La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2022 | FRANCE | N°21LY03132

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 13 juillet 2022, 21LY03132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102481 du 9 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 septembre et 8 décembre 2021, M. A..., représenté par

Me Borges De Deus Correira, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ; ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102481 du 9 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 septembre et 8 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Borges De Deus Correira, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de réexaminer sans délai sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement, insuffisamment motivé, est irrégulier ;

- l'arrêté pris dans son ensemble méconnaît le principe de bonne administration, le droit d'entendu, l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le 10° de l'article L. 511-4 du même code, compte tenu de son état de santé ;

- la fixation du pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2021, la préfète de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour tardiveté ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 311-6 est irrecevable dès lors qu'il n'a pas été soulevé en première instance et que les autres moyens ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, déclare être entré sur le territoire français en mai 2019. Sa demande d'asile a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile, le 25 mars 2021. Par arrêté du 31 mars 2021, le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir :

2. M. A... ayant déposé sa demande d'aide juridictionnelle dans le délai d'appel, ceux-ci ont été interrompu et la présente requête a été enregistrée dans le délai rouvert par la notification de la décision ayant statué sur l'aide juridictionnelle. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, rendu applicable aux États membres par l'article 51 de la même Charte : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

4. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

5. Dès lors, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre une obligation de quitter le territoire français non concomitante au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Enfin, la méconnaissance de ce droit n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure régulièrement conduite pouvait aboutir à un résultat différent.

6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., aurait été, à un moment de la procédure, informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mis à même de présenter des observations, la procédure de demande d'asile n'ayant pas une telle finalité. La méconnaissance de ce droit doit donc être regardée comme constituée. D'autre part, les pièces médicales versées au dossier attestent du caractère sérieux des informations susceptibles d'avoir une incidence sur le sens de la décision d'éloignement instruite par l'administration, notamment au regard de l'application des dispositions alors codifiées au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français sous trente jours et, par voie de conséquence, la fixation du pays de renvoi ont été prononcées en méconnaissance des dispositions citées au point 3.

7. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué et l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel le préfet de la Drôme a obligé M. A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le Mali comme pays de destination doivent être annulés.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. En vertu des articles L. 911-2 du code de justice administrative et L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement, mais seulement, que la préfète de la Drôme réexamine la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et après remise sous huitaine d'une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Borges De Deus Correira, avocat du requérant, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2102481 du 9 juin 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du 31 mars 2021 par lequel le préfet de la Drôme a obligé M. A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le Mali comme pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Drôme de réexaminer la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise sous huitaine d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Borges De Deus Correira, avocat de M. A..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'Intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

La rapporteure,

C. Djebiri Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY03132 2

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03132
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-13;21ly03132 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award