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07/07/2022 | FRANCE | N°21LY02894

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 07 juillet 2022, 21LY02894


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux requêtes enregistrées sous les nos 2101622 et 2102689, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 11 janvier et 8 avril 2021 du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et fixation du pays de renvoi.

Par une requête enregistrée sous le n° 2101623, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenob

le d'annuler l'arrêté du 11 mars 2021 par lequel le préfet de la Drôme l'a assignée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux requêtes enregistrées sous les nos 2101622 et 2102689, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés des 11 janvier et 8 avril 2021 du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et fixation du pays de renvoi.

Par une requête enregistrée sous le n° 2101623, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 mars 2021 par lequel le préfet de la Drôme l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2101622-2101623 du 19 mars 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Grenoble a renvoyé devant une formation collégiale les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 11 janvier 2021 portant refus de titre de séjour, ainsi que les conclusions à fin d'injonction afférentes à cette décision, et a annulé les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'arrêté du 11 mars 2021 portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2101622-2102689 du 27 juillet 2021, le tribunal a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 janvier 2021 portant refus de séjour ainsi que sur les conclusions à fin d'injonction afférentes à cette décision, retirée par l'arrêté du 8 avril 2021, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande n° 2101622 et la demande n° 2102689.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 août 2021, Mme A..., représentée par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 juillet 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande n° 2102689 et l'arrêté du 8 avril 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou à tout le moins de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen, fondé, tiré de ce que préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle au regard du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui n'est pas visée dans l'arrêté contesté et qu'il a méconnue ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle et a commis des erreurs de droit en motivant son refus de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'inadéquation entre l'emploi proposé et ses qualifications professionnelles, en lui refusant un délai de départ volontaire au seul motif qu'elle s'est soustraite à une précédente mesure d'éloignement et en lui interdisant de retourner en France sans tenir compte de l'ensemble des critères fixés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et plus largement quant aux conséquences des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant un délai de départ volontaire et interdiction de retour en France sont illégales en conséquence des illégalités successives ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen, fondé, tiré de ce que le préfet n'a pu légalement lui refuser un délai de départ volontaire, compte tenu de l'inconventionnalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 24 novembre 2015 ;

- l'interdiction de retour en France pendant un an est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2022, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 10 novembre 2021, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droit de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Bescou, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante albanaise, relève appel du jugement du 27 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2021 du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et fixation du pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans sa demande devant le tribunal administratif, Mme A... a invoqué le moyen tiré de ce que le préfet n'avait pu légalement lui refuser un délai de départ volontaire, compte tenu de l'inconventionnalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 24 novembre 2015. Le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. En ce qui concerne les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif, ce jugement n'est pas entaché d'omission. Par suite, en tant seulement qu'il statue sur les conclusions de Mme A... dirigées contre le refus de délai de départ volontaire, ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de Mme A... dirigées contre la décision relative au délai de départ volontaire et de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de sa requête.

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France d'une durée d'un an :

4. Mme A... reprend en appel les moyens tirés de ce que préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle, de ce qu'il a commis des erreurs de droit en motivant son refus de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'inadéquation entre l'emploi proposé et ses qualifications professionnelles et en lui interdisant de retourner en France sans tenir compte de l'ensemble des critères fixés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce qu'il a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de ce qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et plus largement quant aux conséquences des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle, de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour en France sont illégales en conséquence des illégalités successives et de ce que l'interdiction de retour en France pendant un an est disproportionnée. Ces moyens ne sont assortis d'aucune précision supplémentaire ni d'aucun élément pertinent constitutifs d'une critique des motifs par lesquels le tribunal les a justement écartés. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs du jugement attaqué.

Sur la légalité de la décision relative au délai de départ volontaire :

5. L'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, Mme A... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle lui refusant un délai de départ volontaire.

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date du 24 novembre 2015 : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a bénéficié du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification le 17 novembre 2015 de la décision du 27 octobre 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qu'elle a contestée devant la Cour nationale du droit d'asile par un recours formé le 11 décembre 2015. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet n'a pu légalement lui refuser un délai de départ volontaire, compte tenu de l'inconventionnalité de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 24 novembre 2015. Mme A..., qui ne conteste pas efficacement qu'elle s'est soustraite à l'exécution de cette mesure, entrait ainsi dans le cas du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de présumer établi le risque de soustraction à la mesure d'éloignement. Par suite, le préfet pouvait légalement refuser d'accorder à l'intéressée un délai de départ volontaire dans le cadre de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prononcée le 11 janvier 2021. Le préfet n'a pas davantage entaché ce refus, qu'il a décidé sans omettre de procéder à l'examen particulier de la situation de Mme A..., d'erreur de fait, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée et ni méconnu l'intérêt supérieur de son enfant, garanti par le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est fondée ni à demander l'annulation du refus de délai de départ volontaire en litige, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et fixation du pays de renvoi.

9. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de Mme A... à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de Mme A... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101622-2102689 du tribunal administratif de Grenoble du 27 juillet 2021 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 8 avril 2021 portant refus de délai de départ volontaire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Bescou. Copie sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

C. C...La présidente,

C. Michel

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY02894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02894
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-07;21ly02894 ?
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