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29/06/2022 | FRANCE | N°20LY00478

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 juin 2022, 20LY00478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 juillet 2018 par laquelle son recours gracieux contre sa notation au titre de l'année 2017 a été rejeté, d'ordonner à la directrice du centre hospitalier Léopold Ollier de l'affecter à un poste d'aide médico-psychologique (AMP) avec effet au 1er mars 2017, de condamner le centre hospitalier Léopold Ollier à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé selon elle par la discrimination opérée à

son encontre, et de mettre une somme de 2 500 euros à la charge du centre hospi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 juillet 2018 par laquelle son recours gracieux contre sa notation au titre de l'année 2017 a été rejeté, d'ordonner à la directrice du centre hospitalier Léopold Ollier de l'affecter à un poste d'aide médico-psychologique (AMP) avec effet au 1er mars 2017, de condamner le centre hospitalier Léopold Ollier à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé selon elle par la discrimination opérée à son encontre, et de mettre une somme de 2 500 euros à la charge du centre hospitalier Léopold Ollier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1806289 du 11 décembre 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 février 2020 et 4 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me Demoly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2018 ;

3°) de condamner le centre hospitalier Léopold Ollier à lui verser les sommes de 6 733,80 euros au titre du rappel de traitement du 1er mars 2017 au 30 novembre 2018 et 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge du centre hospitalier Léopold Ollier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contentieux a été lié sur ses prétentions indemnitaires ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a considéré que la décision d'affectation tardive au poste d'AMP, intervenue le 1er décembre 2018, n'était pas contestée ; il y a lieu d'enjoindre cette affectation avec effet au 1er mars 2017 avec les conséquences financières afférentes, soit un différentiel de traitement, sur la période de 20 mois du 1er mars 2017 au 30 novembre 2018, de 6 733,80 euros ;

- elle est victime de discriminations.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juillet 2020 et 26 janvier 2021, le centre hospitalier des Cévennes ardéchoises, représenté par Me Clément, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision la nommant au poste d'AMP avec effet au 1er décembre 2018, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

- les conclusions à fin d'injonction, présentées à titre principal, sont irrecevables ;

- le contentieux n'est pas lié dès lors que le courrier du 30 avril 2019 ne constitue pas une demande indemnitaire préalable ;

- les moyens soulevés sont infondés.

Par ordonnance du 5 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Delpiano pour le centre hospitalier des Cévennes ardéchoises.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... occupe depuis 2008 un emploi d'agent des services hospitaliers (ASH) au centre hospitalier Léopold Ollier, devenu centre hospitalier des Cévennes ardéchoises. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 5 décembre 2014 en raison d'une pathologie rachidienne dont l'imputabilité au service a été reconnue en janvier 2016. A compter du 1er mars 2017, elle a été réintégrée à temps partiel thérapeutique sur un poste comprenant des tâches sans manutention, dans l'attente d'un reclassement compte tenu de son inaptitude à exercer des fonctions d'agent des services hospitaliers (ASH) selon l'expertise médicale d'un médecin rhumatologue. Ayant obtenu en 2014 le diplôme d'aide-médico-psychologique (AMP) et souhaitant néanmoins obtenir un poste d'aide-soignante, Mme A... a sollicité une nouvelle expertise médicale et l'avis du comité médical départemental sur les modalités de sa réintégration à l'issue de sa période de travail à temps partiel thérapeutique accordé jusqu'au 31 août 2017. En février 2018, elle a également demandé la révision de sa note et de ses appréciations pour l'année 2017 et elle a présenté sa candidature pour un poste d'aide-soignante et un poste d'accueil de jour à 80 %, postes qu'elle n'a pas obtenus. Ayant été maintenue sur un poste d'ASH dans l'attente des résultats d'une contre-expertise sollicitée par son employeur et s'estimant victime de discriminations, Mme A..., par un courrier du 3 mai 2018 réitéré le 20 juillet 2018, a sollicité son affectation sur " un poste et une rémunération conformes à ses compétences avec effet rétroactif à la date de reprise de son emploi après l'arrêt de travail ". Par un jugement du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 10 juillet 2018 par laquelle son recours gracieux contre sa notation au titre de l'année 2017 a été rejeté, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné à la directrice du centre hospitalier de l'affecter à un poste d'AMP avec effet au 1er mars 2017, enfin, à ce que le centre hospitalier soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par la discrimination opérée à son encontre.

2. Mme A..., bien qu'elle présente formellement des conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 juillet 2018, ne conteste pas le rejet par le tribunal de ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 juillet 2018. Elle doit être regardée comme relevant appel du jugement du 11 décembre 2019 en tant seulement qu'il a rejeté les autres conclusions de sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier des Cévennes ardéchoises :

3. En cours d'instance devant le tribunal administratif, Mme A... a été nommée stagiaire dans le grade d'AMP avec effet au 1er décembre 2018, par une décision du même jour. Contrairement à ce qu'oppose le centre hospitalier des Cévennes ardéchoises, elle n'a nullement présenté, devant la cour, de conclusions tendant à l'annulation de cette décision. La fin de non-recevoir opposée au motif qu'elle présenterait ainsi des conclusions nouvelles en appel et par suite, irrecevables, ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement :

4. Si Mme A... a critiqué devant les premiers juges la décision la nommant au poste d'AMP, en tant qu'elle ne prend effet qu'au 1er décembre 2018 à l'appui de ses conclusions indemnitaires, elle n'a pas davantage présenté de conclusions à fin d'annulation de cette décision en première instance. Dès lors que devant le tribunal administratif, l'intéressée, sans formuler aucune conclusion à fin d'annulation autre que celles dirigées contre le refus de réviser sa notation, demandait d'ordonner à la directrice du centre hospitalier de l'affecter sur un poste d'AMP avec effet à compter du 1er mars 2017, c'est à bon droit que les premiers juges ont opposé l'irrecevabilité de telles conclusions à fin d'injonction, présentées à titre principal.

5. En revanche, les termes du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l'existence d'une décision de l'administration s'apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l'intervention d'une telle décision en cours d'instance régularise la requête, sans qu'il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l'administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l'absence de décision.

6. Il résulte de l'instruction que Mme A... a présenté, en cours d'instance devant le tribunal, par un courrier recommandé reçu le 2 mai 2019 par le centre hospitalier, une demande tendant à être indemnisée, d'une part, des conséquences financières résultant du retard fautif de son employeur à la nommer en qualité de stagiaire dans le grade d'AMP, d'autre part, du préjudice subi du fait de la discrimination dont elle estime avoir été victime. Le silence gardé par le centre hospitalier sur cette réclamation a eu pour effet de faire naître une décision implicite de rejet qui a lié le contentieux indemnitaire à l'égard de l'intéressée pour l'ensemble des dommages causés par les faits générateurs qui y étaient invoqués, de sorte que les premiers juges, en faisant droit à la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, tirée du défaut de liaison du contentieux, ont entaché leur jugement d'une irrégularité comme le soutient la requérante.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions indemnitaires de Mme A....

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires :

8. Mme A... demande, en premier lieu, la condamnation du centre hospitalier à lui verser, la somme de 6 733,80 euros au titre du préjudice financier correspondant au différentiel de traitement qu'elle aurait perçu si elle avait été nommée dès le 1er mars 2017 dans le grade d'AMP.

9. Toutefois, d'une part, Mme A... n'avait pas de droit à cette nomination, d'autre part, à la date du 1er mars 2017, elle était déclarée inapte au métier d'ASH et réintégrée à temps partiel thérapeutique dans l'attente d'un reclassement professionnel. A cette date, son aptitude à exercer les fonctions d'AMP n'était pas établie comme l'oppose le défendeur. Si le comité médical départemental a émis, le 26 juillet 2017, un avis favorable à l'exercice par l'intéressée des fonctions d'aide-soignante, en décidant de la maintenir à son poste d'ASH, désormais exercé à temps plein, dans l'attente des résultats d'une contre-expertise, dont la requérante ne démontre pas le caractère dilatoire, son employeur n'a commis aucune faute. Enfin, si les conclusions de l'expertise médicale du 2 mars 2018 et le nouvel avis du comité médical départemental du 18 avril 2018 ont confirmé que Mme A... était apte à un stage en vue d'une titularisation comme AMP à temps plein, le centre hospitalier des Cévennes ardéchoises a informé la requérante qu'elle était inscrite sur la liste complémentaire du concours d'aide-soignante en juin 2018 et l'a effectivement affectée sur un poste d'AMP à compter du 1er décembre 2018. La requérante n'est donc, en tout état de cause, pas fondée à invoquer un retard fautif de son employeur à la nommer en qualité de stagiaire dans le grade d'AMP.

10. Mme A... sollicite, en second lieu, une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice causé par la discrimination qu'elle prétend avoir subie.

11. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure ou une pratique a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

12. Pour soutenir qu'elle ferait l'objet d'une discrimination, Mme A... indique que depuis sa réussite à l'examen pour l'obtention du diplôme d'AMP, elle n'a bénéficié d'aucune évolution professionnelle, alors que les deux collègues qui ont participé à la même formation ont évolué à des postes d'AMP depuis 2015, que son employeur l'a maintenue sur un poste en deçà de ses compétences professionnelles et au " pôle remplacements ", qu'il a abusivement fait obstacle à la reprise de son emploi à temps complet, que sa notation administrative pour l'année 2017 a été gelée, que ses demandes d'affectations et ses demandes de formation ont également été rejetées.

13. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier de ce qui été dit au point 9, que le maintien de Mme A... sur un poste d'ASH et son absence de titularisation comme AMP avant le 1er décembre 2018 se justifient par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Comme l'oppose le défendeur, Mme A... a bénéficié de plusieurs formations inscrites au plan de formation de l'établissement en 2017, 2018 et 2019. Les refus de formations opposés à l'intéressée, soit qu'elles ne correspondent pas à son grade, soit que les limites financières de l'établissement aient été atteintes, se justifient au regard de l'intérêt du service. Enfin, la révision de la notation administrative de Mme A... a fait l'objet d'un avis défavorable de la CAP et le maintien de sa note pour l'année 2017 s'explique par la circonstance que l'intéressée n'a pas pu travailler en 2016.

14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de Mme A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge du centre hospitalier des Cévennes ardéchoises, qui n'est pas partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par ce dernier.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 décembre 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté pour irrecevabilité les conclusions indemnitaires de la demande de Mme A....

Article 2 : Les conclusions indemnitaires de la demande de Mme A... et le surplus des conclusions des parties en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier des Cévennes ardéchoises.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.

La rapporteure,

Bénédicte LordonnéLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet de l'Ardèche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00478
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-06-01 Fonctionnaires et agents publics. - Notation et avancement. - Notation.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DEMOLY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-29;20ly00478 ?
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