Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes distinctes, Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés des 13 octobre 2017 et 18 avril 2018 du préfet du Puy-de-Dôme déclarant d'utilité publique au profit de l'établissement public foncier syndicat mixte d'action foncière le projet d'agrandissement, sur le territoire de la commune d'Antoingt, de la station d'épuration dite d'Avigny et déclarant cessibles les parcelles nécessaires à la réalisation du projet.
Par des jugements n°s 1801185 et 1702315 du 7 avril 2020 ce tribunal a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 21 août 2020 sous le n° 20LY02431 Mme B..., représentée par Me Marion, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801185 et l'arrêté du 18 avril 2018 ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'absence de document d'arpentage entache d'irrégularité l'arrêté de cessibilité ;
- elle excipe de l'illégalité de l'arrêté du 13 octobre 2017 en raison d'absence d'utilité publique de l'opération et du détournement de pouvoir dont il est entaché.
Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2021, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Le 3 décembre 2020, l'établissement public foncier syndicat mixte d'action foncière a été mis en demeure de produire dans un délai de quinze jours.
II. Par une requête enregistrée le 21 août 2020 sous le n° 20LY02432 Mme B..., représentée par Me Marion, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702315 et l'arrêté du 13 octobre 2017 ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen, fondé, tiré de ce que les conseillers municipaux n'ont pas bénéficié d'une information suffisante pour se prononcer sur le recours à l'expropriation pour l'agrandissement de la station d'épuration ;
- il n'est pas établi que cette question figurait sur l'ordre du jour de la réunion du conseil municipal du 25 janvier 2014, de sorte qu'il n'a pas délibéré expressément sur le recours à l'expropriation ;
- la méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales entache d'illégalité les délibérations prises par le conseil municipal de la commune d'Antoingt les 25 janvier 2014 et 14 décembre 2015 ;
- l'avis du commissaire-enquêteur, qui n'a pas examiné l'ensemble de ses observations, n'est pas suffisamment motivé ;
- l'opération est dépourvue d'utilité publique ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un détournement de pouvoir.
Le 3 décembre 2020, le ministre de l'intérieur et l'établissement public foncier syndicat mixte d'action foncière ont été mis en demeure de produire dans un délai de quinze jours.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
- et les observations de Me Marion pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Par une délibération du 25 janvier 2014, le conseil municipal de la commune d'Antoingt, qui compte moins de 400 habitants, a autorisé l'établissement public foncier syndicat mixte d'action foncière à demander au préfet du Puy-de-Dôme l'ouverture d'une procédure de déclaration d'utilité publique en vue d'obtenir, à son profit, l'expropriation des terrains nécessaires à l'extension de la station d'épuration dite d'Avigny. Le projet a évolué, portant la superficie de terrains à exproprier de 1 000 à 3 000 m2. En conséquence, le conseil municipal a adopté, le 14 décembre 2015, une seconde délibération ayant le même objet que la précédente. Deux enquêtes conjointes, l'une préalable à la déclaration d'utilité publique, l'autre parcellaire, ont été organisées du 20 février 2017 au 6 mars 2017. Par un arrêté du 13 octobre 2017, le préfet du Puy-de-Dôme a déclaré d'utilité publique le projet d'extension de la station d'épuration et par un arrêté du 18 avril 2018, il a déclaré cessibles au profit de l'établissement public foncier syndicat mixte d'action foncière les parcelles nécessaires à l'agrandissement de la station d'épuration. Mme B..., propriétaire de parcelles partiellement incluses dans le périmètre du projet déclaré d'utilité publique, relève appel des jugements du 7 avril 2020 par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes tentant à l'annulation, respectivement, de l'arrêté du 13 octobre 2017 et de l'arrêté du 18 avril 2018.
Sur la légalité, invoquée par voie d'action et par voie d'exception, de l'arrêté du 13 octobre 2017 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a déclaré d'utilité publique le projet d'agrandissement, sur le territoire de la commune d'Antoingt, de la station d'épuration dite d'Avigny :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée. ". Aux termes de l'article L. 2121-11 du même code : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire, sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. Le maire en rend compte dès l'ouverture de la séance au conseil municipal qui se prononce sur l'urgence et peut décider le renvoi de la discussion, pour tout ou partie, à l'ordre du jour d'une séance ultérieure. ".
4. D'une part, Mme B... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la délibération du 25 janvier 2014 du conseil municipal de la commune d'Antoingt relative à un projet distinct de celui déclaré d'utilité publique par l'arrêté du 13 octobre 2017. D'autre part, comme il a été exposé au point 1, les conseillers municipaux, régulièrement convoqués le 7 décembre 2015 à la séance du 14 décembre 2015, ainsi qu'il ressort de l'extrait du registre des délibérations, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, ont délibéré sur le recours à l'expropriation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le commissaire enquêteur (...) examine les observations recueillies et entend toute personne qu'il lui paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant, s'il en fait la demande. (...) / Le commissaire enquêteur (...) rédige un rapport énonçant ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération projetée. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, qui n'était pas tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, a regroupé synthétiquement les quatorze observations qui lui étaient soumises, dont celles exprimées par Mme B... dans un volumineux mémoire accompagné de 27 annexes, sur lesquelles il a présenté sa position avant d'émettre un avis suffisamment motivé au regard des observations recueillies. Ainsi son avis satisfait aux exigences de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
7. En troisième lieu, il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, malgré des travaux effectués en 2010 pour éliminer les eaux claires parasitaires drainées par le réseau d'assainissement, la station d'épuration d'Avigny a atteint sa capacité nominale de traitement et est régulièrement en surcharge hydraulique, avec un risque de diminution du rendement épuratoire et de rejets non traités en milieu naturel. L'extension de la station d'épuration répond à l'objectif d'intérêt général de préservation de la qualité des ressources en eaux destinées à la consommation humaine.
9. D'autre part, ni l'atteinte à la propriété privée de Mme B..., limitée à une emprise de 2 816 m2 sur une superficie totale de 13 329 m2, et qui ne conduira pas à l'enclavement de la parcelle amputée cadastrée section C n° 702 qui conservera un accès, ni le coût de l'opération pour la commune d'Antoingt, de 72 400 euros HT, ne sont excessifs au regard de l'intérêt que présente l'opération.
10. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que le projet serait dépourvu d'utilité publique.
11. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué par Mme B... n'est pas établi.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 avril 2018 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a déclaré cessibles les parcelles nécessaires à l'agrandissement de la station d'épuration d'Avigny :
12. Aux termes de l'article R. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Au vu du procès-verbal prévu à l'article R. 131-9 et des documents qui y sont annexés, le préfet du département où sont situées les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire les déclare cessibles, par arrêté. (...) ". Aux termes de l'article R. 132-2 du même code : " Les propriétés déclarées cessibles sont désignées conformément aux prescriptions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. L'identité des propriétaires est précisée conformément aux prescriptions du premier alinéa de l'article 5 ou du premier alinéa de l'article 6 de ce décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret du 4 janvier 1955. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l'indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines. / Lorsqu'il réalise ou constate une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte ou la décision doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division, sauf en cas de lotissement effectué dans le cadre de la législation sur les lotissements ou s'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre n'est pas rénové. La constitution sur une fraction de parcelle d'un droit d'usufruit, d'un droit de superficie ou d'un bail emphytéotique est considérée comme un changement de limite de propriété. / Lorsque, sans réaliser ou constater une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, il ne concerne qu'une ou plusieurs fractions d'un immeuble, l'acte ou la décision judiciaire doit comporter à la fois la désignation desdites fractions et celle de l'ensemble de l'immeuble. La désignation de la fraction est faite conformément à un état descriptif de division, ou, éventuellement, à un état modificatif, établi dans les conditions fixées par décret, et préalablement publié ; elle doit mentionner le numéro du lot dans lequel la fraction est comprise, et, sous réserve des exceptions prévues audit décret, la quote-part dans la propriété du sol afférente à ce lot. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'acte ou la décision concerne soit une servitude, soit un droit d'usage ou d'habitation, soit un bail de plus de douze années. Elles sont également sans application lorsque l'acte ou la décision entraîne la suppression de la division de l'immeuble. / Les mêmes indications doivent obligatoirement figurer dans tout bordereau, extrait, expédition ou copie, déposé en vue de l'exécution de la formalité. / S'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre a été rénové, et faisant l'objet d'une mutation par décès, d'un acte ou d'une décision judiciaire translatif, déclaratif ou constitutif d'un droit réel susceptible d'hypothèque, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral ayant moins de six mois de date au jour de la remise au service chargé de la publicité foncière, et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre. Cet extrait ou ces documents doivent être remis au service chargé de la publicité foncière à l'appui de la réquisition de la formalité. ".
13. Il résulte des dispositions combinées citées au point précédent que lorsqu'un arrêté de cessibilité déclare cessibles des parties de parcelles, ce qui implique de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que l'arrêté de cessibilité désigne les parcelles concernées conformément à leur numérotation issue de ce document. Le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui constitue alors une garantie pour les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation, entache d'irrégularité l'arrêté de cessibilité.
14. L'arrêté du 18 avril 2018 ne prévoit la cession que d'une partie des parcelles appartenant à Mme B..., représentant 1 359 m2 de la parcelle cadastrée section C n° 702 et 1 457 m2 de la parcelle cadastrée section C n° 703. Il ressort des pièces du dossier que l'expropriant a fait réaliser le 4 janvier 2018 un document d'arpentage désignant les parcelles concernées par l'expropriation conformément à leur numérotation issue de ce document.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, les premiers juges, qui n'ont pas omis de répondre à un moyen au surplus inopérant dans le jugement n° 1702315, ont rejeté ses demandes. Les requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions présentées au titre des frais des litiges.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'établissement public foncier syndicat mixte d'action foncière. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère,
Mme Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.
La présidente rapporteure,
C. MichelL'assesseure la plus ancienne,
A. Duguit-Larcher
Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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Nos 20LY02431, 20LY02432