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30/06/2022 | FRANCE | N°21LY02224

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 juin 2022, 21LY02224


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Autoroutes du Sud de la France (ASF) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 8 juin 2018 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de lui délivrer l'autorisation de licencier M. A... B... pour motif disciplinaire, la décision par laquelle la ministre du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique ainsi que la décision du 27 décembre 2018 par laquelle la même autorité a explicitement rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugem

ent n° 1802099, 1900133 du 8 juin 2021, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Autoroutes du Sud de la France (ASF) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 8 juin 2018 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de lui délivrer l'autorisation de licencier M. A... B... pour motif disciplinaire, la décision par laquelle la ministre du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique ainsi que la décision du 27 décembre 2018 par laquelle la même autorité a explicitement rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1802099, 1900133 du 8 juin 2021, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistré le 29 juin 2021 et le 3 décembre 2021, la société ASF, représentée par Me Rousselin-Jaboulay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, la décision du 8 juin 2018 de l'inspectrice du travail portant refus d'autorisation de licencier M. B... et la décision ministérielle du 27 décembre 2018 rejetant le recours hiérarchique ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'un défaut de motivation et de méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la décision du 8 juin 2018 a méconnu le principe d'impartialité de son auteur ;

- les agissements fautifs reprochés à M. B... sont établis ;

- la gravité des faits fautifs reprochés à M. B... justifie son licenciement pour motif disciplinaire.

Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Borie, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société ASF une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 25 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rousselin-Jaboulay pour la société ASF ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., recruté en 2007 par la société ASF, en qualité d'ouvrier, occupait un poste d'ouvrier qualifié sur le site de .... Il était investi des mandats de délégué du personnel, de représentant syndical à la commission diversité et égalité des chances et était candidat aux élections pour le comité d'établissement et à la désignation des délégués du personnel. En raison de son comportement à l'égard de certains de ses collègues, la société ASF a demandé l'autorisation de le licencier, demande qu'a rejetée l'inspectrice du travail, par décision du 8 juin 2018, motif pris de l'absence de matérialité des faits. Saisie d'un recours hiérarchique, la ministre du travail a confirmé ce refus, par décision du 27 décembre 2018. La société ASF relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur la décision du 8 juin 2018 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". Cette motivation doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. A ce titre, il incombe à l'inspecteur du travail, lorsqu'il est saisi d'une demande de licenciement motivée par un comportement fautif, d'exposer les faits reprochés au salarié de manière suffisamment précise et de rechercher si les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige vise les articles L. 2411-1, L. 2411-5, L. 2411-8, L. 2411-13, L. 2421-3 et R. 2421-8 du code du travail dont elle fait application, précise la nature des griefs de l'employeur et expose les raisons qui conduisent l'inspecteur du travail à ne pas tenir leur matérialité pour établie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter par les motifs du tribunal les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire et de la méconnaissance du principe d'impartialité, que la société ASF se borne à reproduire en appel.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, (...) le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles (...) Si un doute subsiste, il profite au salarié ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, le 3 février 2018, une superviseure de péage a, par courrier, alerté sa hiérarchie sur les conditions de travail des personnels affectés sur le site de ..., dénonçant des remarques désobligeantes imputées à des collègues ouvriers autoroutiers et d'atelier. Ce courrier, qui ne mentionne aucun nom, ne permet pas d'identifier M. B... comme l'auteur de tels propos, alors même qu'il fait partie de la catégorie d'agents dénoncée. Il en va de même du compte-rendu d'enquête établi le 2 mars 2018 relatant les auditions de la plaignante dont les déclarations sont insuffisamment circonstanciées, s'agissant du comportement de M. B.... S'il est également reproché à M. B... et à trois de ses collègues d'avoir fait des réflexions désobligeantes pour trois collègues masculins, ces allégations imprécises sont en outre discréditées par le climat général de tension imprégnant les relations entre les différentes catégories du personnel. Ainsi, il subsiste un doute sur l'exactitude matérielle des griefs reprochés à M. B..., lequel doit, en application des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail, lui profiter.

7. En l'absence de matérialité des faits reprochés, le moyen tiré de ce que la gravité des faits fautifs reprochés à M. B... justifie son licenciement pour motif disciplinaire doit être écarté comme inopérant.

Sur la décision du 27 décembre 2018 :

8. La décision de l'inspectrice du travail portant refus d'autorisation de licenciement n'étant pas, ainsi qu'il a été dit, entachée d'illégalité, la ministre du travail était tenue de rejeter le recours hiérarchique de la société ASF.

9. Il résulte de ce qui précède que la société ASF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes d'annulation des décisions des 8 juin 2018 et 27 décembre 2018. Les conclusions de sa requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les conclusions présentées contre l'État par la société ASF, partie perdante, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées contre la société ASF par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Autoroutes du Sud de la France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Autoroutes du Sud de la France, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY02224 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02224
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : ALCYACONSEIL SOCIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-30;21ly02224 ?
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