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04/08/2022 | FRANCE | N°21LY03702

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 04 août 2022, 21LY03702


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101246 du 13 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregi

strés le 15 novembre 2021 et le 4 juillet 2022 (ce dernier non communiqué), M. A..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101246 du 13 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 novembre 2021 et le 4 juillet 2022 (ce dernier non communiqué), M. A..., représenté par Me Rodrigues, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 19 avril 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, subsidiairement, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail sous huitaine, sous astreinte de trente euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors, d'une part, que le magistrat désigné était incompétent, par application du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et, d'autre part, qu'il est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité du rapport de la police aux frontières ;

- le refus de séjour est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les articles L. 313-15 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la fixation du pays d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 30 juin 2022, le préfet de la Haute-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... ressortissant ivoirien né en 2002 selon ses déclarations, serait entré en France, le 21 juillet 2018. Par arrêté du 19 avril 2021, le préfet de la Haute-Loire a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...).

3. Il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, prise dans le même arrêté que le refus de titre de séjour, repose sur les dispositions précitées. Dès lors que le I des dispositions alors codifiées de l'article L. 512-1 réserve à la formation collégiale du tribunal la compétence pour statuer sur la légalité des mesures d'éloignement consécutives à des refus de séjour, le magistrat désigné par le président du tribunal n'était pas compétent pour se prononcer sur le recours. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande présentées au tribunal par M. A....

Sur le refus de séjour :

5. En premier lieu, le refus de séjour en litige comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent et est dès lors suffisamment motivé.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, que le préfet de la Haute-Loire se soit abstenu d'examiner la situation personnelle de l'intéressé.

7. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance (...) d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article R. 311-4 du même code : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance (...) de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ".

8. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A... présentée sur le fondement des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Loire a opposé le motif tiré de l'absence de présentation de documents d'état civil, l'analyse conduite par les services de la police aux frontières, le 13 février 2019, ayant conclu à l'inauthenticité des documents produits.

9. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

10. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

11 Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

12. Il ressort, d'une part, que pour considérer comme falsifié l'acte de naissance, le service de la police aux frontières a retenu que l'extrait du registre des actes de l'état civil du 2 juillet 2018 délivré à Llilyo ne comportait pas l'heure de naissance en violation de l'article 52 du code de l'état civil ivoirien, que le fonds d'impression est douteux, que le cachet humide est de forme légèrement ovale et non de forme ronde. S'il a produit un extrait du registre des actes de l'état civil N°279 délivrée le 25 janvier 2019 et une copie intégrale du registre des actes de l'état civil non analysé par les services de polices, ce document ne comporte toujours pas l'heure de naissance et l'extrait d'acte de registre des actes d'état civil comporte une cacographie dès lors qu'il mentionne née alors qu'il est de sexe masculin. Enfin s'il produit une copie intégrale du registre des actes d'état civil datée du 12 mars 2021 ainsi qu'un extrait du registre des actes de l'état civil établi par le sous-préfet de Liliyo le 30 juin 2021, ce premier mentionne une date de naissance différente (même si un certificat d'authentification daté du 22 juillet 2021 a été également produit) et le dernier document est postérieur à la décision en litige. Les seules dénégations du caractère frauduleux des actes, affirmant que la " consolidation " de son état civil a été obtenue grâce à l'accompagnement à l'ambassade de Côte-d'Ivoire par un conseiller municipal, ne suffisent à établir son état civil de manière précise et circonstanciée alors que les services consulaires établis en Côte d'Ivoire ont estimé que ces mêmes documents établis le 16 juillet 2021 ne remplissaient pas les conditions prévues par la loi ivoirienne.

13. Eu égard à cet ensemble d'éléments, dès lors que les documents présentés par l'intéressé ne pouvaient qu'être regardés comme étant manifestement irréguliers quant à la détermination de la date de naissance et de l'identité de M. A..., et, nonobstant, les circonstances alléguées quant au sérieux de la formation suivie par ce dernier et à la nature de ses liens familiaux dans son pays d'origine et au fait que les personnes et institutions qui l'ont suivi quotidiennement confirment le caractère vraisemblable de l'âge qu'il a déclaré, et, d'autre part, la production d'un passeport et d'une carte consulaire documents d'identité ne disposant d'aucune force probante particulière et qui ont pu être établis sur la base des actes irréguliers, le préfet de la Haute-Loire pouvait légalement se fonder sur ce seul motif tiré de l'absence de documents justifiant de son état civil pour rejeter la demande de l'intéressé présentée au titre de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En se prévalant de son intégration scolaire et sociale et de son parcours, M. A... dépourvu de lien familial en France, ne démontre pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est donc pas fondé à invoquer une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation. En l'absence d'éléments particuliers, M. A..., qui n'a aucune famille sur le territoire français alors qu'il dispose encore dans son pays d'origine de son père et ses frères et sœurs et de ses attaches culturelles, n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions alors codifiées à L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, M. A..., qui ne produit pas de documents d'état civil, n'est pas fondé, pour ce motif, à demander la délivrance d'une carte de séjour au titre des articles L. 313-11 et L. 313-14.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

15. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour doit être écarté par les motifs des points 5 à 14 et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, directement invoqué contre l'obligation de quitter le territoire, doit être écarté par les motifs du point 14.

Sur la fixation du pays de destination :

16. Le moyen tiré de l'exception de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté par les motifs du point 15.

17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Haute-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays à destination. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence ainsi que celles tendant à l'application de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 juillet 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 août 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY03702 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03702
Date de la décision : 04/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-08-04;21ly03702 ?
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