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23/06/2022 | FRANCE | N°21LY01574

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 23 juin 2022, 21LY01574


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association ... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 20 octobre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail en charge de la 3ème section de l'unité de contrôle du département de la Côte-d'Or a implicitement refusé de l'autoriser à mettre fin au contrat de travail à durée déterminée d'insertion de M. B... A... pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1903559 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 20 octobre 2019 de l'ins

pecteur du travail et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande présentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association ... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 20 octobre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail en charge de la 3ème section de l'unité de contrôle du département de la Côte-d'Or a implicitement refusé de l'autoriser à mettre fin au contrat de travail à durée déterminée d'insertion de M. B... A... pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1903559 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 20 octobre 2019 de l'inspecteur du travail et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande présentée par la SDAT.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2021, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1903559 du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter la demande de la SDAT devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la SDAT la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il a contesté fermement le rapport d'enquête et a toujours nié les accusations portées à son encontre ;

- la procédure suivie à l'occasion de la demande d'autorisation de licenciement est entachée d'une irrégularité à raison d'une convocation des membres du comité social et économique par une personne n'ayant pas qualité pour le faire, de sorte que la demande d'autorisation devait être rejetée ;

- les faits reprochés étaient prescrits lorsque la procédure de licenciement a été engagée ; la plainte déposée par un salarié, qui n'a pas eu pour effet de déclencher l'action publique, n'a pu interrompre le délai de prescription au regard des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

- les propos qui lui ont été reprochés, qu'il conteste, l'ont été en sa qualité d'élu, de sorte que les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail faisaient obstacle à une sanction ;

- les faits reprochés ne sont pas fautifs.

Par un mémoire, enregistré le 26 juillet 2021 présenté pour la SDAT, elle conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint à l'inspection du travail de faire droit à sa demande d'autorisation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement d'enjoindre à l'inspection du travail de prendre une nouvelle décision dans ce même délai ;

- à la mise à la charge de l'État de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend ses moyens de première instance et soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).

Par une ordonnance du 17 janvier 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 25 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association ...), qui a pour objet l'insertion des personnes en exclusion, en leur offrant des moyens d'accueil, d'hébergement et d'aide à l'insertion professionnelle par le travail, a embauché M. A... le 1er avril 2017 en qualité d'agent polyvalent à l'atelier de sous-traitance du site de Dijon dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'insertion (CDDI). M. A..., dont le contrat a ensuite été prolongé, était titulaire du mandat de membre du comité social et économique. Par une lettre du 16 août 2019, la SDAT, reprochant à M. A... des faits de dénigrement et la dénonciation non fondée du comportement d'un autre salarié qui aurait été caractérisé, selon lui, par une attitude déplacée et des attouchements sexuels, a saisi l'administration du travail afin d'être autorisée à procéder à la rupture anticipée du CDDI de ce salarié, pour un motif disciplinaire. Cette demande d'autorisation a été rejetée implicitement par une décision de l'inspectrice du travail en charge de la 3ème section du département de la Côte-d'Or née le 20 octobre 2019. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision implicite de rejet de la demande d'autorisation de mettre fin à son contrat de travail.

2. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, comme l'ont relevé les premiers juges, les faits dénoncés par M. A... au directeur général de la SDAT, à l'issue du CSE du 12 mars 2019, visant un responsable logistique qui aurait fait preuve d'une " attitude déplacée et inadéquate " et d'" attouchements " à l'égard du personnel féminin en contrat d'insertion affecté au service de " vêtementerie ", se sont avérés non fondés au terme du rapport d'enquête rédigé par des membres du CSSCT, faisant apparaître, en outre, que M. A... avait, d'une part, déformé les dires d'une autre salariée affectée au service de " vêtementerie " et, d'autre part, fait pression sur une ancienne salariée en insertion de la SDAT en vue d'obtenir un témoignage à charge à l'encontre du responsable visé par ses dénonciations, et que ces dénonciations, dont M. A... avait indiqué à l'inspectrice du travail avoir eu conscience des conséquences très lourdes, avaient conduit le salarié ainsi dénoncé à déposer une plainte eu égard aux effets sur sa réputation professionnelle et personnelle. Dans ces conditions, ce motif de rejet de la demande d'autorisation présentée par la SDAT, révélé par les écritures en défense de l'administration du travail en première instance, tiré d'une gravité insuffisante des faits reprochés à M. A..., dont la matérialité et le caractère fautifs étaient toutefois établis, selon ses mêmes écritures, ce que M. A... ne peut, par suite, contester dès lors qu'il ne peut demander sur ce point une substitution de motif qui ne peut l'être que par l'auteur de la décision en litige, n'était pas fondé.

3. Toutefois, d'autre part, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ".

4. Il résulte de ces dispositions que ce délai commence à courir lorsque l'employeur a une pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié protégé. Il en résulte également que, lorsque le fait fautif pour lequel le délai a ainsi commencé de courir donne lieu, avant l'expiration de ce dernier, à l'exercice de poursuites pénales, l'engagement de poursuites disciplinaires cesse d'être soumis à la condition de délai prévue par ces dispositions. Toutefois, le dépôt d'une plainte n'a pas, par lui-même, pour effet de provoquer l'exercice de poursuites pénales à l'encontre du salarié. Dès lors c'est à tort que les premiers juges, après avoir constaté que le rapport rédigé par des membres du CSSCT mentionné au point 2 avait été transmis à l'employeur le 10 mai 2019, se sont fondés, pour censurer le second motif de la décision en litige, révélé également par les écritures en défense de l'administration du travail de première instance, tiré de la prescription des faits reprochés à M. A... au regard des dispositions précitées de l'article L. 1332-4 du code du travail, sur le motif tiré de ce que le dépôt, par le salarié visé par les accusations de M. A..., d'une plainte auprès des services de police, le 29 mai 2019, au sujet des dénonciations de M. A..., avait interrompu le délai de prescription de deux mois défini à l'article L. 1332-4 du code du travail, qui avait couru à compter de la remise du rapport du CSSCT, le 10 mai 2019, date à laquelle l'employeur avait eu une pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés et de ce que, par suite, le délai de prescription fixé par cet article n'était pas expiré à la date de convocation de M. A... à un entretien préalable, le 19 juillet 2019.

5. Il résulte de ce qui précède que, alors que l'inspectrice du travail de la Côte-d'Or était tenue, compte tenu de la prescription des faits reprochés à M. A..., de refuser d'autoriser la SDAT à mettre fin au contrat de travail à durée déterminée d'insertion de ce dernier pour motif disciplinaire, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'illégalité de ce motif pour annuler la décision en litige.

6. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SDAT tant devant le tribunal administratif de Dijon qu'en appel, tiré de ce que l'administration du travail aurait méconnu l'obligation de motivation qui s'imposait à elle, qui doit toutefois être écarté comme inopérant dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, l'administration était tenue, eu égard à la prescription des faits reprochés à M. A..., de refuser d'autoriser la SDAT à mettre fin au contrat de travail à durée déterminée d'insertion de ce dernier pour motif disciplinaire.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 20 octobre 2019 de l'inspecteur du travail et a enjoint à l'administration du travail de procéder au réexamen de la demande présentée par la SDAT.

8. D'une part, M. A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par une décision du 17 décembre 2021. D'autre part, l'avocat de M. A... n'a pas demandé le versement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'une somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font également obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SDAT.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903559 du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SDAT devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions d'appel tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la requête de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'association ...) et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY01574

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01574
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : LEGI CONSEILS BOURGOGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-23;21ly01574 ?
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