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06/07/2022 | FRANCE | N°21LY03311

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 juillet 2022, 21LY03311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Le Rochefort a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 avril 2013 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1507355 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble, aux articles 1er à 4 du jugement, a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause, d'une part, du béné

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Le Rochefort a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 avril 2013 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1507355 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble, aux articles 1er à 4 du jugement, a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause, d'une part, du bénéfice du régime de la taxation sur la marge qu'elle avait appliqué à raison de cessions de terrains à bâtir réalisées en 2012 et 2013 dans les communes de Gières et de Varces-Allières-et-Risset, à hauteur de la somme de 49 429 euros, et des majorations correspondantes, et, d'autre part, des modalités de calcul de la marge correspondant aux cessions de terrains à bâtir réalisées en 2010, 2011 et 2012 dans le cadre d'une opération de lotissement dans la commune de Monestier-de-Clermont, et, à l'article 5 du jugement, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure initiale devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 à 4 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Le Rochefort les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés aux titre de la période correspondant aux années 2012 et 2013 à raison de la cession de terrains à bâtir selon le régime de la taxation sur la marge dans la commune de Varces-Allières-et-Risset, à hauteur des sommes de 15 440 euros et 16 585 euros et les pénalités correspondantes ;

3°) de remettre à la charge de la SARL Le Rochefort les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés aux titre des années 2010, 2011 et 2012 à raison de l'exclusion, s'agissant des opérations relatives aux ventes de biens situés à Monestier-de-Clermont, du coût des parcelles cédées à la commune dans la détermination de la marge imposable, soit les sommes de 1 482 euros, 904 euros et 827 euros ;

4°) de condamner la SARL Le Rochefort à lui reverser la somme de 1 200 euros qui lui a été allouée par le tribunal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne conteste pas le jugement en tant qu'il a prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférente à la cession d'un terrain à bâtir dans la commune de Gières pour un montant de 17 404 euros en droits ;

- la société ne pouvait bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en application de l'article 268 du code général des impôts à raison de la cession de terrains à bâtir qu'elle avait acquis comme maisons à usage d'habitation avec terrains d'assiette, dès lors que la mise en œuvre de ce régime, dérogatoire à la règle selon laquelle la taxe est calculée sur le prix total, suppose nécessairement que le bien revendu ait une qualification juridique identique au bien acquis, sans avoir fait l'objet de transformation ;

- pour le calcul de la marge, le coût d'acquisition des lots vendus doit être déterminé à partir du coût des terrains formant l'emprise du lotissement, sans prendre en compte les parcelles cédées pour un euro symbolique à la commune pour procéder à l'élargissement de la voie publique.

Par un mémoire, enregistré le 2 mai 2019, la SARL Le Rochefort, représentée par Me Duraffourd, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'y a pas lieu d'ajouter une condition tenant à l'identité de qualification du terrain entre l'acquisition et la revente, seule la qualification de terrain à bâtir lors de la revente étant nécessaire ;

- en tout état de cause, la parcelle cadastrée section AT n°641 constituait un terrain à bâtir avant qu'elle ne l'acquière ; les autres parcelles ne pouvaient être regardées comme des immeubles bâtis ;

- la remise gratuite à l'Etat ou aux collectivités territoriales d'une fraction du terrain acquis pour la réalisation des voiries et espaces verts constitue une condition de réalisation de l'opération de lotissement et entre par conséquent nécessairement dans le coût de revient de cette opération.

Par un arrêt n° 18LY00671 du 25 juin 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la requête.

Procédure devant le Conseil d'État :

Par une décision n° 433745 du 13 octobre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé l'arrêt du 25 juin 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la cession de terrains à bâtir dans les communes de Gières et Varces-Allières-et-Risset, a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la même cour et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État :

Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2021, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement, en tant qu'il a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre des opérations réalisées dans la commune de Varces-Allières-et-Risset, ainsi que l'article 4 du jugement ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Le Rochefort les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant aux années 2012 et 2013 à raison de la cession de terrains à bâtir selon le régime de la taxation sur la marge, à hauteur des sommes de 15 440 euros et 16 585 euros et les pénalités correspondantes ;

Il soutient que :

- le litige se limite à la cession des terrains à bâtir situés dans la commune de Varces-Allières-et-Risset ;

- le terrain situé à Varces-Allières-et-Risset ne pouvait être regardé comme un terrain à bâtir à la date de l'acquisition dès lors qu'il comprenait une maison à usage d'habitation et que la division parcellaire a été opérée après l'acquisition ; l'acte d'acquisition ne comportait aucune stipulation permettant d'identifier les différentes parcelles ou de ventiler le prix d'acquisition de l'ensemble entre la quote-part correspondant aux parcelles bâties et celles correspondant aux parcelles non bâties ;

Par un mémoire non communiqué, enregistré le 9 juin 2022, la SARL Le Rochefort conclut aux même fins par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le Rochefort, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2013. Par un jugement du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé la société des rappels résultant de la remise en cause, d'une part, du régime de la marge qu'elle avait appliqué pour l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de cessions de terrains à bâtir réalisées en 2012 et 2013 dans les communes de Gières et de Varces-Allières-et-Risset (Isère) et, d'autre part, des modalités de calcul de la marge appliquée pour l'imposition des cessions de terrains à bâtir réalisées en 2010, 2111 et 2012 dans le cadre d'une opération de lotissement dans la commune de Monestier-de-Clermont (Isère). Par un arrêt du 25 juin 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics à l'encontre de ce jugement. Par une décision du 13 octobre 2021 n° 433745, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé l'arrêt du 25 juin 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la cession de terrains à bâtir dans les communes de Gières et Varces-Allières-et-Risset, a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la même cour et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Dans le dernier état de ses écritures, le ministre ne demande l'annulation du jugement qu'en tant qu'il a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la SARL Le Rochefort à raison de la cession de terrains à bâtir situés à Varces-Allières-et-Risset.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...) ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.

5. D'une part, aux termes de l'article 12 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 : " 1. Les Etats membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes : (...) / b) la livraison d'un terrain à bâtir (...). Aux fins du paragraphe 1. point b), sont considérés comme " terrains à bâtir " les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les Etats membres ". Aux termes de l'article 135 de cette directive : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (...) k) les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l'article 12, paragraphe 1, point b) (...) ".

6. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la définition de la notion de " terrain à bâtir " est limitée par la portée de la notion de " bâtiment ", définie de manière très large par le législateur de l'Union à l'article 12, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 comme incluant " toute construction incorporée au sol ". En deuxième lieu, eu égard au fait que la notion de " terrain à bâtir " englobe les terrains tant nus qu'aménagés, le critère déterminant aux fins de la distinction entre un terrain à bâtir et un terrain non bâti est celui de savoir si, au moment de la transaction, le terrain en cause est destiné à supporter un édifice. En troisième lieu, aux fins de garantir le respect du principe de neutralité fiscale, il est nécessaire que tous les terrains non bâtis destinés à supporter un édifice et, partant, destinés à être bâtis soient couverts par la définition nationale de la notion de " terrains à bâtir ".

7. En outre, une opération de livraison d'un terrain supportant, à la date de cette livraison, un bâtiment ne peut être qualifiée de livraison d'un " terrain à bâtir ", même si l'intention des parties était que le bâtiment soit totalement ou partiellement démoli ou qu'il fasse l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties, sauf à ce que les opérations de démolition et de division parcellaire puissent être regardées comme formant avec l'opération de livraison du terrain une opération unique.

8. Enfin, il incombe au juge de l'impôt de déterminer, en tenant compte des définitions législatives nationales et de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause au principal, si un terrain relève de la notion de " terrain à bâtir ".

9. D'autre part, aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " 2. Sont considérés : 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111 1 2 du code de l'urbanisme. ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 5. (Opérations immobilières) : / 1° Les livraisons de terrains qui ne sont pas des terrains à bâtir au sens du 1° du 2 du I de l'article 257 ; / (...) ".

10. Il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier acquis à Varces-Allières-et-Risset, sans que cette opération soit soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, par la SARL Le Rochefort le 23 septembre 2011 était composé d'un tènement immobilier comprenant une maison d'habitation, d'une cour, d'un jardin et d'un terrain, cadastré section AT nos 643 et 641. Contrairement à ce que soutient la SARL Le Rochefort, ce terrain était ainsi constitutif d'un terrain bâti et non d'un terrain nu ou aménagé ainsi que l'exige le b) du 1. l'article 12 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006. Si la société fait valoir que la parcelle cadastrée section AT no 641, qui était dépourvue de construction, a été revendue à l'identique comme terrain à bâtir, il résulte de l'instruction que les terrains à bâtir qu'elle a vendus le 27 avril 2012 et le 17 janvier 2013 étaient composés, pour le premier, de la parcelle, cadastrée section AT no 777, détachée à la suite d'une division parcellaire postérieure à l'acquisition par la société de la seconde parcelle, cadastrée section AT no 643, formant le tènement immobilier bâti qu'elle avait acquis, et, pour le second, de la réunion de la parcelle cadastrée section AT no 641 et de la parcelle, cadastrée section AT no 775, également détachée de la parcelle cadastrée section AT no 643. Par suite, à défaut d'identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu, l'opération de cession du terrain à bâtir issu de la division du bien, postérieurement à son acquisition par la SARL Le Rochefort, n'entrait pas dans le champ de l'article 268 du code général des impôts. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que la SARL Le Rochefort pouvait prétendre au bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à raison de la vente de deux terrains à bâtir issus de la division du terrains bâtis et qu'il a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre la période du 1er janvier 2010 au 30 avril 2013.

11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Le Rochefort devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour.

12. La SARL Le Rochefort soutient qu'en subordonnant le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à l'identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien vendu, l'article 268 du code général des impôts tel qu'interprété aux points 4 à 10 méconnaît le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, si, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, le principe de neutralité fiscale de la taxe sur la valeur ajoutée s'oppose, d'une part, à ce que des livraisons de biens semblables, qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que, d'autre part, à ce que les opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la taxe sur la valeur ajoutée, l'article 392 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 n'ouvre la possibilité d'asseoir la taxe sur la valeur ajoutée sur la différence entre le prix de vente et le prix d'achat, lorsque l'assujetti n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, que dans la seule hypothèse de la livraison d'un terrain à bâtir acquis comme tel en vue de sa revente. La différence de traitement, invoquée par la SARL Le Rochefort entre l'opérateur qui procède à la revente d'un terrain à bâtir acquis à l'identique et celui qui procède à la cession d'un terrain à bâtir après des opérations de démolition et de reconstruction et de redécoupage parcellaire résulte ainsi directement de l'article 392 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que l'article 268 a eu pour objet de transposer.

13. Contrairement à ce que soutient la SARL Le Rochefort, la seule circonstance que l'acquisition de l'ensemble immobilier en litige ne lui pas ouvert droit à la déduction de la taxe correspondante ne saurait lui garantir que la taxe ne soit appliquée que sur la seule marge lors de la revente. La société n'établit pas davantage qu'elle a subi une double imposition à raison de cette opération.

14. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la SARL Le Rochefort en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la cession de terrains à bâtir dans la commune de Varces-Allières-et-Risset, et à demander que les impositions et majorations soient remises à la charge de la société, à hauteur des sommes de 15 440 euros et 16 585 euros et des pénalités correspondantes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la SARL Le Rochefort tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

15. L'article 4 du jugement attaqué a mis une somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Toutefois, dès lors qu'il a prononcé à bon droit la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société à raison des ventes de biens situés dans la commune de Monestier-de-Clermont, le tribunal a pu considérer que l'Etat était la partie perdante dans cette instance. Il en résulte que, quand bien même le présent arrêt remet à la charge de la SARL Le Rochefort les impositions contestées, les conclusions du ministre tendant au reversement de la somme de 1 200 euros mise à la charge de l'Etat par le jugement attaqué ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la SARL Le Rochefort au titre de la période du 1erjanvier 2010 au 30 avril 2013, d'un montant de 15 440 euros et 16 585 euros, sont remis à sa charge, ainsi que les pénalités correspondantes.

Article 2 : Les articles 1er et 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 novembre 2017 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La demande présentée par la SARL Le Rochefort devant le tribunal administratif de Grenoble en tant qu'elle portait sur la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la cession de terrains sur la commune de Varces-Allières-et-Risset ainsi que ses conclusions d'appel et le surplus des conclusions du ministre sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL Le Rochefort.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2022.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M.-T. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03311
Date de la décision : 06/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-06;21ly03311 ?
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