Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon, auquel a été transmise sa demande par une ordonnance du 14 janvier 2019 du président du tribunal administratif de Nîmes, d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2018 par lequel le maire de La Chapelle-sous-Aubenas a délivré à M. et Mme A... un permis de construire une maison individuelle d'habitation avec garage, piscine et hangar sur un tènement situé ... ainsi que l'avis du préfet de l'Ardèche recueilli au cours de l'instruction de la demande de permis.
Par un jugement n° 1900284 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 21 août 2020 et le 13 juin 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme E..., représentée par la Selarl Blanc-Tardivel-Bocognano, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2018 ainsi que, subsidiairement, l'avis du préfet de l'Ardèche ;
3°) de mettre à la charge de la commune de la Chapelle-sous-Aubenas la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'être suffisamment motivé sur la réglementation effectivement appliquée par le tribunal ; c'est à tort que les premiers juges lui ont opposé l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme alors qu'elle justifie de circonstances particulières ;
- sa demande est recevable ; elle n'est pas tardive ; en qualité de voisine immédiate et justifiant de troubles de jouissance découlant de la construction projetée, elle a intérêt pour contester le permis en litige ;
- dans l'hypothèse où la Cour appliquerait le règlement national d'urbanisme (RNU), le permis est illégal faute d'avis préalable du préfet de l'Ardèche ; l'arrêté en litige méconnaît l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme car il n'est pas situé dans les parties urbanisées de la commune ;
- dans l'hypothèse où la Cour appliquerait le plan d'occupation des sols (POS) de la commune, le projet n'est pas conforme à l'article NB2 du règlement dès lors qu'il prévoit la construction d'un entrepôt commercial.
Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Lamamra, concluent à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour fasse application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en octroyant un délai de 4 mois pour permettre une régularisation du permis et à ce que Mme E... leur verse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est irrecevable faute de justifier de sa notification en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;
- les conclusions dirigées contre l'avis du préfet de l'Ardèche sont irrecevables ;
- la demande est tardive et la requérante ne justifie pas d'un intérêt pour agir suffisant ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 17 juin 2021, la commune de la Chapelle-sous-Aubenas, représentée par la Selarl Champauzac, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme E... lui verse la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute de justifier de sa notification en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité et est suffisamment motivé ;
- les conclusions dirigées contre l'avis du préfet de l'Ardèche sont irrecevables ;
- la demande est tardive et la requérante ne justifie pas d'un intérêt pour agir suffisant ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2022 par une ordonnance du 31 mai précédent prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Rouault pour Mme E... et celles de Me Lavisse substituant Me Champauzac pour la commune de la Chapelle-sous-Aubenas ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 6 juillet 2022 présentée pour la commune de la Chapelle-sous-Aubenas;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont déposé le 19 juillet 2018 une demande de permis de construire un maison d'habitation individuelle avec garage, piscine et hangar sur des parcelles situées .... Par arrêté du 9 octobre 2018, le maire de la commune leur a délivré le permis demandé. Mme E... a demandé l'annulation de cet arrêté auprès du tribunal administratif de Nîmes par une demande enregistrée au greffe le 11 janvier 2019, que le président de ce tribunal a transmise par une ordonnance du 14 janvier 2019 au tribunal administratif de Lyon. Par jugement du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande. Mme E... interjette appel de ce jugement et demande l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2018.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des accusés de réception produits au dossier, que Mme E... a notifié la copie intégrale de sa requête d'appel au pétitionnaire et à la commune de Chapelle-sous-Aubenas, dans les délais prévus par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par les intimés doit être écartée.
Sur la régularité du jugement :
3. Si Mme E... soutient en premier lieu que le jugement attaqué ne se prononce pas sur les règles d'urbanisme applicables au projet, il ressort toutefois des termes de ce jugement que le tribunal a écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article NB2 du règlement du plan d'occupation des sols et a écarté comme irrecevable en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, le jugement est suffisamment motivé quant aux motifs de droit ayant fondé le dispositif.
4. En second lieu, si Mme E... fait valoir que les premiers juges ne se sont pas prononcés à tort sur l'application de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme, il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance que ce moyen a été soulevé postérieurement à la date de cristallisation des moyens, intervenue deux mois après la communication à la requérante, le 2 juillet 2019, du premier mémoire en défense. Par ailleurs, les premiers juges ont suffisamment répondu au point 10 du jugement s'agissant des circonstances dont faisait état Mme E... pour demander de ne pas appliquer les dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. En premier lieu, Mme E... est voisine immédiate du projet et fait valoir que les constructions projetées, notamment le hangar implanté en contrebas de sa propriété, située dans un secteur peu urbanisé est susceptible d'occasionner un préjudice de vue et d'affecter son cadre de vie. Elle justifie ainsi d'un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2018.
6. En second lieu, en vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le délai de recours contre une décision administrative est de deux mois. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. / (...) ". L'article A. 424-16 du même code prévoit que : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro et la date d'affichage en mairie du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté./ Il indique également, en fonction de la nature du projet : a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; b) Si le projet porte sur un lotissement, le nombre maximum de lots prévus ; c) Si le projet porte sur un terrain de camping ou un parc résidentiel de loisirs, le nombre total d'emplacements et, s'il y a lieu, le nombre d'emplacements réservés à des habitations légères de loisirs ; d) Si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir. "
7. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, les dispositions citées au point précédent ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet. Le délai de recours ne commence à courir qu'à la date d'un affichage complet, régulier et continu.
8. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire en litige a fait l'objet d'un affichage en bordure de terrain dès le 11 octobre 2018 et que le panneau d'affichage comportait alors l'ensemble des mentions requises par l'article A 424-16 du code de l'urbanisme. Il ressort toutefois du constat d'huissier produit par Mme E... que, le 9 décembre 2018, le panneau était face retournée contre terre, et ses mentions illisibles. Alors que les pétitionnaires ne peuvent se prévaloir de la connaissance acquise de l'existence du permis par la requérante du seul fait du commencement des travaux, qu'ils n'apportent aucune explication sur l'état du panneau sur la fin de la période d'affichage et se bornent à renvoyer aux attestations versées au dossiers, établies postérieurement et rédigées en des termes similaires, il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que l'affichage régulier du permis de construire a été continu sur une période de deux mois. Dès lors, les délais de recours contentieux prévus à l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme n'ont pas couru.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 octobre 2018 :
9. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : (...) / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le certificat d'urbanisme obtenu par arrêté du 27 janvier 2017 par Mme B..., propriétaire du terrain d'assiette du projet objet de l'autorisation en litige, porte sur la " réalisation d'une opération consistant en la construction de deux habitations. ". Il résulte des termes mêmes de cette demande que l'opération projetée porte sur la réalisation d'une division foncière, ainsi que sur l'édification de deux maisons d'habitation sur les lots à bâtir issus de cette division. Par ailleurs les époux A..., qui ont acquis le lot B issu de la division foncière en vue d'y édifier une maison d'habitation ont déposé un permis de construire le 19 juillet 2018, soit avant le terme du délai de dix-huit mois courant à compter de la délivrance du certificat d'urbanisme. Dans ces conditions, les pétitionnaires pouvaient se prévaloir de la cristallisation des règles d'urbanisme applicables, en l'espèce, celles du POS, résultant de l'article L. 410-1 précité du code de l'urbanisme à compter de la délivrance du certificat d'urbanisme.
11. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui est mentionné au point 10 Mme E... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme, non applicable au litige, ni du défaut de saisine du préfet de l'Ardèche en vue de recueillir son avis conformément à l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme en conséquence de la caducité du plan d'occupation des sols de la commune intervenue à compter du 27 mars 2017.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article NB2 du règlement du POS alors applicable : " Les occupations et utilisations du sol non mentionnées dans l'article NB1 sont interdites, notamment : les constructions à usage agricole, artisanal et industriel, d'entrepôt commercial, hôtelier ". L'article NB1 autorise, outre les ouvrages techniques réalisés dans un but d'intérêt général, " les constructions à usage d'habitat et leurs annexes, de stationnement, de commerce et de service, d'équipement collectif ".
13. Il ressort de la demande de permis de construire en litige qu'elle porte sur la construction d'une maison d'habitation pour une surface plancher créée de 165 m² et sur la construction d'un " entrepôt " non accolé, d'une surface plancher de 161 m². Cet entrepôt, au demeurant présenté aussi comme un entrepôt ou hangar faisant l'objet d'une exploitation commerciale dans le formulaire Cerfa de la demande de permis et, compte tenu de ses caractéristiques, ne peut pas être considéré comme une annexe à la construction principale. Cette construction ne relevait ainsi pas des constructions autorisées par les dispositions de l'article NB2. Mme E... est, dans ces conditions, fondée à soutenir que le projet autorisé méconnaît dans cette mesure les dispositions précitées au point 12.
14. Il ne résulte pas de l'instruction que le vice relevé au point 13 puisse être régularisé au regard de la règlementation applicable, de sorte qu'il ne peut être fait application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, comme le demandent les pétitionnaires intimés.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme E... est seulement fondée à soutenir, dans la mesure précisée au point 13, que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander, dans cette même mesure, outre l'annulation de ce jugement, celle du permis de construire en litige.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de La Chapelle-sous-Aubenas et M. et Mme A... demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme E... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le permis de construire du 9 octobre 2018 est annulé en tant qu'il prévoit l'édification d'un hangar d'une surface plancher de 161 m².
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 juillet 2020 est annulé dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E..., M. D... et Mme C... A... ainsi qu'à la commune de La Chapelle-sous-Aubenas.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche et au Procureur de la République près du tribunal judiciaire de Privas.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2022.
La rapporteure,
Christine PsilakisLa présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02394