Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1905157 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, réduit le rehaussement de la base d'imposition de M. B... à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 d'un montant de 761 048 euros, dans un article 2, déchargé M. B..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2012, à concurrence de la réduction résultant de l'article 1er et, dans un article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 30 novembre 2020, 7 mars 2022 et 26 mai 2022, M. B..., représenté par Me Besson, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 4 du jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon du 29 septembre 2020 et de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge pour les années 2010 et 2011 en droits et pénalités ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'un défaut de motivation dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance par la proposition de rectification des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;
- la proposition de rectification du 23 décembre 2013 méconnaît les dispositions des articles L. 48 et L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- il a été privé de la garantie de pouvoir saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires faute pour l'administration d'avoir mentionné cette faculté dans la réponse aux observations du contribuable du 29 juillet 2015 alors que les revenus de capitaux mobiliers en litige ont été taxés d'office.
Par trois mémoires, enregistrés les 6 juillet 2021, 25 avril 2022 (non communiqué) et 15 juin 2022 (non communiqué), le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- et les observations de Me Besson pour M. B... ;
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 23 juin 2022 ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle portant sur les années 2010, 2011 et 2012. Parallèlement, la SARL B..., dont il est gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos le 30 septembre des années 2010, 2011 et 2012. A l'issue de l'examen dont il a fait l'objet, M. B... a notamment été informé, par une proposition de rectification du 23 décembre 2013, des rectifications envisagées par l'administration de ses bases imposables à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre des années 2010 et 2011. M. B... relève appel de l'article 4 du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande en décharge afférente aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à sa charge pour ces deux années.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...). ". Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " Il résulte de ces dispositions que devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. M. B... soutient que les premiers juges ont entaché d'une insuffisance de motivation leur réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales par la proposition de rectification du 23 décembre 2013 concernant les années 2010 et 2011. Toutefois, le tribunal a visé ce moyen, qui était soulevé par M. B... dans sa requête introductive d'instance avec production à l'appui de l'acte de signification de la proposition de rectification, et y a suffisamment répondu aux points 2 et 3 de son jugement. Si le tribunal n'a pas fait état de l'acte d'huissier produit à l'audience par le conseil de M. B... ni de la note en délibéré produite par celui-ci le 18 septembre 2020, ces éléments se rapportaient au moyen précédemment soulevé sans apporter aucun élément nouveau qui n'aurait pas pu être évoqué avant la clôture de l'instruction, qui a eu lieu trois jours francs avant la date de l'audience. Par suite, les premiers juges se sont ainsi seulement appuyés dans leur jugement sur des éléments soumis au débat contradictoire. En procédant ainsi, sans mentionner la production à l'audience de l'acte de signification susmentionné et en se bornant à viser la note en délibéré, les juges de première instance n'ont ni méconnu le principe du contradictoire prévu à l'article L. 5 du code de justice administrative précité ni entaché leur jugement d'une insuffisante motivation. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularités.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " Aux termes de l'article L. 76 du même livre : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59. (...) " Aux termes de l'article L. 48 du livre précité : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu (...), lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...) le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. "
5. Il ressort des pièces du dossier que la proposition de rectification du 23 décembre 2013 concernant les années 2010 et 2011, produite par l'administration, mentionne, de manière suffisante, les règles de droit applicables, les impôts concernés, les années d'imposition ainsi que les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour procéder aux rectifications envisagées. La circonstance, relevée par M. B..., que les tableaux figurant dans cette proposition ne contiennent pas le nom de la banque ni le numéro du compte bancaire sur lequel M. B... aurait perçu les sommes correspondant aux chèques provenant des clients de la SARL B... encaissés sur ses comptes personnels n'entache pas cette proposition d'une insuffisance de motivation alors que M. B... a pu utilement présenter des observations le 20 février 2014. Cette proposition est, par suite, suffisamment motivée au sens des article L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales. Elle contient en outre les conséquences financières de ces rectifications pour les deux années en cause aux pages 18 à 21 conformément aux dispositions de l'article L. 48 du même livre. Contrairement à ce que soutient le requérant, la proposition de rectification produite dans son intégralité par l'administration ne comporte pas d'erreurs au niveau de ces conséquences financières. L'erreur invoquée par M. B... provient de la lecture successive erronée des pages 18 et 21 au lieu des pages 18 et 19. Enfin, si M. B... soutient que la proposition de rectification du 23 décembre 2013 qui lui a été signifiée le 24 décembre 2013 par acte d'huissier était incomplète et ne contenait pas les pages 19 et 20 de la proposition mentionnant les conséquences financières du contrôle, il n'a toutefois effectué aucune diligence afin de signaler au service vérificateur une telle erreur, laquelle, à la supposer établie, aurait pourtant été manifeste au regard de la mention figurant sur l'acte de signification attestant de la signification d'un " courrier émis par la direction générale des finances publiques (....) émis le 23 décembre 2013 à l'intention de M. ou Mme C... sur douze (12) feuilles et portant proposition de rectification (...) ", de l'incohérence existant entre le nombre de feuilles mentionné sur la première page de la proposition à savoir " 12 feuilles " et le contenu du document effectivement reçu et de l'incohérence dans la numérotation des feuilles passant de la page 18 à 21 dans le document présenté par M. B.... La seule mention de " 13 feuilles " figurant sur l'acte de signification ne permet pas d'établir qu'une feuille de la proposition de rectification litigieuse aurait été manquante alors que celle-ci et l'acte de signification mentionne qu'elle contient 12 feuilles. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant adressé à M. B..., dès le 24 décembre 2013, une proposition de rectification complète et régulièrement motivée.
6. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il a été privé de la garantie de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires faute pour l'administration d'avoir mentionné cette faculté dans la réponse aux observations du contribuable du 29 juillet 2015, il résulte de l'instruction que, s'agissant des années 2010 et 2011, seules étaient en litige des sommes mises à la charge de M. B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Or, ces revenus, exceptés ceux visé au d) de l'article 111 du code général des impôts dont ne relèvent pas les revenus en litige, échappant à la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires énoncée par l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, et ce quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, c'est à bon droit que l'administration n'a pas mentionné la faculté pour M. B... de saisir cette commission dans la réponse aux observations du 29 juillet 2015.
7. En outre, l'appelant ne saurait utilement se prévaloir de la doctrine administrative référencée D. adm. 13 L-1553 n° 27 à 32, BOI-CF-IOR-50-30 n° 240 à 290 du 1er juillet 2015 dès lors que, relative à la procédure d'imposition, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ". Ainsi qu'il a été précisé, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant fait régulièrement signifier à M. B... le 24 décembre 2013 une proposition de rectification complète et motivée. A cette date, le droit de reprise de l'administration pouvait toujours être exercé s'agissant de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2010 et 2011. Dès lors, la proposition de rectification a valablement interrompu le délai de prescription pour l'ensemble des impositions en litige.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre ;
Mme Dèche, présidente assesseure ;
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 août 2022.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY03483
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