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27/07/2022 | FRANCE | N°20LY03124

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 juillet 2022, 20LY03124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Consensio Holidays Limited a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, d'une part, des droits de taxe sur les véhicules de sociétés qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er octobre 2012 au 30 juin 2013, du 1er octobre 2013 au 30 juin 2014 et du 1er octobre 2014 au 30 juin 2015, et d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 ainsi que des

pénalités y afférentes

Par un jugement n° 1801534 du 31 août 2020, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Consensio Holidays Limited a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, d'une part, des droits de taxe sur les véhicules de sociétés qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er octobre 2012 au 30 juin 2013, du 1er octobre 2013 au 30 juin 2014 et du 1er octobre 2014 au 30 juin 2015, et d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 ainsi que des pénalités y afférentes

Par un jugement n° 1801534 du 31 août 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2020, la société Consensio Holidays Limited, représentée par Me Daly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle remplit les conditions d'exonération de la taxe sur les véhicules de sociétés, prévues par l'article 1010 du code général des impôts, dès lors que les véhicules qu'elle utilise sont affectés exclusivement au transport de voyageurs et que l'exécution de ce service correspond à son activité normale ; selon la doctrine administrative, l'exonération s'applique aux sociétés qui ne sont pas propriétaires des véhicules mais simplement locataires ou utilisatrices ;

- elle est fondée à déduire de ses résultats imposables, l'intégralité des dépenses de location de ces véhicules dès lors qu'ils sont indispensables à l'exercice de son activité.

Par un mémoire, enregistré le 22 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 juin 2022 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Consensio Holidays Limited, société de droit britannique immatriculée au registre du commerce en France depuis 2009, qui exploite des établissements d'hébergement para-hôtelier en Savoie et Haute-Savoie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2012 au 31 mai 2015. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale l'a notamment assujettie, selon la procédure contradictoire, d'une part, à des droits de taxe sur les véhicules de sociétés au titre des périodes du 1er octobre 2012 au 30 juin 2013, du 1er octobre 2013 au 30 juin 2014 et du 1er octobre 2014 au 30 juin 2015, à raison des véhicules dont elle est locataire et qu'elle utilise pour le transport de ses clients pour leurs déplacements dans les stations de sport d'hiver, au motif que son activité ne pouvait être regardée comme une activité de service de transport à la disposition du public au sens de l'article 1010 du code général des impôts, et d'autre part, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 à raison de la réintégration dans les résultats de ces exercices d'une fraction des loyers de ces véhicules de tourisme sur le fondement du 4 de l'article 39 du code général des impôts, au motif que la société n'est pas en mesure de justifier que les dépenses afférentes à la location de ces véhicules sont nécessaires à son activité à raison même de son objet. Ces impositions ont été assorties des intérêts de retard et les droits de taxe sur les véhicules de société ont été assortis de la majoration de 10 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts. La société Consensio Holidays Limited relève appel du jugement du 31 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes.

Sur la taxe sur les véhicules de sociétés :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1010 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France (...) La taxe n'est toutefois pas applicables aux véhicules destinés exclusivement soit à la vente, soit à la location de courte durée, soit à l'exécution d'un service de transport à la disposition du public, lorsque ces opérations correspondent à l'activité normale de la société propriétaire (...) Lorsqu'elle est exigible en raison des véhicules pris en location, la taxe est à la charge de la société locataire. Les conditions d'application du présent alinéa sont fixées par décret ". Le III de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code précise que " (...) En ce qui concerne les véhicules loués, la taxe n'est due que si la durée de la location excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs. Elle est due au titre d'un seul trimestre si la durée de la location n'excède pas trois mois civils consécutifs ou quatre-vingt-dix jours consécutifs ".

3. Il résulte de ces dispositions que les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Par suite, l'administration est tenue d'assujettir tous les véhicules qui remplissent l'un des critères alternatifs d'assujettissement ainsi définis, à la seule exception des véhicules exclusivement destinés à l'une des trois activités limitativement énumérées à l'article 1010 du code général des impôts au nombre desquelles figure l'exécution d'un service de transport à la disposition du public, à la condition que cette activité corresponde à l'activité normale de la société propriétaire. Toutefois, lorsque le locataire est une société, la taxe exigible à raison de véhicules pris en location pour une durée qui excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs n'est due que par ce locataire en vertu du dernier alinéa de l'article 1010 du code général des impôts et du III de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification qui lui a été adressée le 22 décembre 2016, que la société Consensio Holidays Limited, qui exerce une activité d'exploitation d'établissements d'hébergement para-hôtelier, a pris en location quatre véhicules de tourisme de type caravelle pouvant transporter neuf personnes au cours des exercices 2012/2013 et 2013/2014, et un véhicule supplémentaire de même type au cours de l'exercice 2014/2015, qu'elle utilise pour le transport des clients de ses chalets Aurore, Boréale, Montana, Eléphant Blanc et Brames. Elle n'a pas souscrit de déclarations de taxe sur les véhicules de sociétés estimant qu'elle exerçait une activité de service de transport à la disposition du public. Elle fait valoir que ce service répond à son objet statutaire et qu'elle dispose des agréments administratifs nécessaires à l'exécution de prestations de transport de personnes. L'extrait Kbis qu'elle produit, à jour au 20 février 2017, ne fait cependant mention d'une activité de " transport de personnes " que s'agissant d'un seul de ses établissements, situé à Saint-Jean-de-Belleville en Haute-Savoie, auquel les véhicules loués ne sont pas affectés. Par ailleurs, en l'absence d'autres éléments relatifs en particulier à la fréquence d'utilisation du service de transport qu'elle propose à sa clientèle, il ne résulte pas de l'instruction que ces prestations correspondent à une activité normale au sens de l'article 1010 du code général des impôts, alors au surplus que le service en cause, qui consiste à véhiculer les clients dans le ressort de la station de sports d'hiver où ils sont logés, est un service payant proposé à la clientèle qui est libre ou non d'y souscrire ainsi que la société appelante l'indique dans ses écritures. Dans ces conditions, les prestations de transport qu'elle propose à ses clients ne sauraient être regardées comme relevant d'une activité normale de transport à la disposition du public qu'elle exercerait et c'est à bon droit que l'administration fiscale l'a assujettie, en sa qualité de locataire des véhicules qu'elle utilise en France, à des droits de taxe sur les véhicules de sociétés au titre des périodes du 1er octobre 2012 au 30 juin 2013, du 1er octobre 2013 au 30 juin 2014 et du 1er octobre 2014 au 30 juin 2015.

5. En second lieu, la société Consensio Holidays Limited n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 10 de la doctrine administrative référencée BOI-TFP-TVS-10-30 publiée le 19 juillet 2013 selon lequel les exonérations de la taxe sur les véhicules de sociétés, prévues à l'article 1010 du code général des impôts, tenant à l'activité de la société propriétaire, sont applicables " mutatis mutandis aux sociétés qui ne sont pas propriétaires de leurs véhicules mais simplement locataires ou utilisatrices ", dont l'administration a spontanément fait application en ne lui opposant pas la circonstance qu'elle n'était pas propriétaire des véhicules en cause.

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

6. En premier lieu, aux termes du 4 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Qu'elles soient supportées directement par l'entreprise ou sous forme d'allocations forfaitaires ou de remboursements de frais, sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, d'une part, les dépenses et charges de toute nature ayant trait à l'exercice de la chasse ainsi qu'à l'exercice non professionnel de la pêche et, d'autre part, les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences ; les dépenses et charges ainsi définies comprennent notamment les amortissements. / Sauf justifications, les dispositions du premier alinéa sont applicables : / a) A l'amortissement des véhicules de tourisme au sens de l'article 1010 pour la fraction de leur prix d'acquisition qui dépasse 18 300 €. Lorsque ces véhicules ont un taux d'émission de dioxyde de carbone supérieur à 200 grammes par kilomètre, cette somme est ramenée à 9 900 € ; / b) En cas d'opérations de crédit-bail ou de location, à l'exception des locations de courte durée n'excédant pas trois mois non renouvelables, portant sur des véhicules de tourisme au sens de l'article 1010, à la part du loyer supportée par le locataire et correspondant à l'amortissement pratiqué par le bailleur pour la fraction du prix d'acquisition du véhicule qui excède les limites déterminées conformément au a (...) ".

7. L'administration fiscale a, en application de ces dispositions, réintégré aux résultats imposables de la société Consensio Holidays Limited, qui prend en location des véhicules de tourisme, la part des loyers correspondant à l'amortissement pratiqué par le bailleur pour la fraction du prix d'acquisition de ces véhicules qui dépasse la somme de 9 900 euros, dès lors que leur taux d'émission de dioxyde de carbone est supérieur à 200 grammes par kilomètre. Pour justifier de la déduction de l'intégralité des loyers qu'elle a versés au titre des exercices d'imposition en litige, la société Consensio Holidays Limited soutient que les véhicules en cause sont utilisés pour permettre le transport de ses clients. Toutefois, en se bornant à faire état de ses agréments administratifs pour le transport de personnes et à produire un extrait Kbis, dont il résulte que cette prestation n'est prévue que pour un seul établissement d'hébergement para-hôtelier situé à Saint-Jean-de-Belleville à l'exclusion des chalets Aurore, Boréale, Montana, Eléphant Blanc et Brames auxquels les véhicules loués sont affectés, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe, que l'utilisation de véhicules dont le prix d'acquisition a été fixé d'un commun accord entre la dirigeante de la société et l'administration fiscale à 42 000 euros chacun est indispensable à la satisfaction d'un besoin spécifique lié à son activité. Par suite, c'est à bon droit que l'administration, qui ne conteste pas que ces véhicules sont utilisés dans le cadre d'une gestion commerciale normale, a remis en cause la déductibilité des charges en litige, en application des dispositions du 4 de l'article 39 du code général des impôts.

8. En second lieu, la société Consensio Holidays Limited se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 50 de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-AMT-20-40-50 publiée le 12 septembre 2012 aux termes duquel : " Le dispositif de limitation ne s'applique pas aux entreprises pour lesquelles la disposition des véhicules concernés est nécessaire à l'exercice de l'activité en raison même de leur objet, soit essentiellement les entreprises de transport de personnes (notamment exploitants de taxis, ambulanciers), les autos-écoles et les entreprises de location de véhicules(...) ". Il ne résulte pas de l'instruction que l'utilisation de véhicules loués pour le transport de la clientèle au sein des stations de sports d'hiver est nécessaire à l'exercice de son activité par la société appelante, dont l'objet est l'exploitation d'établissements d'hébergement para-hôtelier, en particulier les chalets Aurore, Boréale, Montana, Eléphant Blanc et Brames auxquels ces véhicules loués ont été affectés. La société appelante n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle remplirait les conditions posées par la doctrine.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Consensio Holidays Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des frais du litige doivent en conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Consensio Holidays Limited est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Consensio Holidays Limited et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juillet 2022.

La rapporteure,

S. Lesieux La présidente,

A. Evrard

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY03124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03124
Date de la décision : 27/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges diverses.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxes sur le chiffre d`affaires et taxes assimilées autres que la TVA.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-27;20ly03124 ?
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