La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2022 | FRANCE | N°21LY02027

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 juillet 2022, 21LY02027


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... B... et Mme C... D... B... née A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2008325, 2008326 du 2 avril 2021, le

tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... B... et Mme C... D... B... née A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun en ce qui le concerne, d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de la Loire a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2008325, 2008326 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2021, M. et Mme D... B..., représentés par Me Prudhon, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, et, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Loire de procéder sans délai à l'effacement de leur signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de leur conseil une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et de celles portant obligation de quitter le territoire français :

- elles méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

Sur la légalité des interdictions de retour sur le territoire français :

- elles sont entachées d'erreur de droit dès lors qu'elles ne visent pas l'alinéa 7 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est fondé à tort sur l'alinéa 6 du III de cet article ;

- les décisions sont entachées d'une erreur d'appréciation.

La préfète de la Loire a produit un mémoire, enregistré le 7 février 2022, qui n'a pas été communiqué.

Par une décision du 31 mai 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. et Mme D... B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... B..., ressortissants de République Démocratique du Congo nés respectivement le 23 novembre 1974 et le 3 novembre 1978 sont entrés en France le 30 septembre 2012 selon leurs déclarations et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Après le rejet de leurs demandes d'asile, le préfet de l'Ardèche a, par des arrêtés du 17 avril 2014 et du 22 avril 2014, refusé de les admettre au séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. A la suite du rejet de leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile, le préfet de l'Ardèche, par des arrêtés du 19 juillet 2016 et du 14 février 2017, a de nouveau refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé des interdictions de retour sur le territoire français d'une durée, respectivement, d'un an et de deux ans. Le 7 mars 2018, M. et Mme D... B... ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et sur celui de L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 2 juin 2020, le préfet de la Loire a rejeté leurs demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront êtr e reconduits d'office et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. et Mme D... B... relèvent appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, après les avoir jointes, rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. M. et Mme D... font valoir qu'ils séjournaient en France depuis huit ans à la date des décisions attaquées et se prévalent de la présence sur le territoire français de leurs deux enfants, nés respectivement le 25 juin 2005 en République Démocratique du Congo et le 5 décembre 2012 en France, qui y sont scolarisés. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. et Mme D... n'ont été admis au séjour que durant l'examen de leur demande d'asile et qu'ils se maintiennent en situation irrégulière en dépit de plusieurs mesures d'éloignement prises à leur encontre. La circonstance que Mme D... bénéficie d'une promesse d'embauche, qui lui a, au demeurant, été remise postérieurement à la date des décisions attaquées, n'est pas de nature à lui ouvrir droit au séjour. Les requérants ne font état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'ils reconstituent leur cellule familiale avec leurs deux enfants dans leur pays d'origine, dont ils ont la nationalité et où ils ont eux-mêmes vécu jusqu'à l'âge de trente-huit et trente-quatre ans respectivement. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Loire n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les arrêtés contestés ont été pris. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être accueillis. Il n'est pas davantage établi que le préfet de la Loire aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle des requérants.

4. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Les décisions litigieuses n'impliquent pas que les enfants de M. et Mme D... soient séparés de leurs parents. En outre, aucun élément du dossier ne permet d'établir que ces enfants ne pourraient être scolarisés en République Démocratique du Congo. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité des interdictions de retour sur le territoire français :

6. En premier lieu, la circonstance que les décisions attaquées comportent des visas de texte erronés, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de ces décisions.

7. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...).".

8. Il ressort des pièces du dossier que les précédentes mesures d'interdiction de retour sur le territoire français prononcées à l'encontre de M. et Mme D... étaient expirées à la date des décisions attaquées. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, aucune disposition n'imposait au préfet de la Loire de prolonger ces précédentes mesures. Enfin, il est constant que les requérants se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire qui leur était accordé. Par suite, le préfet de la Loire n'a pas commis d'erreur de droit en prononçant à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an sur le fondement du sixième aliéna du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, le préfet de la Loire, qui a relevé la durée de la présence sur le territoire français de M. et Mme D..., la présence de leurs deux enfants et la circonstance que les intéressés ont fait l'objet de deux mesures d'éloignement qu'ils n'ont pas exécutées, n'a pas inexactement appliqué le huitième aliéna du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à leur encontre une mesure d'interdiction de retour en France d'une durée d'un an, alors même qu'ils sont entrés en France en 2012 et que leurs enfants sont scolarisés.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... B..., à Mme C... F... née A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 6 juillet 2022.

La rapporteure,

A. Evrard Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02027


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02027
Date de la décision : 06/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : PRUDHON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-06;21ly02027 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award