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28/06/2022 | FRANCE | N°22LY00156

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 28 juin 2022, 22LY00156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Défense de la qualité de vie au Vorgey, M. D... E..., Mme G... K..., Mme J... C..., Mme H... F..., Madame H... A... et M. I... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel la préfète de l'Ain a délivré à la société Gaz Vert Ambronay un permis de construire une unité de méthanisation agricole sur un terrain situé sur le territoire de la commune d'Ambronay.

Par une ordonnance n° 2105244 du 17 novembre 2021, le président de la

première chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande comme irrecev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Défense de la qualité de vie au Vorgey, M. D... E..., Mme G... K..., Mme J... C..., Mme H... F..., Madame H... A... et M. I... B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel la préfète de l'Ain a délivré à la société Gaz Vert Ambronay un permis de construire une unité de méthanisation agricole sur un terrain situé sur le territoire de la commune d'Ambronay.

Par une ordonnance n° 2105244 du 17 novembre 2021, le président de la première chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2022, l'association Défense de la qualité de vie au Vorgey, M. D... E..., Mme G... K..., Mme J... C..., Mme H... F..., Madame H... A... et M. I... B..., représentés par Me Lussiana, demandent à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 17 novembre 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 février 2021 ;

3°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de retirer cet arrêté du 11 février 2021 ;

4°) de mettre à la charge de la société Gaz vert Ambronay la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance est irrégulière, les dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ne s'appliquant qu'en cas d'irrecevabilité manifeste, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- l'affichage du permis de construire sur le terrain n'a pas été continu pendant une période de deux mois, de sorte qu'aucune tardiveté ne pouvait être opposée à leur demande ; par ailleurs, les mentions portées sur le panneau d'affichage étaient incomplètes, au regard des dispositions de l'article A. 421-16 du code de l'urbanisme, ne précisant pas la surface de plancher du dossier et mentionnant une hauteur erronée, de sorte que les tiers n'ont pas disposé d'une information suffisante sur la consistance et l'importance du projet ;

- le dossier de demande est entaché de contradictions sur la consistance du terrain d'assiette du projet ; le permis a de ce fait été obtenu par fraude ;

- la demande n'a pas été déposée par une personne ayant qualité pour le faire, de sorte que l'autorisation a été obtenue par fraude ;

- les réserves émises par l'inspecteur de l'environnement n'ont pas été prises en compte ;

- le dossier de demande ne comporte pas d'étude d'impact, en méconnaissance du a) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de demande ne comporte pas l'étude préalable requise en raison du risque inondation, en méconnaissance du f) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ;

- l'architecte des bâtiments de France a rendu son avis sur la base d'un dossier incomplet ;

- le projet n'étant pas nécessaire à l'exploitation agricole, le permis méconnaît les dispositions du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme (PLU) ;

- le permis méconnaît les dispositions du règlement de la zone A du PLU relatives au traitement des eaux pluviales ;

- le permis méconnaît l'article A 3 du règlement du PLU ;

- le permis méconnaît l'article A 10 du règlement du PLU ;

- le permis méconnaît les orientations du projet d'aménagement et de développement durable ;

- le permis méconnaît les prescriptions du plan de prévention des risques inondation ;

- le permis méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, s'agissant des nuisances olfactives pour les riverains, des risques de pollution, du risque incendie ;

- le permis méconnaît l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et l'article A 11 du règlement du PLU ;

- le permis, qui autorise un projet susceptible d'affecter la conservation d'espèces protégées, a été délivré en méconnaissance de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;

- le projet devait être précédé d'une étude d'impact au cas par cas ;

- le permis méconnaît l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ;

- le permis méconnaît les arrêtés du 17 juin 2021 applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2022, la société Gaz vert Ambronay, représentée par la Selas Fidal, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande comme tardive et, par suite, irrecevable ;

- la demande de première instance est irrecevable, en l'absence d'intérêt pour agir des requérants ;

- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 22 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Lussiana pour l'association Défense de la qualité de vie au Vorgey et autres et de Me Amblard pour la société Gaz vert Ambronay ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 11 février 2021, la préfète de l'Ain a délivré à la société Gaz Vert Ambronay un permis de construire une unité de méthanisation agricole sur un terrain situé sur le territoire de la commune d'Ambronay. L'association Défense de la qualité de vie au Vorgey et autres requérants relèvent appel de l'ordonnance en date du 17 novembre 2021 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté comme tardive leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le délai de recours contre une décision administrative est de deux mois. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. / (...) ". L'article A. 424-16 du même code prévoit que : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté./ Il indique également, en fonction de la nature du projet : a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; b) Si le projet porte sur un lotissement, le nombre maximum de lots prévus ; c) Si le projet porte sur un terrain de camping ou un parc résidentiel de loisirs, le nombre total d'emplacements et, s'il y a lieu, le nombre d'emplacements réservés à des habitations légères de loisirs ; d) Si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir. "

3. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, les dispositions citées au point précédent ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet. Le délai de recours ne commence à courir qu'à la date d'un affichage complet, régulier et continu.

4. Il ressort d'une part des pièces du dossier que le panneau d'affichage du permis de construire ne précisait pas la surface de plancher autorisée et mentionnait, s'agissant de la hauteur des bâtiments projetés, une hauteur de huit mètres, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la cuve de stockage doit atteindre une hauteur de 13,80 mètres, tandis que les deux digesteurs doivent dépasser une hauteur de dix mètres par rapport au sol naturel. Compte tenu de ces insuffisances et inexactitudes, qui n'étaient pas compensées en l'espèce par d'autres indications figurant sur le panneau d'affichage, ces mentions n'ont pas permis aux tiers d'apprécier l'importance et la consistance du projet. Cette circonstance fait obstacle à ce que les délais de recours contentieux aient couru et, par suite, à ce qu'une tardiveté puisse être opposée à la demande.

5. D'autre part, la préfète de l'Ain a produit deux procès-verbaux de constat d'huissier du 18 février 2021 et du 23 avril 2021 attestant qu'à ces dates un panneau d'affichage était présent sur le terrain d'assiette du projet et comprenait des mentions lisibles depuis la voie publique. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de la capture d'écran d'une application informatique produite par les requérants, qu'en mars 2021, à la date du passage du véhicule enregistrant ces images, le panneau d'affichage du permis était retourné et n'était plus lisible depuis la voie publique. La société pétitionnaire ne conteste pas ce constat, qui n'a pas été établi à la demande des requérants, et n'apporte aucune explication ni aucune précision sur la date à laquelle le panneau a été remis dans l'autre sens. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier qu'une telle situation a été constatée également le 3 juin 2021, ainsi qu'en atteste le constat d'huissier produit par les requérants, et que de nombreuses personnes ont témoigné d'une absence d'affichage continu sur le terrain d'assiette du projet. Dans ces conditions, et sans qu'ait d'incidence la circonstance alléguée que le panneau ait pu être retourné par des tiers, la société pétitionnaire ne justifie pas d'un affichage continu du permis de construire sur le terrain d'assiette du projet.

6. En l'absence d'affichage régulier et continu du permis de construire sur le terrain d'assiette du projet, la demande présentée par l'association Défense de la qualité de vie au Vorgey, enregistrée le 2 juillet 2021 au greffe du tribunal administratif de Lyon n'était pas tardive. Par suite, l'ordonnance du 17 novembre 2021 du président de la première chambre du tribunal administratif de Lyon rejetant pour ce motif la demande comme irrecevable est entachée d'irrégularité. Les requérants sont fondés, par suite, à en demander l'annulation.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon afin qu'il statue sur la demande de l'association Défense de la qualité de vie au Vorgey et autres.

Sur les frais d'instance :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des requérants tendant à la mise à la charge de la société Gaz Vert Ambronay des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société Gaz Vert Ambronay au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2105244 du 17 novembre 2021 du président de la première chambre du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : La demande de l'association Défense de la qualité de vie au Vorgey et autres est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Défense de la qualité de vie au Vorgey, pour les requérants, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société gaz vert Ambronay.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Danièle Déal, présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022.

Le rapporteur,

Thierry BesseLa présidente,

Danièle Déal

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00156
Date de la décision : 28/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-06-01-03-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Introduction de l'instance. - Délais de recours. - Point de départ du délai.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LUSSIANA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-28;22ly00156 ?
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