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27/07/2022 | FRANCE | N°21LY03427

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 juillet 2022, 21LY03427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104753 du 17 août 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021, M. C..., représenté par Me Vigneron

, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104753 du 17 août 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021, M. C..., représenté par Me Vigneron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 6 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt ou de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec une autorisation de travail dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- le droit d'être entendu a été méconnu ;

- la décision méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les articles L. 425-9 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet se devait de saisir le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et devait apprécier les conséquences de sa décision sur son état de santé ;

- le préfet s'est estimé lié par le rejet de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- la décision méconnaît le 4 de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'à la date de la décision, le rejet de la demande d'asile n'était pas définitif ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- la décision sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme A... ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant nigérian né le 24 décembre 1997, est entré en France le 14 décembre 2017 selon ses déclarations. La consultation du fichier européen EURODAC ayant fait apparaître que M. C... avait été identifié en Italie où il avait sollicité l'asile le 5 septembre 2015, les autorités françaises ont saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé le 26 février 2018. Les autorités italiennes, saisies sur le fondement de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont donné leur accord explicite par une décision du 12 mars 2018. Par un jugement du 26 juillet 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 23 mars 2018 par lequel le préfet de l'Isère a décidé sa remise aux autorités italiennes. Le 26 août 2018, la France est devenue responsable de la demande d'asile de M. C.... Par une décision du 14 juin 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 janvier 2021. Par un arrêté du 6 juillet 2021, le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 17 août 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces moyens se rattachent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. M. C... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté sans l'assortir d'aucune critique utile des motifs du jugement. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné.

4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. M. C... a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile et a pu à cette occasion préciser à l'administration les motifs pour lesquels il présentait sa demande et produire tous les éléments relatifs à son état de santé. Par suite, il ne peut pas être regardé comme ayant été privé de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union.

5. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) " et aux termes des stipulations de l'article 3 de cette convention : " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

6. Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. "

7. Lorsqu'il envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, le préfet n'est tenu, en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que s'il dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

8. M. C... n'établit ni n'allègue avoir informé le préfet de l'Isère d'un état de santé nécessitant des soins en France lors du dépôt ou durant l'instruction de sa demande d'asile, alors que l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet a été prise après le rejet définitif de sa demande d'asile. Par ailleurs, il n'établit pas que le traitement approprié à son état de santé ne serait pas disponible au Nigéria. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait dû saisir le collège de médecins de l'OFII avant de prendre à son encontre l'obligation de quitter le territoire français du 6 juillet 2021 et n'aurait pas procédé à l'examen particulier de sa situation doivent être écartés.

9. M. C... fait valoir qu'il souffre d'une hépatite chronique associée à une thrombopénie, pour lesquelles il bénéficie d'une prise en charge. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Nigéria. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment au motif énoncé au point 9 du présent arrêt, que M. C... devrait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code précité ne peut qu'être écarté.

12. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ".

13. M. C... ne peut soutenir qu'à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire, le rejet de sa demande d'asile n'était pas définitif dès lors que, par une décision du 14 juin 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 janvier 2021 et notifiée à l'intéressé le 12 février 2021.

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère se soit estimé lié par le rejet de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

15. M. C... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation sans les assortir d'aucune critique utile des motifs du jugement. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. Pour le même motif que celui énoncé au point 9, la décision litigieuse ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juillet 2022.

La rapporteure,

R. A...

La présidente,

A. EvrardLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03427


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03427
Date de la décision : 27/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-27;21ly03427 ?
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