Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 mars 2021 par lequel le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2102096 du 7 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 octobre 2021, et des mémoires en réplique enregistrés les 19 janvier 2022 et 11 mars 2022, M. A... B..., représenté par Me Diarra, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2021 ;
2°) d'annuler ces décisions en date du 17 mars 2021 ;
3°) de faire injonction au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour mention salarié dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande après lui avoir délivré, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, ayant été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ; il n'a en effet pu avoir connaissance du mémoire en défense de la préfecture que quelques minutes avant l'audience ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise sans réel examen de sa situation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son doit à être entendu, reconnu par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 25 avril 2022, qui n'a pas été communiqué, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 22 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né en 1994, est entré en France en 2018. Il a déposé le 3 juillet 2019 une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 avril 2020 puis la Cour nationale du droit d'asile le 10 mars 2021. Par arrêté du 17 mars 2021, le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 7 mai 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 776-26 du code de justice administrative, applicable à la demande de M. B... en application des dispositions de l'article R. 776-13-2 du même code : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. "
3. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense du préfet de la Drôme, enregistré le 3 mai 2021, n'a été communiqué au conseil de M. B... que le 4 mai 2021, quelques minutes avant l'audience qui s'est tenue à 8 h 50. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce mémoire est parvenu avant la clôture de l'instruction, qui intervient après que les parties ont formulé leurs observations orales. Compte tenu de la teneur de ce mémoire en défense, qui se bornait à répondre aux moyens de la demande sans faire état d'éléments nouveaux, du fait que le conseil du requérant a pu en prendre connaissance avant l'audience, et du délai qui lui a été laissé pour présenter des observations après l'audience, ce qu'il a pu faire, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui communiquant ces éléments peu avant le début de l'audience et en ne reportant pas celle-ci, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 mars 2021 :
4. En premier lieu, M. B... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux ses moyens selon lesquels la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation personnelle. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
5. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".
6. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
8. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait été, à un moment de la procédure, informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mis à même de présenter des observations. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé disposait d'éléments pertinents qu'il aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, s'ils avaient été communiqués à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen doit être écarté.
10. En troisième lieu, le requérant, qui est entré en France en 2018, fait valoir qu'il est investi dans le domaine associatif et qu'il s'est vu proposer un contrat à durée indéterminée. S'il soutient être le père d'un enfant né en France en 2017, avant son arrivée sur le territoire national, il ressort de l'acte de naissance de cet enfant que ce dernier a été reconnu en septembre 2017 par un autre père, sans que M. B..., qui ne vit pas avec cet enfant, ne justifie avoir entrepris une procédure judiciaire pour faire valoir ses droits. Dans ces conditions, compte tenu du caractère récent du séjour en France de l'intéressé, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales au Mali, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas, non plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022.
Le rapporteur,
Thierry Besse
La présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03341