enfermée dans aucun délai ;

- à titre subsidiaire, le décompte de résiliation étant devenu définitif, les pénalités ne peuvent plus faire l'objet d'une contestation ou d'une demande de réduction ; la demande de minoration des pénalités est donc irrecevable ;

- aucune réclamation préalable n'a été formée concernant le montant retenu pour le surcoût engendré par le marché de substitution ;

- la résiliation aux frais et risques étant régulière et fondée, elle était recevable à imputer le surcoût du marché de substitution à la société ID PLUS.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Nicolas pour la société ID PLUS ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 13 septembre 2013, notifié le 20 septembre 2013, la commune de Gueugnon a confié à la société ID PLUS l'exécution d'une prestation de fourniture, installation et maintenance d'un système de vidéo-surveillance sur la voie publique. Constatant un déficit de performance du matériel installé, la commune de Gueugnon a, par un courrier du 12 janvier 2016, mis la société ID PLUS en demeure de réaliser les prestations nécessaires pour se conformer à ses obligations contractuelles. Par courrier du 25 mars 2016, le maire de Gueugnon lui a finalement notifié la résiliation du marché à ses frais et risques, ainsi qu'un décompte financier de résiliation qualifié de provisoire. Par jugement du 5 février 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de la société ID PLUS tendant à la reprise des relations contractuelles et au paiement du solde du marché. Après passation et exécution d'un nouveau marché aux frais et risques du titulaire, la commune de Gueugnon a notifié à la société ID PLUS le décompte de résiliation du marché, par courrier du 10 avril 2019, réceptionné le 12 avril 2019. La société ID PLUS a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le décompte de liquidation et, à titre subsidiaire, de réduire le montant des sommes mises à sa charge. Par jugement du 7 janvier 2021, dont la société ID PLUS relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur la contestation du décompte :

En ce qui concerne l'opposabilité du décompte :

2. Aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Les pièces contractuelles du marché sont les suivantes (...) le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés de fournitures courantes et de services, approuvé par l'arrêté du 19 janvier 2009 (...) ". Aux termes de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de service (CCAG-FCS), consacré à la résiliation pour faute du titulaire : " 32.1. Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) c) Le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels (...) g) Le titulaire déclare, indépendamment des cas prévus à l'article 30.1, ne pas pouvoir exécuter ses engagements (...) " ; aux termes de l'article 36 du même cahier, relatif à l'exécution de la prestation aux frais et risques du titulaire : " 36.1. A la condition que les documents particuliers du marché le prévoient et que la décision de résiliation le mentionne expressément, le pouvoir adjudicateur peut faire procéder par un tiers à l'exécution des prestations prévues par le marché, aux frais et risques du titulaire (...) en cas de résiliation du marché prononcée aux torts du titulaire (...) 36.4. L'augmentation des dépenses, par rapport aux prix du marché, résultant de l'exécution des prestations aux frais et risques du titulaire, est à la charge du titulaire. La diminution des dépenses ne lui profite pas " ; aux termes de l'article 11 du même cahier, précisant les modalités de règlement : " 11.4.2 En cas d'exécution de prestations aux frais et risques du titulaire défaillant, le surcoût supporté par le pouvoir adjudicateur, correspondant à la différence entre le prix qu'il aurait dû régler au titulaire pour la réalisation des prestations et le prix effectivement payé pour l'exécution de celles-ci à la place du titulaire défaillant, est déduit des sommes dues au titulaire au titre des prestations admises " ; aux termes de l'article 34 de ce cahier, consacré au décompte de résiliation : " 34.1. La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire (...) 34.5. La notification du décompte par le pouvoir adjudicateur au titulaire doit être faite au plus tard deux mois après la date d'effet de la résiliation du marché. Le cas échéant, les pénalités pour retard sont appliquées jusqu'à la veille incluse du jour de la date d'effet de la résiliation ".

3. Il résulte de l'instruction que le marché en cause a été résilié aux frais et risques de la société ID PLUS et que le principe même de cette résiliation est définitif depuis le jugement du tribunal administratif de Dijon du 5 février 2018 dont il n'a pas été relevé appel.

4. Pour contester le jugement attaqué, lequel rejette comme irrecevables les conclusions tendant à l'annulation du décompte de résiliation notifié le 12 avril 2019, compte tenu de leur objet, ainsi que celles tendant à la modification du décompte et de son solde pour tardiveté, la société ID PLUS fait valoir que ce décompte de résiliation est inopposable, dès lors qu'il n'a pas été notifié dans le délai de deux mois après la date d'effet de la résiliation du marché comme le prévoit l'article 34.5 du CCAG-FCS.

5. Toutefois, dans le cas d'une résiliation aux frais et risques du titulaire du marché, prononcée en application de l'article 32 du CCAG-FCS, celui-ci supporte, en vertu de l'article 36, le surcoût de dépenses résultant de la passation d'un marché de substitution, réglé selon les modalités prévues à l'article 11. Dès lors que ce surcoût n'est connu qu'au moment du règlement du marché de substitution, le délai de deux mois ayant couru depuis la date d'effet de la résiliation du marché, d'ailleurs non prescrit à peine de forclusion par l'article 34 pour la notification du décompte de résiliation, ne saurait s'appliquer si les chefs de dépenses propres au marché de substitution ne peuvent être déterminés. Par suite, le cocontractant de l'administration dont le marché a été résilié à ses frais et risques ne peut obtenir notification du décompte général de ce marché qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des prestations.

6. La résiliation du marché ayant été prononcée le 25 mars 2016 aux frais et risques de la société requérante avec indication qu'un marché de substitution serait confié à une autre entreprise et que le décompte serait établi après exécution complète de ce marché de substitution, le dépassement du délai de deux mois prévu à l'article 34.5 du CCAG n'a pu avoir pour effet de priver la commune de Gueugnon d'inscrire les pénalités de retard et le surcoût du marché de substitution au débit du décompte de résiliation. La société ID PLUS n'est, par suite, pas fondée à demander à être déchargée des sommes mises à sa charge par le décompte du 12 avril 2019.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

7. Aux termes de l'article 37 du CCAG-FCS : " (...) 37. 2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion (...) ".

8. Le décompte de résiliation du 10 avril 2019, notifié le 12 avril 2019, comprend des pénalités de retard pour un montant de 30 797,35 euros, dont la société requérante demande la décharge ou la modulation. Toutefois, ce décompte est devenu définitif, dès lors que la société ID PLUS s'est bornée à opposer, dans un courrier du 23 mai 2019 adressé à la commune de Gueugnon, la tardiveté du décompte sans en contester le quantum et, en particulier, les pénalités en litige. Dans ces conditions, la société requérante, qui n'a pas formé de réclamation concernant les pénalités telle que prévue par l'article 37 du CCAG-FCS, est forclose à contester cet élément du décompte.

9. Il résulte de ce qui précède que la société ID PLUS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais non compris dans les dépens exposés en première instance :

10. La société ID PLUS, partie perdante en première instance, n'est pas, compte tenu de ce qui précède, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a, dans les circonstances de l'espèce, fait partiellement droit à la demande présentée par la commune de Gueugnon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans la limite de 1 000 euros.

Sur les frais liés au litige d'appel :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Gueugnon, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre la somme de 1 000 euros à la charge de la SARL ID PLUS au titre des frais exposés par la commune de Gueugnon et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ID PLUS est rejetée.

Article 2 : La société ID PLUS versera une somme de 1 000 euros à la commune de Gueugnon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ID PLUS et à la commune de Gueugnon.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Philipe Arbaretaz, président,

Mme Agathe Duguit Larcher, première conseillère,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

La rapporteure,

Christine PsilakisLe président,

Philippe Arbaretaz

Le greffier,

Julien Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY00592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00592
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : NICOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-22;21ly00592 ?
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