Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... B..., Mme E... B..., Mme A... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2017 par lequel le maire de Loisin a retiré la décision de non-opposition à la déclaration préalable qu'ils avaient déposée en vue de la division en trois lots à bâtir de l'unité foncière leur appartenant, et s'est opposé à cette déclaration.
Par un jugement n° 1800456 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté en tant qu'il emporte opposition à la déclaration préalable, a mis à la charge de la commune de Loisin la somme de 1 200 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser aux consorts B..., et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédures devant la cour
I) Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, sous le n° 20LY02106, et un mémoire en réplique enregistré le 30 septembre 2021, la commune de Loisin, représentée par la Selas Adaltys Affaires Publiques, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2020, en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du 30 novembre 2017 ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande des consorts B... dirigées contre cet arrêté, ainsi que leur appel incident ;
3°) de mettre à la charge des consorts B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a pu considérer que le préfet de la Haute-Savoie n'avait pas valablement été saisi pour avis conforme, le service instructeur ayant saisi la direction départementale des territoires, à laquelle il incombait, si elle ne s'estimait pas compétente, de transmettre le dossier ; dans ces conditions, et en l'absence de réponse, le préfet est réputé avoir émis un avis favorable ;
- aucun des autres moyens soulevés par les intimés n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 18 juin 2021, les consorts B..., représentés par la Selarl CDMF Affaires publiques, concluent au rejet de la requête, à l'annulation du jugement en ce qu'il n'a que partiellement annulé l'arrêté du 30 novembre 2017, à l'annulation de la décision retirant la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune requérante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le moyen soulevé par la commune requérante n'est pas fondé ;
- l'arrêté du 30 novembre 2017, en ce qu'il retire la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable a été pris sans procédure contradictoire préalable ;
- le motif tiré de ce que le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme est infondé, dès lors que le tènement est situé dans les parties urbanisées de la commune, ne favorise pas une urbanisation dispersée et ne compromet pas l'activité agricole.
La procédure a été communiquée à la ministre de la transition écologique, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 avril 2022, par une ordonnance en date du 21 mars 2022.
II) Par une requête enregistrée le 17 août 2020, sous le n° 20LY02356, et un mémoire en réplique enregistré le 29 octobre 2021, les consorts B..., représentés par la Selarl CDMF Affaires Publiques, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2020, en tant qu'il a partiellement rejeté leur demande ;
2°) d'annuler cet arrêté du 30 novembre 2017, en tant qu'il a retiré la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable dont ils étaient titulaires ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Loisin la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté du 30 novembre 2017, en ce qu'il retire la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable, a été pris sans procédure contradictoire préalable ;
- le motif tiré de ce que le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme est infondé, dès lors que le tènement est situé dans les parties urbanisées de la commune, ne favorise pas une urbanisation dispersée et ne compromet pas l'activité agricole.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2021, la commune de Loisin, représentée par la Selas Adaltys Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement en tant qu'il a partiellement annulé l'arrêté du 30 novembre 2021, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet de la Haute-Savoie n'avait pas été saisi pour émettre un avis conforme et qu'ils ont annulé, pour ce motif, l'arrêté du 30 novembre 2017, en tant qu'il s'oppose à la déclaration préalable.
La procédure a été communiquée à la ministre de la transition écologique, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 avril 2022, par une ordonnance en date du 21 mars 2022.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Saint-Lager pour la commune de Loisin et celles de Me Fiat pour les consorts B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 juillet 2017, les consorts B... ont déposé une déclaration préalable, qu'ils ont ensuite complétée, en vue de la division en trois lots à bâtir des terrains de l'unité foncière dont ils sont propriétaires, sur le territoire de la commune de Loisin. Par arrêté du 30 novembre 2017, le maire de Loisin a retiré la décision tacite de non-opposition dont ils bénéficiaient et s'est opposé à leur déclaration préalable. Par jugement du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, en tant qu'il emporte opposition à déclaration préalable, mis à la charge de la commune de Loisin la somme de 1 200 euros à verser aux consorts B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La commune de Loisin fait appel de ce jugement, en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande. Les consorts B... relèvent appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté leur demande en ce qu'elle tendait à l'annulation de la décision retirant la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable.
2. Les deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur le retrait de décision tacite de non-opposition :
3. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent qu'être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. "
4. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. " L'article L. 111-4 du même code dispose : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; 2° bis Les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production et dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées. Ces constructions et installations ne peuvent pas être autorisées dans les zones naturelles, ni porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ; 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes ; 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 101-2 et aux dispositions des chapitres I et II du titre II du livre Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application. " Enfin, aux termes de l'article R. 111-14 dudit code : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : 1° A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ; 2° A compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l'existence de terrains faisant l'objet d'une délimitation au titre d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée ou comportant des équipements spéciaux importants, ainsi que de périmètres d'aménagements fonciers et hydrauliques ; 3° A compromettre la mise en valeur des substances mentionnées à l'article L. 111-1 du code minier ou des matériaux de carrières inclus dans les zones définies à l'article L. 321-1 du même code. "
5. Ces dispositions interdisent en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées " en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune. Pour apprécier si un projet a pour effet d'étendre la partie actuellement urbanisée de la commune, il est tenu compte de sa proximité avec les constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune ainsi que du nombre et de la densité des constructions projetées.
6. Il ressort des pièces du dossier que les terrains de l'unité foncière que les consorts B... envisagent de diviser en trois lots à bâtir jouxtent un ensemble de plusieurs dizaines de constructions qui les bordent au sud, lesquelles forment, par leur nombre et leur densité, un espace déjà urbanisé en continuité du hameau de ..., sans que la commune de Loisin puisse utilement opposer la distance de ce secteur avec le centre-ville. Le terrain d'assiette est également situé à proximité immédiate de constructions plus éparses situées à l'ouest et au nord. Dans ces conditions, si ce terrain ouvre à l'est sur une plaine agricole, et si le projet prévoit la réalisation de trois maisons regroupées, il ne peut être regardé, compte tenu de sa situation et de la nature des constructions envisagées, comme étant de nature à étendre la partie urbanisée de la commune. C'est par suite à tort que, pour retirer la décision de non-opposition à déclaration préalable, le maire de Loisin s'est fondé sur les dispositions citées au point 4 de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme, lesquelles ne s'appliquent qu'en dehors des parties urbanisées de la commune.
7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible, en l'état de l'instruction, de fonder l'annulation de la décision du 30 novembre 2017, en ce qu'elle retire la décision de non-opposition à déclaration préalable.
Sur la décision d'opposition à déclaration préalable :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ; ". Aux termes de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande est adressée à une autorité incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé. "
9. La commune de Loisin établit que le service instructeur de la demande a saisi le 9 août 2017 la " cellule risques " de la direction départementale des territoires de la Haute-Savoie d'une demande d'avis relative au projet. Toutefois, cette demande, à laquelle il a été répondu par ce service, le 7 septembre 2017, qu'aucun avis concernant les risques ne serait émis, ne peut être regardée comme la demande d'avis conforme prévue par les dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme pour les communes soumises au règlement national d'urbanisme. Par ailleurs, les dispositions du code des relations entre le public et l'administration ne s'appliquent pas, s'agissant d'une demande adressée à l'administration par une collectivité. Au demeurant, et en tout état de cause, la cellule risques de la direction départementale des territoires n'ayant pas été saisie d'une demande pour laquelle elle était incompétente, mais d'une demande d'avis portant sur un autre point que celui pour lequel l'avis conforme du préfet était requis, les dispositions de ce code lui imposant de transmettre la demande à l'autorité compétente ne lui étaient pas applicables. Par suite, en l'absence de preuve apportée par la commune de la saisine du préfet de la Haute-Savoie pour avis conforme, la décision d'opposition à déclaration préalable, prise par une autorité incompétente, doit être annulée.
10. En second lieu, et pour les motifs exposés au point 6, la décision portant opposition à déclaration préalable, a été prise pour des motifs illégaux.
11. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part que la commune de Loisin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 30 novembre 2017 de son maire faisant opposition à la déclaration préalable déposée par les consorts B..., d'autre part que les consorts B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation du même acte, en ce qu'il retire la décision tacite de non-opposition dont ils bénéficiaient.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la commune de Loisin, qui est partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Loisin la somme totale de 2 000 euros à verser aux consorts B... au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 30 novembre 2017 du maire de Loisin est annulé, en tant qu'il retire la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable dont bénéficiaient les consorts B...
Article 2 : Le jugement n° 1800456 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : La commune de Loisin versera aux consorts B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Loison et à M. C... B..., pour les consorts B....
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.
Le rapporteur,
Thierry BesseLa présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02106, 20LY02356