La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2022 | FRANCE | N°20LY01977

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 23 juin 2022, 20LY01977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par trois requêtes distinctes, le préfet de l'Isère et la société Énedis ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 23 août 2018 et l'arrêté du 3 septembre 2018 par lesquels le conseil municipal et le maire de la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze ont suspendu le déploiement des compteurs " A... " sur le territoire de la commune.

Par un jugement nos 1900906, 1901125, 1901446 du 18 juin 2020, ce tribunal, après avoir joint les demandes, a annulé cette délibé

ration et cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par trois requêtes distinctes, le préfet de l'Isère et la société Énedis ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 23 août 2018 et l'arrêté du 3 septembre 2018 par lesquels le conseil municipal et le maire de la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze ont suspendu le déploiement des compteurs " A... " sur le territoire de la commune.

Par un jugement nos 1900906, 1901125, 1901446 du 18 juin 2020, ce tribunal, après avoir joint les demandes, a annulé cette délibération et cet arrêté.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2020, la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze, représentée par Me Tissot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'État et de la société Énedis la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen en défense, fondé, par lequel elle soutenait qu'en sa qualité d'autorité organisatrice du service de distribution d'électricité et donc de propriétaire des biens nécessaires au service, elle était compétente pour disposer des compteurs en place et accepter leur remplacement ;

- son opposition au déploiement sur son territoire des compteurs " A... " par la délibération annulée ne portait pas atteinte aux pouvoirs confiés par la loi aux autorités de l'État et au gestionnaire national du réseau de distribution d'électricité ;

- l'objectif de déploiement sur le territoire national, fixé par l'article R. 341-8 du code de l'énergie, seul opposable, ne saurait justifier une limitation au droit de propriété conféré aux autorités organisatrices de distribution d'électricité par les dispositions de l'article L. 322-4 du même code, protégé par l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et des citoyens et l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en tout état de cause, compte tenu de la taille de sa population, la délibération était manifestement insusceptible de préjudicier aux objectifs de déploiement national des compteurs ;

- dès lors qu'elle est propriétaire des compteurs électriques, les moyens soulevés par le préfet de l'Isère tirés de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation du principe de précaution, de l'absence d'atteinte au respect de la vie privée et des libertés individuelles et de risques et de l'obligation de déploiement s'imposant à Énedis sont inopérants et, en tout état de cause, le moyen tiré de l'obligation de déploiement est infondé ;

- l'arrêté du 3 septembre 2018 a été pris par son maire, après substitution de base légale, pour l'exécution de la délibération du 23 août 2018 ; par suite, les moyens tirés de l'incompétence du maire et de ce qu'il a illégalement fait usage de ses pouvoirs de police sont inopérants.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2020, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés en première instance et en appel par la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze ne sont pas fondés ;

- la délibération du 23 août 2018 qui a été annulée par le jugement attaqué et était entachée d'illégalité ne pouvait servir de base légale à l'arrêté du 3 septembre 2018.

Par un mémoire enregistré le 24 décembre 2020, la société Énedis, représentée par Me Le Chatelier, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze ne sont pas fondés ;

- les risques invoqués par le conseil municipal et le maire de la commune pour justifier la délibération et l'arrêté litigieux ne sont pas avérés.

La requête a été communiquée au ministre de la transition écologique qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;

- le code de l'énergie ;

- la loi n° 2010-488 du 7 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tissot pour la commune de Saint-Vincent de Mercuze et de Me Houmer pour la société Enédis.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du conseil municipal du 23 août 2018 et un arrêté du maire du 3 septembre 2018, la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze a décidé de suspendre le déploiement des compteurs dits " A... " sur son territoire tant que la régularité de leur installation et des traitements de données à caractère personnel qu'ils opèrent n'aurait pas été vérifiée par la commission nationale de l'informatique et des libertés et les résultats communiqués à la commune. Par un jugement du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a, sur déféré du préfet de l'Isère et à la demande de la société Énedis, annulé cette délibération et cet arrêté. La commune de Saint-Vincent-de-Mercuze relève appel de ce jugement.

2. La directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité a incité les États membres à mettre en place un système de comptage de leur consommation d'électricité. Cette exigence a été transposée par la France, qui a fait le choix d'un déploiement généralisé des compteurs communicants, par la loi du 7 décembre 2010 modifiant le IV de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, devenu l'article L. 341-4 du code de l'énergie.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 341-4 du code de l'énergie : " Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en œuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l'année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée. / Dans le cadre du déploiement des dispositifs prévus au premier alinéa du présent article et en application de la mission fixée au 7° de l'article L. 322-8, les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité mettent à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d'alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales. (...) ". Aux termes de l'article R. 341-4 du même code : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 341-4 et en vue d'une meilleure utilisation des réseaux publics d'électricité, les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en œuvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d'accéder aux données relatives à leur production ou leur consommation et aux tiers autorisés par les utilisateurs à celles concernant leurs clients. / Les dispositifs de comptage doivent comporter un traitement des données enregistrées permettant leur mise à disposition au moins quotidienne. (...) ". L'article R. 341-8 du même code définit un calendrier de mise en place des dispositifs de comptage, en prévoyant notamment la mise en conformité d'ici le 31 décembre 2020 d'au moins 80 % des dispositifs de comptage, les 100 % devant être atteints d'ici 2024.

4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 322-4 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Électricité de France, ont fait l'objet d'un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. ". Aux termes du deuxième alinéa du IV de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales : " L'autorité organisatrice d'un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l'établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d'électricité est attachée à la qualité d'autorité organisatrice de ces réseaux.

5. La commune de Saint-Vincent-de-Mercuze, qui n'a pas transféré sa compétence en matière d'organisation de la distribution d'électricité au syndicat intercommunal pour l'organisation de la distribution d'électricité en Isère, est propriétaire des ouvrages des réseaux publics de distribution d'électricité, au nombre desquels figurent les compteurs d'électricité. Toutefois, l'obligation de déploiement des dispositifs de comptage communicants prévue par les dispositions citées au point 3 qui incombe aux gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité, s'impose à l'autorité organisatrice de ces réseaux, sans que la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze puisse utilement soutenir que compte tenu de la taille de la population communale, la délibération du 23 août 2018 était manifestement insusceptible de préjudicier aux objectifs de déploiement national des compteurs. L'atteinte portée à l'exercice du droit de propriété de la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze sur les compteurs existants installés sur son territoire, justifiée par l'objectif d'intérêt général résultant de l'article L. 341-4 du code de l'énergie de gestion optimale de l'énergie électrique par la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d'électricité, n'autorisait pas le conseil municipal à suspendre l'installation des compteurs " A... " sur le territoire de la commune.

6. Contrairement à ce qui est indiqué dans la délibération du 23 août 2018 comme motif de l'opposition de la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze, le remplacement des compteurs d'électricité existants installés sur le territoire communal par des dispositifs de comptage communicants n'implique pas l'aliénation des compteurs existants. Leur dépose ne nécessite, par suite, aucun déclassement préalable.

7. Compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 5 et 6, la délibération du 23 août 2018 n'a pu servir de base légale à l'arrêté du 3 septembre 2018.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 23 août 2018 et l'arrêté du 3 septembre 2018. Sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Vincent-de-Mercuze, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Énedis. Copie sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.

Le rapporteur,

C. B...La présidente,

C. Michel

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 20LY01977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01977
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Services communaux - Ga et électricité.

29 Energie.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-23;20ly01977 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award