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29/06/2022 | FRANCE | N°21LY00938

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 juin 2022, 21LY00938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, Mme B... A..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 février 2021 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par une seconde demande, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le pré

fet de la Drôme l'a assignée à résidence sur la commune de Valence pour une durée de quara...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première demande, Mme B... A..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 février 2021 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par une seconde demande, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 par lequel le préfet de la Drôme l'a assignée à résidence sur la commune de Valence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2101508 - 2101625 du 18 mars 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 4 février 2021, sauf en ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour et les conclusions à fin d'injonction qui en sont l'accessoire, réservées jusqu'à ce qu'il y soit statué en formation collégiale, a annulé l'arrêté du 25 février 2021, a enjoint au préfet de la Drôme de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme A... dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 900 euros à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2021, le préfet de la Drôme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 mars 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour, puisque l'intéressée ne relevait pas des catégories d'étrangers bénéficiaires de plein droit d'un titre de séjour ;

- Mme A... a été régulièrement convoquée devant la commission de titre de séjour mais ne s'y est pas présentée ;

- les moyens de première instance sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Aboudahab, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission du titre de séjour devait se prononcer compte tenu de la durée de sa présence en France ;

- le préfet ne justifie pas de la régularité de sa convocation devant cette commission ;

- le refus d'une nouvelle convocation devant ladite commission est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le procès-verbal de la commission n'est pas versé aux débats et ne permet pas de vérifier le respect des règles de quorum, si la commission a été munie de son entier dossier et si les dispositions de l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été respectées ;

- l'avis de la commission n'est pas suffisamment motivé et est entaché d'erreur de droit ;

- elle renvoie à l'ensemble des moyens d'illégalité qu'elle a soulevés devant les premiers juges ;

- l'arrêté du 4 février 2021 viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Drôme relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 4 février 2021, en ce qu'il oblige Mme A..., ressortissante marocaine, née en 1966, à quitter le territoire français et fixe le pays de destination de cette mesure d'éloignement, ainsi que son arrêté du 25 février 2021 l'assignant à résidence.

2. Pour annuler, par voie d'exception d'illégalité du refus de titre de séjour, l'arrêté du 4 février 2021 en ce qu'il oblige Mme A... à quitter le territoire français, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a retenu, que, n'ayant pas été régulièrement convoquée devant la commission du titre de séjour, qui s'est réunie sans l'avoir entendue, Mme A... a été privée d'une garantie substantielle.

3. D'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

4. Comme l'a relevé le jugement en litige, dès lors que Mme A... résidait habituellement depuis plus de dix ans sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué, le préfet de la Drôme était tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour en application des dispositions précitées, quand bien même comme il le soutient, l'intéressée ne remplirait pas les conditions requises pour la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

5. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, un avis du prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré. / Au moment du retrait par le destinataire de l'envoi mis en instance, l'employé consigne sur la preuve de distribution les informations suivantes : (...) - la date de présentation ; - la date de distribution (...) ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " A la demande de l'expéditeur (...), le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : (...) - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ; - la date de distribution (...) ".

6. Il incombe à l'administration d'établir que l'intéressé a été régulièrement convoqué devant la commission du titre de séjour et, lorsque le pli contenant cette convocation a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

7. Le préfet de la Drôme a produit devant la cour une copie du pli postal contenant le courrier de convocation daté du 21 décembre 2020, de Mme A... devant la commission du titre de séjour. Si la case " Pli avisé et non réclamé " d'une étiquette autocollante, apposée sur l'avis de réception, est cochée à la main, la mention " Présenté le/ Avisé le " n'est pas renseignée. Les mentions figurant sur l'accusé de réception produit par l'administration sont insuffisamment claires et concordantes pour justifier de la régularité de la notification du pli, dès lors qu'en particulier, comme l'oppose Mme A..., aucune date de présentation n'est lisible, ce qui ne permet pas de démontrer que le pli a bien été présenté à son domicile et qu'elle a bien été avisée de sa mise en instance.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 4 février 2021 en ce qu'il oblige Mme A... à quitter le territoire français et fixe le pays de destination ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 25 février 2021 l'assignant à résidence sur la commune de Valence pour une durée de quarante-cinq jours.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que Mme A... a exposés.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Drôme est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A..., épouse C....

Copie en sera adressée à la préfète de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00938
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-29;21ly00938 ?
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