Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
- d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2020 par lequel le préfet du Cantal l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour d'une durée d'un an ;
- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2001096 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2021, et un mémoire, enregistré le 16 mai 2022 (ce dernier non communiqué), présentés pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2001096 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 31 décembre 2020 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Cantal, dans le délai de huit jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; c'est à tort que le préfet a estimé qu'il n'apportait pas la preuve de son identité, dès lors qu'il a produit un passeport authentifié par les services de la police aux frontières, et qu'il produit en appel un extrait d'acte de naissance légalisé, un jugement supplétif d'acte de naissance légalisé, un acte de signification de jugement et un certificat de non appel est illégale par voie de conséquence ; elle méconnaît les dispositions du 2° bis et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles L. 313-14, L. 315-10 et L. 313-15 du même code ;
- le refus d'un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du e) et f) de l'article L. 511-1 II 3ème alinéa, dès lors qu'il a produit un passeport authentique ;
- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée.
Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2021, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., se présentant comme ressortissant congolais né le 8 juin 1998 à Kinshasa (République démocratique du Congo), déclare être entré en France irrégulièrement le 16 janvier 2014. Par des décisions du 23 janvier 2014 le préfet du Puy-de-Dôme l'avait obligé à quitter le territoire français et avait fixé le pays de sa destination et la demande d'annulation de ces décisions présentées alors par M. A... a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 juin 2014 puis par un arrêt de la cour du 21 juillet 2015. Par un jugement du 24 janvier 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé une décision du 8 octobre 2016 par laquelle le préfet du Cantal avait implicitement rejeté sa demande de titre de séjour et enjoint audit préfet de réexaminer sa situation, et une carte de séjour temporaire a été délivrée à M. A..., valable du 26 juin 2019 au 24 mars 2020. Par un arrêté du 1er juillet 2020 le préfet du Cantal l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retour d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré d'une insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français en litige, doit être écarté par les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 311-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...). "
4. Les dispositions alors codifiées à l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyaient, en leur premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Pour refuser d'autoriser le maintien en France de M. A... et l'obliger à quitter le territoire français, le préfet du Cantal s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait pas apporté d'indications suffisamment probantes de son état-civil pour l'application des dispositions précitées de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après avoir constaté, d'une part, que, si l'intéressé, lors du dépôt de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, avait présenté initialement un acte de naissance, une copie intégrale d'acte de naissance et un jugement supplétif d'acte de naissance, les services de la fraude documentaire de la police aux frontières avaient constaté des anomalies les ayant conduits à qualifier respectivement ces documents de " document volé vierge dont l'usage a été détourné ", de " faux document volé vierge " et d'" acte douteux incomplet " et, d'autre part, que la consultation du fichier Visabio, prévue par les dispositions alors codifiées à l'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avait permis de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait sollicité et obtenu un visa, délivré par les autorités consulaires françaises en Angola, sous une identité différente, comportant un autre nom, une autre nationalité (Angola) et une date de naissance au 8 juin 1994, le préfet ayant relevé que M. A... avait reconnu lors d'une audition par les services de police s'être fait établir un passeport congolais sur la base des documents d'état civil frauduleux présentés.
6. Dans ces conditions, quand bien même les services de la police de l'air et des frontières avaient émis, le 11 juin 2018, un avis favorable à l'authenticité du passeport alors présenté par M. A..., alors d'ailleurs que le service de sécurité intérieure de la République démocratique du Congo, sollicité par la préfecture, n'avait pu authentifier ce document et avait alerté les autorités préfectorales sur la possibilité d'obtenir dans ce pays des actes d'état civil de complaisance permettant la délivrance d'un passeport authentique, eu égard aux incohérences relevées par le préfet du Cantal, et alors qu'un passeport ne constitue pas un acte d'état civil mais un document de voyage pour lequel la présomption de validité résultant des dispositions de l'article 47 du code civil ne s'applique pas, et nonobstant la circonstance que M. A... avait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, les pièces versées au dossier d'appel par ce dernier, en particulier les nouveaux actes d'état civil portant une formule de légalisation, qui ne correspondent pas aux actes initialement produits, s'agissant en particulier de la date et du numéro de l'acte de naissance produit comme de la date du jugement supplétif, ne sont pas de nature à établir son identité ni son âge lors de sa prise en charge par ces services. Dès lors, le préfet a pu, à juste titre, à défaut pour le demandeur d'établir la réalité de son identité, refuser pour ce motif d'autoriser son maintien en France et l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées du 3° du I des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, substituées par le jugement attaqué à celles ayant initialement constitué le fondement de la décision.
7. En dernier lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir, au soutien des conclusions de sa requête dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, qui ne constitue pas un refus de délivrance d'un titre de séjour, d'une méconnaissance des dispositions alors codifiées au 2° bis et au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des articles L. 313-14, L. 315-10 et L. 313-15 du même code.
Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :
8. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
9. Il résulte de ce qui a été dit qu'ayant fait usage de documents falsifiés, M. A... entre dans le champ d'application des dispositions alors codifiées au e) du 3 du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet au préfet, pour ce seul motif, de refuser un délai de départ volontaire à un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.
Sur la légalité de l'interdiction de retour :
10. Le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré d'une insuffisante motivation de la décision en litige, doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Cantal.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.
Le rapporteur,
Ph. SeilletLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01095
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