Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS Rousseau a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises et des taxes annexes mises à sa charge au titre des années d'imposition 2017 et 2018.
Par un jugement n° 1903245 - 1903246 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 décembre 2020, 23 août 2021, 13 janvier 2022, 12 avril 2022 et 8 juin 2022, la SAS Rousseau, représentée par Me Moayed, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2020 ;
2°) de prononcer la réduction des impositions et taxes susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.
Elle soutient que :
- le crédit-preneur a le droit de remettre en cause, dans le cadre de la contestation d'une imposition non prescrite, la valeur locative plancher retenue pour l'imposition du crédit-bailleur au titre de l'année d'acquisition, sans qu'il soit possible à l'administration d'opposer que cette imposition est prescrite ;
- elle justifie de ce qu'un certain nombre d'immobilisations ne sont pas à retenir dans le cadre de l'évaluation prévue à l'article 1499 du code général des impôts.
Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la valeur locative de base 2012 a été définitivement établie en l'absence de sa contestation de la part du contribuable ou de rectification de la part de l'administration ;
- la requérante ne justifie pas que les installations et les équipements dont elle fait état ne devraient plus être imposés à la cotisation foncière des entreprises.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Rousseau qui exerce une activité de fabrication de machines agricoles et forestières, a conclu en 1991 un contrat de crédit-bail avec les sociétés Slicomi, devenue Finamur à la suite d'une fusion-absorption intervenue en 2006, et Natiocredibail pour l'usage de son bâtiment industriel situé rue Auguste Wissel à Neuville-sur-Saône (Rhône). Elle est devenue propriétaire de ce bien immobilier en 2012 par levée de l'option d'achat qui lui avait été consentie par les deux crédits bailleurs, pour la somme d'un euro symbolique. Par des réclamations en date des 22 octobre 2018 et 20 février 2019, la SAS Rousseau a contesté la valeur locative de cet établissement et demandé la décharge partielle de la cotisation foncière des entreprises et des taxes annexes mises à sa charge au titre des années d'imposition 2017 et 2018. A la suite du rejet de ces réclamations, la société a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge partielle de ces impositions et taxes. La SAS Rousseau relève appel du jugement du 17 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide de coefficients qui avait été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1499-0 A du même code, issu du I de l'article 100 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 et applicable, en vertu du III de ce même article 100, à compter de l'année d'imposition 2009 et pour les seules acquisitions postérieures au 31 décembre 2006 : " Lorsque les biens immobiliers mentionnés à l'article 1499 pris en crédit-bail sont acquis par le crédit-preneur, la valeur locative de ces biens ne peut, pour les impositions établies au titre des années suivantes, être inférieure à celle retenue au titre de l'année d'acquisition ".
3. Les dispositions dérogatoires de l'article 1499-0 A du code général des impôts, qui instituent une valeur locative plancher pour l'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties d'un crédit-preneur acquérant un bien immobilier industriel pris en crédit-bail, ne trouvent à s'appliquer que dans l'hypothèse où cette valeur plancher est supérieure à la valeur locative des immobilisations industrielles en cause déterminée, dans les conditions de droit commun prévues à l'article 1499, à partir du prix de revient de ces immobilisations pour le crédit-preneur.
4. La valeur locative plancher à retenir en application de l'article 1499-0 A du code général des impôts est celle qui a été retenue pour l'imposition du crédit-bailleur au titre de l'année d'acquisition, telle qu'établie après exercice, le cas échéant, du droit de reprise de l'administration ou du droit de réclamation du crédit bailleur. Cette valeur locative peut être contestée par le crédit-preneur ayant acquis les immobilisations industrielles, à l'occasion des impositions auxquelles il est assujetti au titre de chaque exercice non prescrit, dans les conditions de droit commun.
5. Il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes, en estimant que la valeur locative litigieuse était définitivement établie à l'issue de l'année 2012, année d'acquisition du bien par la société requérante, en l'absence de rectification intervenue à l'initiative de l'administration ou du crédit-bailleur, et en excluant ainsi toute réclamation du crédit-preneur ayant acquis les immobilisations industrielles pour les exercices non prescrits de 2017 et 2018.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Rousseau devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour.
Sur l'application de la loi fiscale :
7. En vertu du I de l'article 1447 du code général des impôts, la cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. En vertu de l'article 1467 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur, la cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période.
8. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. ". Aux termes de l'article 1381 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; 2° Les ouvrages d'art et les voies de communication ; (...) ". Aux termes de l'article 1382 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés à l'article 1381 1° et 2° ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ".
9. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.
En ce qui concerne le régime de charge de la preuve applicable :
10. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
11. Le prix de revient des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière, évalué selon la méthode comptable, est celui qui est inscrit à l'actif du bilan. L'administration peut se fonder sur les énonciations comptables opposables à la société pour inclure dans la valeur locative des immobilisations le montant des travaux inscrits en tant qu'immobilisations, sauf pour la société à démontrer que ces travaux constitueraient en réalité des charges déductibles ou qu'elle aurait inscrit en tant qu'immobilisations des biens exclus par nature des bases imposables à la taxe foncière pour les propriétés bâties ou exonérés de celles-ci.
En ce qui concerne la détermination de la base imposable à la cotisation foncière des entreprises :
12. En premier lieu, la requérante soutient que doivent être exclus de la base imposable à la cotisation foncière des entreprises, des travaux d'entretien et de réparation correspondant à des remplacements de sanitaires, de coffrets électriques, de pose d'une gaine électrique et de travaux de peinture. Toutefois, alors que ces travaux comptabilisés comme immobilisations ont vocation à être pris en compte dans la détermination de la cotisation foncière des entreprises, la requérante se borne à produire des factures dont l'intitulé ne permet pas de justifier que ces dépenses constitueraient de simples charges d'entretien courant ne participant pas à l'augmentation de prix et de la durée de vie des bâtiments existants.
13. En deuxième lieu, la société requérante demande que certains éléments, comptabilisés en tant qu'immobilisations, soient exclus de la base imposable dès lors qu'ils sont par nature hors du champ de la taxe foncière et ainsi, de la cotisation foncière des entreprises. Toutefois, les seules factures produites par la requérante concernant l'installation d'un portail coulissant, celle de deux groupes d'aspiration industrielle, de trois torches aspirantes, de rayonnages, d'un système de vidéo-surveillance et d'alarme vocal d'incendie, ainsi que des travaux de câblage et de gainage ne permettent pas d'établir que ces biens aient, compte tenu de leur importance, leur usage et leurs caractéristiques techniques, vocation à être déplacés bien qu'ils puissent être démontés. Il en est de même de la cabine modulable pour laquelle la requérante ne produit aucun document permettant d'établir que ce bien ne présenterait pas les caractéristiques d'une véritable construction. L'ensemble de ces biens doit ainsi être regardé comme entrant dans le champ d'application de la taxe foncière sur les propriétés bâties défini à l'article 1381 du code général des impôts. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander leur exclusion de la base imposable de son établissement à la cotisation foncière des entreprises.
14. En dernier lieu, la SAS Rousseau soutient que certains biens doivent, à titre principal ou subsidiaire, être exonérés, en application du 11° de l'article 1382 du code général des impôts, dès lors qu'ils répondent à la définition des équipements et biens spécialisés. Il résulte de l'instruction et des factures produites par la SAS Rousseau que les biens ci-après répondent à la définition, rappelée au point 9 ci-dessus, des biens exonérés par le 11° de l'article 1382 du code général des impôts : facture n° 4 : fourniture et pose de potences et palans pour un montant de 2 101,89 euros, factures n° 5 et 7 : installations de deux groupes d'aspiration industrielle, pour un montant de 5 050 euros, et installation de trois torches aspirantes pour un montant de 1 554 euros, facture n° 8 : fourniture et pose de potences et palans pour un montant de 9 676 euros, facture n° 13 : installation d'une armoire réfrigérée pour un montant de 1 761,49 euros, facture n° 15 : fourniture et pose de palans pour un montant de 5 871 euros, facture n° 16 : travaux de gainage pour robot pour un montant de 3 400 euros, facture n° 17 : travaux de câblage pour l'alimentation d'un machine pour un montant de 1 841,05 euros et facture n° 20 : installation d'un transformateur d'isolement pour perceuse pour un montant de 3 950 euros.
15. En revanche, s'agissant des travaux de grenaillage de surfaces métalliques, mentionnée sur la facture n° 11 pour un montant de 3 410 euros et de la climatisation de la salle informatique, mentionnée sur la facture n° 10, pour un montant de 5 895 euros, la requérante ne produit aucune autre pièce permettant d'établir que ces équipements seraient spécifiquement adaptés à son activité.
Sur l'interprétation de la loi fiscale :
16. En premier lieu, s'agissant des travaux de réfection des sanitaires, la requérante se prévaut sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 230 du Bulletin officiel des finances publiques publié sous la référence BOI-IF-TFB-20-20-10-20 qui admet que " le complément de valeur locative résultant des changements du premier type (grosses réparations) ne soit pas calculé sur la base de la valeur d'immobilisation ajoutée au bilan à l'issue des travaux mais sur une base inférieure tenant compte du fait que ces derniers ne créent pas une immobilisation nouvelle mais confortent seulement une immobilisation ancienne [de sorte] que si les travaux de réparation considérés n'apportent aucune amélioration à l'établissement, il n'y a pas lieu de calculer un complément de valeur locative ". Toutefois, la requérante ne démontre pas, ainsi qu'il a été indiqué, que les travaux de réfection des sanitaires réalisés n'apportent aucune amélioration aux immobilisations initiales.
17. En second lieu, pour soutenir que l'installation d'un portail coulissant et d'une cabine modulable ne rentrent pas dans le champ d'application de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des paragraphes 90, 120 et 150 de la doctrine BOI-IF-TFB-10-10-10 et du paragraphe 70 de la doctrine BOI-IF-TFB-10-10-20, dès lors qu'ils n'ajoutent rien à la loi fiscale.
18. Il résulte de ce qui précède que la SAS Rousseau est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et qu'elle est uniquement fondée à demander à être déchargée des cotisations primitives de cotisation foncière des entreprises, des taxes pour frais de chambres de commerce et d'industrie, des taxes pour frais de chambres des métiers et de l'artisanat et de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux mises à sa charge au titre des années 2017 et 2018 à hauteur, en base, des montants visés au point 14 du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Rousseau et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903245 - 1903246 du 17 novembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La base d'imposition des cotisations foncières des entreprises et des taxes pour frais de chambres de commerce et d'industrie, des taxes pour frais de chambres des métiers et de l'artisanat et de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux auxquelles la SAS Rousseau a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 est réduite à concurrence de la prise en compte des montants visés au point 14 du présent arrêt.
Article 3 : La SAS Rousseau est déchargée des cotisations foncières des entreprises, des taxes pour frais de chambres de commerce et d'industrie, des taxes pour frais de chambres des métiers et de l'artisanat et de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux mises à sa charge au titre des années 2017 et 2018 à hauteur des bases définies à l'article 2, dans la limite des montants qu'elle a réclamés et de la réduction sollicitée en appel.
Article 4 : L'État versera à la SAS Rousseau une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Rousseau est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Rousseau et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 août 2022.
La rapporteure,
P. DècheLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
S. Lassalle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY03666
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