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13/07/2022 | FRANCE | N°19LY01154

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 13 juillet 2022, 19LY01154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon : 1°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Charny Orée de Puisaye a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ; 2°) à titre principal, d'enjoindre au maire de Charny Orée de Puisaye de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie dont elle souffre avec effet rétroactif au 21 juillet 2015, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ; 3°

) à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de réexaminer sa demande de reconna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon : 1°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Charny Orée de Puisaye a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ; 2°) à titre principal, d'enjoindre au maire de Charny Orée de Puisaye de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie dont elle souffre avec effet rétroactif au 21 juillet 2015, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ; 3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de réexaminer sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Charny Orée de Puisaye la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800080 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Dijon, après avoir admis les interventions du syndicat CFDT Interco de l'Yonne et de la Fédération nationale Interco CFDT (article 1er), a annulé l'arrêté du 13 novembre 2017 (article 2), a enjoint au maire de Charny Orée de Puisaye, dans le délai de deux mois, de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme C... et des arrêts et soins afférents à la période du 21 juillet 2015 au 15 mai 2016 (article 3), a mis à la charge de la commune de Charny Orée de Puisaye le versement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté les conclusions présentées par la commune de Charny Orée de Puisaye au titre des mêmes dispositions (article 5).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 mars 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 30 octobre 2020, qui n'a pas été communiqué, la commune de Charny Orée de Puisaye, représentée par Me Corneloup, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 février 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme C... devant ce tribunal ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les interventions de la Fédération Nationale CFDT 89 et du Syndicat Interco 89 sont irrecevables pour défaut d'intérêt pour agir ; le jugement attaqué a entaché à ce titre le jugement attaqué d'une irrégularité ;

- c'est également à tort que le jugement attaqué a écarté sa fin de non-recevoir ; la décision litigieuse du 13 novembre 2017 est confirmative d'un refus implicite de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont souffre Mme C... ;

- c'est également à tort que le jugement attaqué a retenu l'existence d'un lien entre la maladie dont souffre Mme C... et le service, compte tenu de l'antériorité de la pathologie et du comportement de la requérante, qui n'est pas étranger à la situation qu'elle dénonce ;

- l'absence de rapport du médecin de prévention en violation de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 n'a pas été, en l'espèce, de nature à priver la requérante d'une garantie, dès lors que la commission de réforme a disposé de l'ensemble des éléments d'information nécessaires pour rendre son avis, et que l'intéressée a fait valoir les écrits du médecin du travail devant cette commission.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2020, Mme D... C..., représentée par Me Komly-Nallier, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Charny Orée de Puisaye en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés sont infondés ;

- l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme a été de nature à la priver d'une garantie puisque médecin de prévention n'a pas eu l'occasion de rédiger de rapport sur la question de l'imputabilité au service.

Par ordonnance du 23 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- les observations de Me Metz pour la commune de Charny Orée de Puisaye ainsi que celles de Me Komly-Nallier pour Mme C..., le syndicat CFDT Interco de l'Yonne et la Fédération nationale Interco CFDT

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C..., adjoint administratif exerçant alors les fonctions de directrice des ressources humaines au sein des services de la communauté de communes de l'Orée de Puisaye, a été placée en congé de maladie à compter du 21 juillet 2015 pour un syndrome anxio-dépressif. A la suite de la création de la commune nouvelle de Charny Orée de Puisaye, Mme C... a été transférée, à compter du 1er janvier 2016, au sein des services de cette commune. La commune de Charny Orée de Puisaye relève appel du jugement du 12 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté de son maire du 13 novembre 2017 refusant de reconnaître de l'imputabilité au service de la pathologie de Mme C....

Sur les interventions du Syndicat CFDT Interco de l'Yonne et de la Fédération nationale Interco CFDT :

2. La commune de Charny Orée de Puisaye soutient que c'est à tort que les premiers juges ont admis les interventions de la Fédération Nationale CFDT 89 et du Syndicat Interco 89, dont les objets matériel et géographique sont sans rapport avec la décision en litige, de sorte qu'ils n'ont pas intérêt pour agir.

3. Toutefois, la Fédération Nationale CFDT 89 et le Syndicat Interco 89 n'avaient pas en premier instance la qualité de requérants, mais de simples intervenants volontaires. En outre, un syndicat de fonctionnaires est recevable à intervenir, le cas échéant, à l'appui d'une demande d'annulation d'une décision individuelle " négative " concernant un fonctionnaire présentée devant le juge administratif par le fonctionnaire intéressé. Dans ces conditions, dès lors que la Fédération Nationale CFDT 89 et le Syndicat justifient d'un intérêt suffisant eu égard à l'objet du litige et ont formé leurs interventions par mémoires distincts, ils sont recevables à intervenir, tant en première instance qu'en appel.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. La commune de Charny Orée de Puisaye réitère en appel sa fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance et tirée du caractère prétendument confirmatif de l'arrêté du 13 novembre 2017. Il y a lieu d'écarter cette fin de non-recevoir par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite (...) ".

6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été recrutée par la communauté de communes de la région de Charny par un arrêté du 3 mai 2010 en qualité d'adjoint administratif de 2ème classe et nommée adjoint administratif de 1ère classe à compter du 26 mai 2011. Par un arrêté du 8 janvier 2014, elle a été transférée, à compter du 1er janvier 2014, au sein des services de la communauté de communes de l'Orée de Puisaye, établissement public né de la fusion de la communauté de communes de la région de Charny avec la celle des coteaux de la Chanteraine, pour exercer les fonctions de directrice des ressources humaines. A compter de cette date, Mme C... a rencontré des difficultés au travail, dans un double contexte de surcharge de travail générée par la fusion des deux intercommunalités et de relations conflictuelles avec sa hiérarchie. Mme C... soutient qu'elle a été progressivement mise à l'écart et privée de ses missions stratégiques, ce qui s'est traduit, selon ses écritures non contredites sur ces points, " par plusieurs actions concrètes de son employeur : mise à l'écart des réunions du comité de direction, disparition de la mention de " DHR " sur ses bulletins de paie à compter du mois d'août 2014, déplacement de son bureau au mois de décembre 2014, ayant pour effet de l'isoler du reste du service, diminution par deux du nombre d'agents placés sous sa responsabilité en février 2015 ". Mme C... a sollicité un rendez-vous avec le médecin de prévention qui s'est tenu le mercredi 15 juillet 2015. Par un courrier adressé à son médecin traitant, le médecin du travail a estimé qu'elle présentait les symptômes du " burn out " et qu'il était difficile à ce stade qu'elle puisse poursuivre son activité professionnelle dans l'immédiat. Un incident, qu'elle a déclaré dans le registre de santé et sécurité au travail, a eu lieu le 17 juillet 2015 avec son supérieur. Mme C... y fait état, outre d'une perte d'autonomie et d'une remise en cause de ses compétences en public, de reproches injustifiés sur le respect de la réglementation et des vulgarités de son supérieur. Elle a été placée en congé de maladie à compter du 21 juillet 2015.

8. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de cette maladie, le maire s'est fondé sur l'avis défavorable émis par la commission de réforme lors de sa séance du 1er mars 2016, relevant l'existence d'un " état antérieur non imputable au service " en se fondant en particulier sur les conclusions de la seconde expertise qu'elle a diligentée. Le rapport du docteur A...***, psychiatre agréé, conclut que " la pathologie dépressive de cette femme et ses troubles de la personnalité anciens mais exacerbés lors du conflit avec son employeur, ne permettent pas de statuer sur l'imputabilité de son état à une maladie professionnelle ". Toutefois, outre qu'il ne se prononce pas sur l'imputabilité au service de la pathologie de la requérante, ce rapport ne donne aucune précision sur le trouble de la personnalité ancien dont souffrirait Mme C.... Les conclusions du premier rapport d'expertise, établi par le docteur B...***, précisent que " les arrêts et les soins prescrits sont justifiés, ils sont bien dus à l'activité professionnelle et la conséquence d'un état psychique perturbé par un mauvais relationnel au travail sur un terrain prédisposé ". Il est indiqué dans le rapport d'expertise que Mme C... a présenté un état antérieur de fatigue et d'angoisses dues à ses déplacements professionnels entre son domicile dans l'Yonne et son travail, alors situé en région parisienne, ayant nécessité des arrêts successifs du 9 avril 2009 au 18 avril 2010. A supposer que Mme C... ait présenté à ce moment-là une symptomatologie anxio-dépressive, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... ait été sujette à ce syndrome entre 2010 et 2015.

9. Pour critiquer le jugement attaqué, la commune de Charny Orée de Puisaye fait également valoir qu'en l'espèce, Mme C... est à l'origine des événements qui ont conduit à son arrêt de travail. Elle se prévaut du rapport de M. E..., médiateur, du 22 octobre 2015, faisant état de l'agressivité de Mme C... envers les élus et les agents. Toutefois, ce rapport, peu précis, repose sur des faits, pour la plupart, postérieurs à son placement en congé de maladie et qui n'ont pas été sanctionnés. Si les pièces du dossier mettent en évidence une relation très conflictuelle avec la hiérarchie, doublée d'une agressivité dont il ne peut pas être exclu qu'elle se soit manifestée dans les deux sens, compte tenu de la déclaration dans le registre de santé et sécurité au travail de Mme C... à propos de l'incident avec son supérieur qui a eu lieu le 17 juillet 2015, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que le comportement de l'intimée serait la cause déterminante de la dégradation de ses conditions d'exercice professionnel, conduisant à détacher la survenance de la maladie du service.

10. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 à 9, quand bien même la pathologie de Mme C... a pu être favorisée par des éléments de sa personnalité, il y a lieu d'admettre que, comme l'a jugé le tribunal administratif de Dijon, la pathologie de Mme C... présente un lien direct et déterminant, qui n'a pas à être exclusif, avec les conditions dans lesquelles elle a été contrainte d'exercer son activité professionnelle, qui ont constitué le facteur déclenchant de son syndrome anxio-dépressif.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Charny Orée de Puisaye n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté de son maire du 13 novembre 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme C....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Charny Orée de Puisaye demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C....

D E C I D E :

Article 1er : Les interventions du Syndicat CFDT Interco de l'Yonne et de la Fédération nationale Interco CFDT sont admises.

Article 2 : La requête de la commune de Charny Orée de Puisaye est rejetée.

Article 3 : La commune de Charny Orée de Puisaye versera la somme de 1 500 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Charny Orée de Puisaye, à Mme D... C..., au syndicat CFDT Interco de l'Yonne et à la Fédération nationale Interco CFDT.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de l'Yonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 19LY01154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01154
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-13;19ly01154 ?
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