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27/07/2022 | FRANCE | N°20LY02101

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 juillet 2022, 20LY02101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SA L. Maggioni a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901618 du 7 février 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, la SA L. Maggioni, représentée par Me Grimpret, demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalité...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SA L. Maggioni a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901618 du 7 février 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, la SA L. Maggioni, représentée par Me Grimpret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes, à hauteur de la somme de 11 544 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'imposition est prescrite, dès lors qu'en vertu du II de l'article 156 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, aucun droit de reprise de l'administration n'est applicable pour les contrôles engagés avant le 31 décembre 2019 si les impositions supplémentaires correspondantes n'ont pas été mises en recouvrement avant le 31 décembre 2018, et qu'en l'espèce, l'administration n'établit pas que la mise en recouvrement serait intervenue avant le 31 décembre 2018, dans la mesure où la délégation de pouvoir accordée par le préfet à l'agent ayant homologué le rôle n'est pas suffisamment précise et que les décisions d'homologation des rôles produites ne permettent pas d'identifier son imposition.

Par un mémoire distinct, enregistré le 3 août 2020 et un mémoire, enregistré le 28 décembre 2020, la SA L. Maggioni demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 février 2020 en tant qu'il a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle avait soulevée, tirée de ce que les dispositions du II de l'article 156 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 méconnaissent les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques tels qu'ils résultent, respectivement, des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

2°) de transmettre cette question au Conseil d'Etat ;

3°) de sursoir à statuer dans l'attente de la réponse du Conseil d'Etat.

Elle soutient que les dispositions en cause sont applicables au litige, dès lors que la jurisprudence admet les questions dites de jalousie, et que la question soulevée présente un caractère suffisamment sérieux, dès lors qu'aucun motif d'intérêt général ne justifie que, parmi les contribuables de bonne foi redevables d'impositions supplémentaires à raison de l'application de la méthode comptable pour le calcul de la valeur locative des établissements qu'ils exploitent, seuls ceux dont les impositions ont été mises en recouvrement après le 31 décembre 2018 bénéficient de la limitation du droit de reprise de l'administration, à la différence des contribuables dont les impositions ont été mises en recouvrement avant cette date.

Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour de ne pas transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SA L. Maggioni.

Il soutient que les dispositions en cause ne sont pas applicables au litige et que la question est dépourvue de caractère sérieux.

Par un mémoire, enregistré le 1er décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA L. Maggioni, qui exerce une activité de fabrication et de vente de blocs agglomérés pour la construction et de béton prêt à l'emploi, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2017 à l'issue de laquelle l'administration a estimé que l'activité exploitée par la société dans son établissement situé à Genlis (Côte-d'Or) présentait un caractère industriel et qu'en conséquence, la valeur locative de l'établissement devait être évaluée selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts. La société a en conséquence été assujettie à des compléments de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2014 à 2017. La SA L. Maggioni relève appel du jugement du 7 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. A l'appui de sa demande de décharge des compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2017, la SA L. Maggioni a demandé au tribunal administratif de Dijon de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité du II de l'article 156 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 aux articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Par le jugement du 7 février 2020, le tribunal a refusé de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat. La SA L. Maggioni conteste ce refus.

3. Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État (...). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État (...) ".

4. La SA L. Maggioni soutient que le II de l'article 156 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, dans la mesure où il subordonne la limitation du droit de reprise de l'administration pour les contrôles engagés avant le 31 décembre 2019 à la condition que les impositions correspondantes n'aient pas été mises en recouvrement avant le 31 décembre 2018, institue une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi fiscale et au principe d'égalité devant les charges publiques entre, d'une part, les redevables de compléments de cotisation foncière des entreprises dont les impositions ont été mises en recouvrement avant le 31 décembre 2018 et les contribuables dont les impositions ont été mises en recouvrement à compter du 1er janvier 2019.

5. Aux termes du II de l'article 156 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " II. Pour les contribuables de bonne foi, s'agissant des conséquences liées à un changement de méthode de détermination de la valeur locative d'un bâtiment ou terrain industriel en application des articles 1499-00 A ou 1500 du code général des impôts à la suite d'un contrôle fiscal : 1° Par dérogation aux articles L. 173 et L. 174 du livre des procédures fiscales, aucun droit de reprise de l'administration n'est applicable pour les contrôles engagés avant le 31 décembre 2019 si les impositions supplémentaires correspondantes n'ont pas été mises en recouvrement avant le 31 décembre 2018 ". Aux termes de l'article L. 174 du livre des procédures fiscales : " Les omissions ou les erreurs concernant (...), la cotisation foncière des entreprises (...) peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". Lorsqu'une loi nouvelle, modifiant le délai de prescription d'un droit, abrège ce délai, le délai nouveau est immédiatement applicable, mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Le délai ancien, s'il a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne demeure applicable que dans l'hypothèse où sa date d'expiration surviendrait antérieurement à la date d'expiration du délai nouveau. Toutefois, cette règle générale ne s'applique pas lorsque le législateur a prévu expressément des dispositions spécifiques réglant l'entrée en vigueur du nouveau délai abrégé de prescription.

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 1658 du code général des impôts : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement. ". L'article 1659 du même code dispose que : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables. ".

7. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des avis d'imposition supplémentaire produits par la SA L. Maggioni, que les cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées au titre des années 2014 à 2017 ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2018. Il résulte en outre des décisions d'homologation des rôles de cotisation foncière des entreprises et d'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux nos 303, 305, 308 et 313 produits par le ministre, afférents, respectivement, aux années 2014, 2015, 2016 et 2017, dont sont extraits les avis d'imposition supplémentaire adressés à la SA L. Maggioni, ainsi qu'il résulte des numéros de rôle qu'ils visent, que les rôles dans lesquels sont comprises les impositions contestées ont été homologués par des décisions du 7 novembre 2018, lesquelles mentionnent que la date de mise en recouvrement est fixée au 30 novembre 2018. Si la SA L. Maggioni soutient que ces décisions d'homologation des rôles ont été signées par une personne incompétente, il résulte des pièces produites par l'administration que le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d'Or a donné délégation de pouvoir, le 5 décembre 2011, aux fins de rendre exécutoires les rôles d'impôts directs, aux collaborateurs de la directrice régionale des finances publiques de la région Bourgogne et du département de la Côte-d'Or ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, à l'exclusion de ceux ayant la qualité de comptable, et que la signataire des décisions d'homologation des rôles, qui a le grade d'administrateur des finances publiques adjoint, et qui, affectée à la division conseil aux décideurs publics de la direction régionale des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d'Or à la date de l'homologation des rôles en litige, n'exerçait ainsi pas la fonction de comptable, était au nombre des agents ayant régulièrement reçu délégation pour signer les décisions en cause. Enfin, si la SA L. Maggioni fait valoir qu'elle n'a reçu les avis d'imposition que le 14 janvier 2019 et que la date limite de paiement était fixée au 15 janvier 2019, cette circonstance, alors que les avis d'imposition ont pu être expédiés après la date de mise en recouvrement des rôles, est sans incidence sur la détermination de la date de mise en recouvrement des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées.

8. Il résulte de ce qui précède que l'administration doit être regardée comme établissant que les cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles la SA L. Maggioni a été assujettie au titre des années 2014 à 2017 ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2018.

9. Il s'ensuit que les dispositions du II de l'article 156 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, qui sont entrées en vigueur postérieurement à la mise en recouvrement, le 30 novembre 2018, des impositions contestées, ne sont pas applicables au litige. Par suite, la SA L. Maggioni n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée au Conseil d'Etat.

Sur les autres moyens tendant à la décharge des impositions :

10. En premier lieu, dès lors que les cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles la SA L. Maggioni a été assujettie au titre des années 2014 à 2017 ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2018, soit avant le 31 décembre 2018, la société requérante ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la limitation du droit de reprise de l'administration prévue par les dispositions du II de l'article 156 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

11. En second lieu, si la SA L. Maggioni a entendu se prévaloir de la prescription du droit de reprise de l'administration de trois ans prévu par l'article L. 174 du livre des procédures fiscales, l'administration établit que ce délai a été valablement interrompu par la lettre du 18 décembre 2017 par laquelle elle a notifié à la société les rectifications qu'elle entendait apporter à ses bases d'imposition. Par suite, le délai de reprise n'était pas expiré lorsque les cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles la SA L. Maggioni a été assujettie au titre des années 2014 à 2017 ont été mises en recouvrement, le 30 novembre 2018.

12. Il résulte de ce qui précède que la SA L. Maggioni n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA L. Maggioni est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA L. Maggioni et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juillet 2022.

La présidente-rapporteure,

A. Evrard

L'assesseure la plus ancienne,

R. Caraës

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02101
Date de la décision : 27/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-04 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Prescription.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-27;20ly02101 ?
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