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13/07/2022 | FRANCE | N°21LY01248

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 juillet 2022, 21LY01248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser :

1°) à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'il a effectuées au-delà du seuil annuel de 1 607 heures en 2010 et 2011 ou, à titre subsidiaire, aux heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période

de quatre mois ;

2°) à titre plus subsidiaire, une indemnité représentative des in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser :

1°) à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'il a effectuées au-delà du seuil annuel de 1 607 heures en 2010 et 2011 ou, à titre subsidiaire, aux heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période de quatre mois ;

2°) à titre plus subsidiaire, une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires ;

3°) en tout état de cause, une somme de 1 500 euros au titre des préjudices personnels et des troubles subis dans ses conditions d'existence ;

4°) une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le remboursement de la contribution de 35 euros pour l'aide juridique.

Par un jugement n° 1303657 du 8 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée au Conseil d'Etat le 6 février 2017, M. A... B... s'est pourvu contre le jugement susmentionné du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon.

Par une ordonnance du 21 mars 2017, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête d'appel de M. B... à la cour administrative d'appel de Lyon.

Procédure devant la cour

Par sa requête susmentionnée, enregistrée à la cour sous le n° 17LY01204, et des mémoires enregistrés le 10 novembre 2017 et le 14 juin 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A... B..., représenté par Me Arnould, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) à titre principal, de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'il a effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil annuel de 1 607 heures ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires ;

4°) en tout état de cause, de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des préjudices personnels et des troubles subis dans ses conditions d'existence ;

5°) de mettre à la charge du service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 222-13 du code de justice administrative dès lors que le magistrat désigné ne pouvait en l'espèce régulièrement statuer seul ;

- l'article L. 5 du même code, qui garantit le caractère contradictoire de la procédure, a été méconnu ;

- c'est à tort que le premier juge s'est prononcé sur les conclusions subsidiaires d'allocation d'une indemnité représentative sans examiner celles présentées à titre principal ;

- c'est à tort que le premier juge a opéré une compensation, qu'aucun texte n'autorise, entre la créance relative au paiement des heures supplémentaires et l'avantage lié au bénéfice d'un logement, lequel ne constitue pas une contrepartie du régime de travail et n'est pas lié à la notion de nécessité absolue de service ;

- cette compensation, à la supposer justifiée, repose sur un avantage locatif estimé sur des bases erronées ;

- le premier juge s'est livré à une définition erronée des heures supplémentaires accomplies ;

- le régime de gardes de 24 heures instauré par la délibération du 26 juin 2009 et par celle du 11 janvier 2002 méconnaît les limites hebdomadaires du travail de 48 heures fixées par la directive 2003/88/CE, de 44 heures sur douze semaines consécutives fixées par l'article 3 du décret 2000-815 du 25 août 2000, ainsi que la limite annuelle de 1 607 heures ; il ne peut, dès lors, constituer une référence ;

- le régime d'équivalence est illégal dès lors qu'il n'a pas été institué conformément à l'article 8 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- la totalité du temps de présence des sapeurs-pompiers doit être comprise comme du temps de travail ; dès lors, ce régime méconnaît la notion de travail effectif définie par la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et par le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- il résulte de ce qui précède que le régime de gardes de 24 heures étant illégal, le seuil de 1 607 heures est applicable ;

- la différence de régime applicable par la délibération du 26 juin 2009 aux sapeurs-pompiers bénéficiaires d'un logement méconnaît le principe de non-discrimination protégé par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il s'en remet à la sagesse de la cour sur le point de calculer les heures supplémentaires sur la base d'un cycle hebdomadaire ou annuel ;

- le principe de l'indemnisation d'heures supplémentaires n'est exclu ni par la jurisprudence administrative, ni par la jurisprudence communautaire ;

- le cycle de travail étant annuel, doivent être rémunérées comme heures supplémentaires toutes les heures effectuées en 2010 et 2011 au-delà de la durée légale de 1 607 heures ;

- à titre subsidiaire, l'absence illégale de paiement des heures supplémentaires et la méconnaissance des seuils communautaires justifient le paiement d'une indemnité représentative de ces heures supplémentaires ;

- l'absence de dispositions protectrices applicables en matière de dépassement de la durée hebdomadaire du travail, de travail de nuit et de repos compensateur sont à l'origine de préjudices personnels et de troubles dans les conditions d'existence qui justifient l'indemnité demandée à ce titre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2018, le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône, représenté par Me Prouvez, avocat (SCP Deygas Perrachon et Associés), demande à la cour de rejeter la requête d'appel de M. B... ainsi que sa demande présentée devant les premiers juges et de mettre à la charge du requérant une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- M. B... n'a effectué aucune heure supplémentaire non rémunérée au-delà du temps de travail annuel accompli conformément aux articles 4 et 5 du décret du 31 décembre 2001 ;

- dès lors que les dispositions réglementaires en vigueur ont été appliquées, aucune faute n'a été commise ;

- c'est à tort que le premier juge n'a pas retenu le principe du régime d'équivalence ;

- le dépassement de 48 heures hebdomadaires proscrit par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 du Parlement européen et du Conseil n'est pas établi ;

- il n'est pas justifié de la réalité des préjudices personnels et des troubles dans les conditions d'existence dont il est demandé réparation ;

- c'est à bon droit que le premier juge a retenu la compensation, laquelle ne requiert aucun texte spécifique, entre les indemnités réclamées et l'avantage indu dont l'intéressé a bénéficié sans nécessité absolue de service.

Par un arrêt n° 17LY01204 du 5 mars 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement n° 1303657 du 8 décembre 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, et a rejeté la demande présentée par M. B... devant ce tribunal.

Par un pourvoi enregistré le 6 mai 2019, M. B... a demandé au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions ; de régler l'affaire au fond et de faire entièrement droit à son appel ; de mettre à la charge du SDMIS du Rhône une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision no 430465 du 16 avril 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt, en tant qu'il rejette la demande de M. B... tendant au paiement d'heures supplémentaires a renvoyé dans cette mesure à la cour le jugement de l'affaire, a mis à la charge du SDMIS du Rhône une somme de 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi

Par courriers du 23 avril 2021, les parties ont été informées du renvoi de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon, où elle a été enregistrée sous le n° 21LY01248.

Par un mémoire enregistré le 4 juin 2021, M. B..., représenté par Me Arnould, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner le SDMIS du Rhône à lui verser les indemnités horaires pour travaux supplémentaires, correspondant à 734 heures supplémentaires effectuées en 2010 et 225 heures effectuées en 2011, et d'assortir les sommes des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2012, outre capitalisation de ces intérêts ;

2°) sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de fixer les conditions de mise en œuvre du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002, soit la détermination de la date à laquelle l'agent est réputé avoir accompli ses obligations annuelles réglementaires de service et au-delà de laquelle ont été accomplies les heures supplémentaires , et la prise en compte des conditions réelles dans lesquelles chaque heure supplémentaire a été accomplie, selon les informations portées dans les cartons individuels, afin d'appliquer notamment les majorations pour travail de nuit ou les dimanches et jours fériés ; .

3°) de mettre à la charge du SDMIS du Rhône une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- pour l'année 2010, durant laquelle il a exercé son activité à temps partiel, à raison de 80 %, il a effectué un total d'heures de travail de 2 019,75 heures, alors que ses obligations de service étaient de 1 285,6 heures, si bien que le SDMIS doit lui verser les indemnités correspondant à 734,15 heures supplémentaires ;

- pour l'année 2011, durant laquelle il a exercé une activité de formateur et était tenu, en complément, d'assurer 36 gardes de 24 heures, il a effectué un total d'heures de travail de 944,5 heures, alors que ses obligations de service étaient de 720 heures, si bien que le SDMIS doit lui verser les indemnités correspondant à 224,5 heures supplémentaires ;

- les heures supplémentaires doivent être indemnisées en faisant application de l'ensemble des majorations prévues par le décret du 14 janvier 2002, compte tenu des informations fournies par les cartons individuels sur les conditions-de jour ou de nuit, les dimanches ou jours fériés- dans lesquelles ces heures ont été effectivement réalisées ;

- sa demande afférente aux intérêts et à leur capitalisation est recevable.

Par un mémoire enregistré le 15 avril 2022, présenté par Me Prouvez, le SDMIS du Rhône conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune indemnité horaire pour travaux supplémentaires ne peut être octroyée à M. B..., qui n'était soumis ni à la limite annuelle de 1 607 heures, ni à la durée prévue par le régime de l'équivalence, compte tenu de l'exercice de son activité à temps partiel ;

- le régime d'équivalence doit être appliqué avec un plafond tenant compte de la situation de l'intéressé pour l'année 2010, durant laquelle M. B... a exercé son activité à temps partiel ; au titre de l'année 2011, il ne pouvait être assimilé, compte tenu de son activité de formateur, aux sapeurs-pompiers exerçant à temps partiel ;

- les modalités de calcul résultant des articles 7 et 8 du décret du 14 janvier 2002 ne peuvent être appliquées ;

- la demande afférente aux intérêts et à leur capitalisation n'est pas recevable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n°2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tallec, président ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de Me Arnould, représentant M. B..., ainsi que celles de Me Rey, représentant le SDMIS du Rhône.

Une note en délibéré, présentée pour M. B... par Me Tardieu, a été enregistrée le 5 juillet 2022 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., sapeur-pompier professionnel alors logé en casernement, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le service départemental et métropolitain d'incendie et de secours (SDMIS) du Rhône à lui verser, à titre principal, les indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant aux heures supplémentaires qu'il soutient avoir accomplies en 2010 et en 2011 au-delà du seuil annuel de 1 607 heures, à titre subsidiaire, les heures supplémentaires effectuées en 2010 et 2011 au-delà du seuil de 44 heures hebdomadaires en moyenne par période de quatre mois, à titre encore subsidiaire, une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires correspondant à ces heures supplémentaires et, en tout état de cause, une indemnité réparant ses préjudices personnels et ses troubles dans ses conditions d'existence en raison du régime illégal de la durée du travail à laquelle il a été assujetti. Par un jugement du 8 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête. Par un arrêt du 5 mars 2019, la cour de céans a annulé le jugement du tribunal administratif et a rejeté la demande présentée par M. B... devant le premier juge. Par une décision n° 430465 du 16 avril 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant au paiement d'heures supplémentaires, a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour, a condamné le SDMIS du Rhône à verser à M. B... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi.

Sur le paiement d'heures supplémentaires :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement de la réduction de temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, rendu applicable aux agents des collectivités territoriales par l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " (...) Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ". L'article 2 du même décret précise : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ".Aux termes de l'article 8 du même décret : " Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée par décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et du comité technique paritaire ministériel pour des corps ou emplois dont les missions impliquent un temps de présence supérieur au temps de travail effectif tel que défini à l'article 2. Ces périodes sont rémunérées conformément à la grille des classifications et des rémunérations ".

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas dépasser 12 heures consécutives (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Compte tenu des missions des services d'incendie et de secours et des nécessités de service, un temps de présence supérieur à l'amplitude journalière prévue à l'article 2 peut être fixé à 24 heures consécutives par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours après avis du comité technique paritaire (...) ". Enfin, aux termes de l'article 4 du même décret : " Lorsqu'il est fait application de l'article 3 ci-dessus, une délibération du conseil d'administration après avis du comité technique paritaire fixe un temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail. / La durée équivalente ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 520 heures. / A compter du 1er janvier 2005, elle ne peut être inférieure à 2 160 heures ni excéder 2 400 heures ".

En ce qui concerne la possibilité pour le SDMIS du Rhône d'instaurer un régime d'équivalence :

4. Les dispositions de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 qui, aux termes de son article 1er, " fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail ", ne font pas obstacle à ce que, dans le respect des durées maximales de travail qu'elles prévoient, les Etats membres fixent, pour certaines professions, des régimes d'horaire d'équivalence en vue de déterminer les modalités selon lesquelles seront rémunérés le temps de travail des travailleurs concernés ainsi que, le cas échéant, les heures supplémentaires qu'ils auront effectuées.

5. Les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001 consacrent une définition spécifique de la durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels, laquelle comprend notamment, outre le temps passé en intervention, les périodes de garde consacrées au rassemblement, à la tenue des registres, à l'entraînement physique, au maintien des acquis professionnels, aux manœuvres, à l'entretien des locaux et des matériels, aux tâches administratives et techniques ainsi qu'aux pauses destinées à la prise des repas. La totalité du temps de présence des sapeurs-pompiers, si elle ne doit pas dépasser les limites fixées par la directive du 4 novembre 2003, ne peut pas être assimilée à du temps de travail effectif pour l'appréciation des heures supplémentaires éventuellement effectuées lorsque, comme en l'espèce, le conseil d'administration de l'établissement a institué un régime dérogatoire sur le fondement des dispositions précitées des articles 3 et 4 du décret du 31 décembre 2001.

6. Le régime d'horaire d'équivalence constituant un mode particulier de comptabilisation du travail effectif qui consiste à prendre en compte la totalité des heures de présence, tout en leur appliquant un mécanisme de pondération tenant à la moindre intensité du travail fourni pendant les périodes d'inaction, seules peuvent ouvrir droit à un complément de rémunération les heures de travail effectif réalisées par les sapeurs-pompiers au-delà du temps d'équivalence au décompte annuel du temps de travail fixé, dans les limites prévues par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001, par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. Le dépassement des durées maximales de travail prévues tant par le droit de l'Union européenne que par le droit national ne peut ouvrir droit par lui-même qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de l'atteinte à la santé et à la sécurité ainsi que des troubles subis dans les conditions d'existence. Par suite, la totalité du temps de présence des sapeurs-pompiers, si elle ne doit pas dépasser les limites fixées par la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne peut pas être assimilée à du temps de travail effectif pour l'appréciation des heures supplémentaires devant être rémunérées lorsque, comme en l'espèce, le conseil d'administration du service a institué un régime dérogatoire sur le fondement des dispositions des articles 3 et 4 du décret du 31 décembre 2001. Dans ces conditions, le moyen soulevé par l'appelant, tiré de l'impossibilité de mettre en place un régime d'horaire d'équivalence, doit être écarté.

En ce qui concerne l'application du régime d'équivalence institué par le SDMIS du Rhône à la situation de M. B... :

7. Au cours des années 2010 et 2011, les sapeurs-pompiers professionnels employés par le SDMIS du Rhône exerçant leur activité à temps plein étaient soumis au régime prévu par la délibération du conseil d'administration du 11 janvier 2002, prévoyant 90 séquences opérationnelles de 24 heures, assorties d'un coefficient d'équivalence de 1,5, auxquelles s'ajoutent deux semaines de 5 jours de 8 heures, soit une durée annuelle, équivalente à la durée légale du travail, de 2 240 heures. Cette délibération, contrairement à ce que soutient l'appelant, a légalement mis en place un régime dérogatoire prévu par les articles 3 et 4 du décret du 31 décembre 2001, de sorte que le plafond annuel au-delà duquel doivent être rémunérées les heures supplémentaires accomplies durant une période d'activité à temps complet n'est pas celui de 1 607 heures, prévu par l'article 1er du décret du 31 décembre 2001, mais la durée d'équivalence de 2 240 heures.

8. En revanche le régime du temps d'équivalence prévu par l'article 4 du décret du 31 décembre 2001 a pour objet d'introduire, en vue notamment de l'appréciation des droits à rémunération des sapeurs-pompiers professionnels, une durée équivalente à la durée annuelle de leur temps de travail. Cette durée annuelle fixée à 1 607 heures maximum, correspond à la quotité de travail qu'un sapeur-pompier professionnel doit accomplir pour être regardé comme travaillant à temps plein. Dès lors, ni la durée annuelle de ce temps de travail ni, par voie de conséquence, la durée équivalente à cette durée ne sont applicables aux sapeurs-pompiers professionnels travaillant à temps partiel. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le régime dérogatoire, instauré par la délibération du conseil d'administration du SDMIS du Rhône du 11 janvier 2002, ne saurait conduire à faire application, en ce qui le concerne, d'un régime d'équivalence au titre des périodes durant lesquelles il a exercé son activité à temps partiel.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment des plannings d'activité produits devant le premier juge, que M. B... a effectué en 2010, 77 gardes de 24 heures, auxquelles s'ajoutent 171 heures hors gardes, soit un total de 2 020 heures de travail. Eu égard à l'exercice de son activité à temps partiel à raison de 80 %, ses obligations représentaient, pour l'ensemble de l'année, un total de 1 286 heures. Par suite, et alors que le SDMIS du Rhône ne conteste pas ces données chiffrées et se borne à demander l'application d'un régime d'équivalence spécifique adapté à la situation de l'appelant, il est fondé à demander le paiement de 734 heures supplémentaires.

10. Au titre de l'année 2011, M. B... a exercé une activité de formateur au sein du SDMIS. S'il fait valoir qu'en complément de cette activité, il a également effectué 36 gardes de 24 heures, et 80 heures hors gardes, soit un total de 944 heures, il n'apporte aucun élément de nature à établir que sa situation particulière permettait de le rattacher aux sapeurs-pompiers exerçant leur activité à temps partiel. Le régime dérogatoire lui étant dans ces conditions applicable, et alors que le nombre total d'heures effectuées au titre de ladite année est inférieur au plafond de 2 240 heures, il n'est en conséquence pas fondé à demander le paiement d'heures supplémentaires.

11. M. B... doit être renvoyé devant le service pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme correspondant à la rémunération des heures supplémentaires effectuées en 2010, laquelle ne peut, contrairement à ce qui est soutenu par l'administration, faire l'objet d'une réfaction en raison de l'avantage constitué par la jouissance du logement qui lui était attribué. Le décompte sera fait par application de l'article 7 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002, en distinguant les gardes de 24 heures et les heures supplémentaires effectuées hors gardes.

Sur les intérêts et la capitalisation :

12. En premier lieu, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article 1231-6 du même code, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la réclamation indemnitaire préalable de M. B... a été reçue par le SMDIS du Rhône le 7 décembre 2012. En outre, et contrairement à ce que soutient le SDMIS, les intérêts ont clairement été demandés dans le pourvoi au Conseil d'Etat, enregistré le 6 mai 2019, et n'étaient pas prescrits. Par suite, le requérant est en droit de prétendre aux intérêts légaux, sur la somme due au titre de l'année 2010, mentionnée au point 9, à compter du 7 décembre 2012.

13. En second lieu, aux termes de l'article 1154 du code civil, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article 1343-2 du même code : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Ainsi, et en l'espèce, M. B... est en droit de prétendre à la capitalisation des intérêts sur les sommes en cause à compter du 6 mai 2019, date à laquelle elle a été demandée, puis à chaque nouvelle échéance annuelle intervenue depuis lors.

Sur les frais d'instance :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

15. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le SDMIS du Rhône. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 500 euros, à verser à M. B... sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le SDMIS du Rhône versera à M. B... une somme correspondant à la rémunération de 734 heures supplémentaires au titre de l'année 2010.

Article 2 : M. B... est renvoyé devant le SDMIS du Rhône pour la liquidation de la somme mentionnée à l'article 1er, conformément aux motifs exposés au point 11 du présent arrêt.

Article 3 : La somme mentionnée à l'article 1er portera intérêts et sera capitalisée conformément à ce qui est indiqué aux points 12 et 13 du présent arrêt.

Article 4 : Le SDMIS du Rhône versera à M. B... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B... et les conclusions du SDMIS du Rhône présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental et métropolitain d'incendie et de secours du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

L'assesseur le plus ancien,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

Le président,

Jean-Yves Tallec La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01248
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Jean-Yves TALLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-13;21ly01248 ?
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