Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux demandes distinctes, M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux années, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de pointage et interdiction de quitter le département.
Par un jugement n° 2104596-2104598 du 19 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces deux demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 août 2021, M. A... D..., représenté par Me Maingot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 juillet 2021 ;
2°) d'annuler ces deux arrêtés en date du 12 juillet 2021 ;
3°) de faire injonction au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le même délai, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, ayant omis de répondre spécifiquement aux moyens dirigés contre la mesure d'assignation à résidence ;
- les arrêtés ont été pris par une autorité incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sans qu'il ait pu faire valoir ses observations, en méconnaissance de la loi du 12 avril 2000 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée ;
- la décision l'assignant à résidence a été prise sans qu'il ait pu faire valoir ses observations, en méconnaissance de la loi du 12 avril 2000 ;
- la décision l'assignant à résidence est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision l'assignant à résidence méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'assignant à résidence méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'assignant à résidence méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant kosovar né en 1982, est entré en France en août 2012, selon ses déclarations. Ses demandes d'asile ont été rejetées à trois reprises, tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, et il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, le 4 août 2017, qu'il n'a pas exécutée. Par un arrêté du 25 août 2019, le préfet de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai. M. D... s'est maintenu en France et a fait de nouveau l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai par un arrêté du 12 juillet 2021 du préfet de la Haute-Savoie, arrêté qui lui fait également interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Savoie l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours. M. D... relève appel du jugement du 19 juillet 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour rejeter les conclusions de la demande dirigée contre la décision portant assignation à résidence, la magistrate désignée a d'une part écarté le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, d'autre part estimé que cette décision n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Au regard de la teneur des écritures de l'intéressé et de la confusion qu'elles opèrent entre les différentes décisions en litige, il ne ressort pas des pièces du dossier que la magistrate aurait omis de répondre à un autre moyen dirigé contre cet arrêté portant assignation à résidence. Par suite, le jugement n'est pas irrégulier.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. M. D... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise par une personne incompétente, est insuffisamment motivée et a été prise sans procédure contradictoire préalable. Il réitère également en appel ses moyens selon lesquels la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
4. Si M. D... fait état d'un conflit familial au Kosovo en lien avec son mariage, il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations, par ailleurs très peu circonstanciées, et n'établit pas la réalité de risques auxquels il serait exposé en cas de retour au Kosovo. Au demeurant, ses demandes d'asile ont toutes été rejetées. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions désormais en vigueur de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
5. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré deux mesures d'éloignement prise à son encontre, en 2017 et 2019. S'il fait valoir qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et que vivent en France son épouse et sa fille née en janvier 2021, son épouse séjourne irrégulièrement en France et, étant de même nationalité, peut le rejoindre au Kosovo. Dans ces conditions, en faisant interdiction à l'intéressé de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux années, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
7. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. B... C..., directeur de cabinet de la préfecture de Haute-Savoie, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par arrêté du préfet en date du 16 avril 2021, régulièrement publié. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, qui manque en fait, doit être écarté.
8. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application et précise que si M. D... ne peut quitter immédiatement le territoire français, son éloignement demeure une perspective raisonnable. Par suite, il contient les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement.
9. En troisième lieu, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ainsi que les décisions qui l'accompagnent. Par suite, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifié aux articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la décision portant assignation à résidence.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet le même jour que l'assignation à résidence d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et que la possibilité de l'éloigner demeurait une perspective raisonnable, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas. Par ailleurs, cette mesure n'est nullement contradictoire avec la décision privant l'intéressé de délai de départ volontaire, laquelle est fondée sur le fait qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, assigner à résidence M. D....
12. En cinquième lieu, si le requérant fait état de la présence en France de sa femme et de sa fille, la décision l'assignant à résidence pendant quarante-cinq jours avec interdiction de quitter le département de la Haute-Savoie où il réside ne porte pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît pas non plus, compte tenu de ses effets, l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
13. Enfin, M. D... ne peut utilement faire valoir, pour contester la décision portant assignation à résidence, qu'il serait exposé à des risques en cas de retour au Kosovo et que la décision méconnaîtrait de ce fait l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.
Le rapporteur,
Thierry Besse
La présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY02703