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21/07/2022 | FRANCE | N°20LY02514

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 21 juillet 2022, 20LY02514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le département de la Drôme a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum les sociétés SNMA et Atelier d'Architecture 3A à lui verser une indemnité totale de 108 805,91 euros en réparation des désordres affectant les brise-soleil orientables du collège Jean Zay situé à Valence sur le fondement de la garantie décennale ou, à défaut, de la responsabilité contractuelle.

Par un jugement n° 1804412 du 22 juin 2020, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en co

ndamnant in solidum ces sociétés sur le fondement de la responsabilité contractuelle à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le département de la Drôme a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner in solidum les sociétés SNMA et Atelier d'Architecture 3A à lui verser une indemnité totale de 108 805,91 euros en réparation des désordres affectant les brise-soleil orientables du collège Jean Zay situé à Valence sur le fondement de la garantie décennale ou, à défaut, de la responsabilité contractuelle.

Par un jugement n° 1804412 du 22 juin 2020, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant in solidum ces sociétés sur le fondement de la responsabilité contractuelle à verser au département de la Drôme la somme de 90 805,91 euros en réparation de ces désordres.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 août 2020, le 4 février 2021, le 11 mai 2022 et le 17 juin 2022, la société Atelier d'Architecture 3A, représentée par Me L'Hostis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à la demande du département de la Drôme sur le fondement de la garantie décennale en tant qu'elle est dirigée contre la société SNMA et de rejeter sa demande présentée sur le fondement contractuel ;

3°) de limiter le montant de la condamnation prononcée à son encontre ;

4°) en cas de condamnation prononcée à son encontre, de condamner la société SNMA à la relever et à la garantir entièrement ou, à défaut, à hauteur de 85 % ;

5°) de mettre à la charge du département de la Drôme, ou à défaut de la société SNMA et de la société MJ Synergie, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SNMA, une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions tenant à la gravité des désordres, à leur nature et à leur date d'apparition étaient remplies pour engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

- les désordres ne lui sont pas imputables ;

- si sa responsabilité décennale devait être retenue, la société SNMA, seule responsable du choix des brise-soleil et des défauts d'installation, devrait la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et, a minima à hauteur de 85 % ;

- l'action du département fondée sur la responsabilité contractuelle était prescrite à son égard ;

- le caractère définitif du décompte faisait obstacle à ce que sa responsabilité contractuelle soit engagée ; ce moyen est recevable ; le CCAP ne déroge pas au CCAG prestations intellectuelles ;

- elle n'a pas commis de faute lors des opérations de réception ;

- cette prétendue faute ne peut être que sans incidence sur le préjudice allégué dès lors que la société SNMA s'était contractuellement engagée à garantir ses équipements durant cinq ans en application de l'article 9.7.2 du CCAP ; le préjudice en lien avec la faute est constitué d'une perte de chance ;

- le tribunal ne pouvait la condamner in solidum avec la société SNMA ;

- en cas de condamnation in solidum sur le fondement contractuel elle devrait être garantie par la société SNMA de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre ;

- le maître d'ouvrage est responsable de 10 % des désordres compte tenu du défaut d'entretien des équipements ;

- l'assiette de l'indemnisation du département de la Drôme ne saurait excéder 36 514,80 euros TTC ;

- un abattement de 50 % pour vétusté doit être appliqué.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 janvier 2021, le 4 mai 2021 et le 9 juin 2022, le département de la Drôme, représenté par Me Guimet, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie des appels incident et provoqué :

1°) à titre principal de réformer le jugement en portant le montant de la condamnation des sociétés Atelier d'Architecture 3A et SNMA à 108 805,91 euros sur le fondement de la garantie décennale ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

2°) de mettre in solidum à la charge des sociétés Atelier d'Architecture 3A et SNMA une somme de 4 000 euros au titre des frais du litige.

Il fait valoir que :

- il était bien-fondé à rechercher à titre principal la responsabilité de la société SNMA et de la société Atelier d'Architecture 3A sur le fondement de la garantie décennale compte tenu du caractère des désordres ;

- ces désordres sont imputables à ces deux sociétés ;

- il était fondé, à titre subsidiaire, et ainsi que l'a jugé le tribunal, à engager la responsabilité contractuelle de la société SNMA et de la société Atelier d'Architecture 3A ;

- le moyen tiré de ce qu'il ne pouvait engager la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre compte tenu du caractère définitif du décompte est irrecevable ;

- aucun décompte n'a été notifié au maître d'œuvre selon les modalités prévues par le CCAP ;

- son action contractuelle n'était pas prescrite ;

- le maître d'œuvre a commis une faute lors de la réception des ouvrages ;

- la responsabilité contractuelle de la société SNMA pouvait être engagée sur le fondement de l'article 9.7.2 du CCAP ;

- son préjudice correspond au remplacement de 39 brise-soleil orientables, soit 76 380 euros TTC auxquels doivent être ajoutés 8 306,65 euros TTC au titre du remplacement ou de la mise en sécurité des brise-soleil orientables déjà effectués au cours de l'expertise judiciaire, 4 673,26 euros TTC pour l'intervention du BET Beretech pour une consultation sur les désordres, 1 440 euros TTC pour l'intervention de la société Theia, économiste, aux fins d'un chiffrage de la réparation des désordres et 18 000 euros TTC correspondant aux frais de maîtrise d'œuvre, de contrôle technique, de CSPS et de consultation pour les travaux de remplacement des brise-soleil orientables ;

- les désordres ne sont pas imputables à un défaut d'entretien ou à des actes de vandalisme ;

- il n'y a pas lieu d'appliquer de coefficient de vétusté.

Par courrier en date du 9 juin 2022 les parties ont été informées sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Le département de la Drôme et la société Atelier d'Architecture 3A ont respectivement présenté les 15 et 17 juin 2022 leurs observations sur ce moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Ponce-Cheinet pour la société Atelier d'Architecture 3A et de Me Feuillet-Laufer pour le département de la Drôme.

Considérant ce qui suit :

1. Pour la restructuration du collège Jean Zay situé à Valence, le département de la Drôme a confié, par acte d'engagement du 20 février 2006, la maîtrise d'œuvre de l'opération à un groupement solidaire dont le mandataire était la société Atelier d'Architecture 3A. La société Sud-Nord Menuiserie Aluminium (SNMA) s'est vue confier le lot n° 7 relatif aux menuiseries aluminium. La réception a été prononcée le 1er février 2011 sans réserve, avec effet rétroactif au 15 novembre 2010. Dans l'année qui a suivi la réception des désordres sont survenus sur les brise-soleil orientables installés par la société SNMA. Malgré différentes interventions les désordres ont persisté. A la demande du département de la Drôme, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a, par ordonnance du 23 juin 2015, désigné un expert. A la suite du dépôt du rapport d'expertise le 30 janvier 2018, le département de la Drôme a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation in solidum sur le fondement de la garantie décennale ou, à défaut, sur le fondement contractuel, des sociétés SNMA et Atelier d'Architecture 3A à lui verser une somme de 108 805,91 euros en réparation de ces désordres. Par un jugement du 22 juin 2020 dont la société Atelier d'Architecture 3A relève appel, le tribunal a condamné in solidum sur le fondement contractuel les sociétés SNMA, mise en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 septembre 2019, et Atelier d'Architecture 3A, à verser au département de la Drôme la somme de 90 805,91 euros en réparation de ces désordres. Le département de la Drôme demande à la cour, par la voie des appels incident et provoqué, de porter le montant de la condamnation des sociétés Atelier d'Architecture 3A et SNMA à 108 805,91 euros sur le fondement de la garantie décennale.

Sur la garantie décennale :

2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. La circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.

3. Il résulte de l'instruction que les brise-soleil installés par la société SNMA, qui constituent des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage, sont soit difficiles à manipuler soit trop abîmés pour être utilisés et que des lames se décrochent de leur support. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, malgré les conclusions de l'expert, que le décrochage de lames représenterait un danger pour les utilisateurs, les lames défectueuses ayant pu être retirées au fur et à mesure que leur état était constaté. Par ailleurs, si l'expert a noté que certaines classes doivent être surchauffées les jours ensoleillés, il ne résulte pas de l'instruction qu'il ne serait pas possible de procéder par ailleurs à l'aération des classes de sorte que les températures atteintes rendraient l'ouvrage impropre à sa destination. Par suite, ni la société Atelier Architecture 3A, ni le département de la Drôme ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté la demande du département fondée sur la garantie décennale.

Sur la responsabilité contractuelle :

4. Le tribunal a condamné in solidum la société SNMA, qui s'était contractuellement engagée à garantir les brise-soleil orientables durant cinq ans en application de l'article 9.7.2 du CCAP, et la société Atelier Architecture 3A, à raison du manquement à son devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage, à réparer le préjudice subi par le département.

5. Il résulte de l'instruction que les brise-soleil orientables posés par la société SMNA, qui n'étaient pas du type de ceux demandés dans le CCTP rédigé par le maître d'œuvre, ont présenté des désordres liés à leur fragilité intrinsèque et à leur pose. C'est à juste titre que le tribunal a condamné la société SNMA à réparer ces désordres. En application de l'article 9.7.2 du CCAP la société SNMA, qui n'a pas interjeté appel du jugement, était contractuellement responsable de la réparation de l'entier préjudice.

6. La société Atelier Architecture 3A, bien qu'au courant de ce que la société SNMA n'avait pas posé les brise-soleil orientables prévus au CCTP, n'a pas procédé avant la réception à des vérifications sur la différence de conception et de caractéristiques entre le matériel posé et le matériel demandé ou tout matériel similaire, de sorte qu'en n'attirant pas l'attention du maître d'ouvrage sur les risques liés à la pose de ces équipements, elle a manqué à son devoir de conseil lors de la réception des travaux. Toutefois, les fautes ainsi commises par la société Atelier d'Architecture 3A n'ont pas privé, compte tenu de ce qui a été indiqué au point précédent, le département de la Drôme, qui ne saurait être indemnisé deux fois, de la possibilité d'obtenir la réparation du préjudice correspondant à une exécution des travaux conforme au CCTP. Par ailleurs, les fautes respectives de la société SNMA et de la société Atelier d'Architecture 3A ne sont pas à l'origine des mêmes préjudices. Par suite, la société Atelier d'Architecture 3A est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée in solidum avec la société SNMA à réparer le préjudice subi par le département.

7. Le tribunal a rejeté les conclusions du département de la Drôme tendant à l'indemnisation des frais de maîtrise d'œuvre, de contrôle technique, de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé et de consultation, chiffrés globalement à 18 000 euros TTC, au motif qu'il ne justifiait pas de la nécessité d'engager de tels frais. Le département se borne à faire valoir en appel qu'il a droit au remboursement de ces frais sans apporter aucune précision supplémentaire sur ces chefs de demande. Par ailleurs, compte tenu de la date d'apparition des premiers désordres qui ont été signalés dans l'année qui a suivi la réception de l'ouvrage et de la longévité normale de ce type d'équipement, il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement au titre de la vétusté. Par suite, le tribunal a justement apprécié le préjudice du département en lui allouant la somme de 90 805,91 euros.

Sur les dépens :

8. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 304,66 euros, que le tribunal a mis pour moitié à la charge de la société Atelier d'Architecture 3A et de la société SNMA, sont définitivement mis à la charge de la société SNMA.

Sur les frais du litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de la Drôme et la société Atelier d'Architecture 3A, qui ne sont pas tenues aux dépens, soient condamnés à verser une somme au titre de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SNMA une somme à verser au département de la Drôme en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1804412 du tribunal administratif de Grenoble du 22 juin 2020 est annulé en tant qu'il a condamné la société Atelier d'Architecture 3A à verser au département de la Drôme la somme de 90 805,91 euros.

Article 2 : L'article 2 de ce même jugement est annulé.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 304,66 euros, sont mis à la charge définitive de la société SNMA.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Atelier d'Architecture 3A, à la société MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire de la société SNMA et au département de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 juillet 2022.

La rapporteure,

A. A...La présidente,

C. Michel

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 20LY02514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02514
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ALBERTINI ALEXANDRE et L'HOSTIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-21;20ly02514 ?
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