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23/06/2022 | FRANCE | N°19LY00205

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 23 juin 2022, 19LY00205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la section de commune ... à lui verser la somme de 197 582,08 euros assortie des intérêts légaux en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison du comportement fautif et des illégalités commises A... cette section pour l'attribution de parcelles agricoles lui appartenant.

A... un jugement n° 1701923 du 20 novembre 2018, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la section de commune à lui verser une s

omme de 7 502 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la section de commune ... à lui verser la somme de 197 582,08 euros assortie des intérêts légaux en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison du comportement fautif et des illégalités commises A... cette section pour l'attribution de parcelles agricoles lui appartenant.

A... un jugement n° 1701923 du 20 novembre 2018, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en condamnant la section de commune à lui verser une somme de 7 502 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2016.

Procédure devant la cour

A... une requête et des mémoires enregistrés le 18 janvier 2019, le 19 août 2019, le 8 janvier 2020 et le 2 mars 2020, Mme E..., représentée A... Me Riquier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité le montant de son indemnisation ;

2°) de porter la condamnation de la section de commune du Hameau de Beauregard-Trespis à la somme de 197 582,08 euros assortie des intérêts légaux ;

3°) de mettre à la charge de de la section de commune ... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu la responsabilité de la section de commune pour la période antérieure à 2009 dès lors qu'elle était prioritaire dans l'attribution des parcelles irrégulièrement attribuées à M. B... en application des dispositions du code général des collectivités territoriales ;

- sa créance n'est pas atteinte A... la prescription quadriennale définie à l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 qui n'est pas applicable aux sections de commune ; en tout état de cause, la prescription n'a pas été opposée dans les formes et le délai de la prescription a été interrompu A... les recours contentieux qu'elle a engagés et sa demande indemnitaire du 10 novembre 2016 ;

- elle est fondée à rechercher la responsabilité de la section de commune tant sur le fondement de la rupture d'égalité devant des charges publiques que sur le fondement de la faute ;

- la section de commune a pris des décisions illégales, a méconnu l'autorité de la chose jugée et a eu un comportement fautif ; elle avait la qualité d'ayant droit prioritaire ;

- elle a subi, du fait de ces fautes, différents préjudices.

A... des mémoires en défense, enregistrés le 31 décembre 2019, le 27 février 2020 et le 6 avril 2020, non communiqué, la section de commune ..., représentée A... Me Champauzac, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, outre qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, A... la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement et de rejeter la demande de Mme E....

Elle fait valoir que :

- la créance était prescrite ;

- Mme E... ne justifie pas remplir les conditions cumulatives pour pouvoir bénéficier de l'attribution prioritaire des parcelles litigieuses ;

- elle n'établit pas la réalité des préjudices qu'elle invoque.

La clôture d'instruction a été prononcée à effet immédiat le 8 avril 2022.

Un mémoire a été enregistré le 8 avril 2022 pour Mme E... postérieurement à sa mise à disposition de l'ordonnance prononçant la clôture d'instruction à effet immédiat.

A... un courrier en date du 8 avril 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement qui n'a pas relevé que la juridiction administrative n'était pas compétente pour statuer sur la demande indemnitaire de Mme E... en tant qu'elle portait sur les conditions d'exécution puis sur la révision A... la section de commune du bail conclu avec elle en 2012.

La commune ... et Mme E... ont chacune présenté leurs observations sur ce moyen relevé d'office le 12 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi du 10 juin 1793 ;

- la loi du 9 ventôse an XII ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 2013-428 du 27 mai 2013 ;

- le décret du 21 septembre 1805 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Riquier pour Mme E... et de Me Di Curzio pour la section de commune ... ;

Et avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 7 juin 2022, présentée pour la section de commune ....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., exploitante agricole sur le territoire de la commune ... depuis 1994, a demandé à la section de commune ... l'attribution de différentes parcelles de cette section. La section de commune lui a attribué le 18 mars 1994 les parcelles cadastrées section B n°s 220 et 237 et une partie de la parcelle cadastrée B 236, puis, le 30 avril 2012, les parcelles cadastrées section B n°s 921, 922, 234, 235, 238 et 228 au lieu-dit "Sagne Rousseyre" ainsi que les parcelles cadastrées section B n°s 1176, 207, 208,210, 211, 212, 213 et 214 au lieu-dit "Le Sélage". Mme E... a, A... un courrier du 10 novembre 2016, demandé à la section de commune ... de l'indemniser à hauteur de 210 018,28 euros des préjudices financier et moral résultant du comportement fautif et des illégalités commises A... cette section pour l'attribution des parcelles appartenant à la section de commune. A... un jugement du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon, saisi d'une demande de condamnation à hauteur de 197 582,08 euros, a condamné la section de commune ... à lui verser une somme de 7 502 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2016. Mme E... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande. A... la voie de l'appel incident, la section de commune du Hameau de Beauregard-Trespis conclut à l'annulation de ce jugement et au rejet de la demande de Mme E....

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des dispositions combinées des lois des 10 juin 1793 et 9 ventôse an XII et du décret du 21 septembre 1805 additionnel à cette dernière loi que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des contestations qui peuvent s'élever en matière de partage et de jouissance de biens communaux. Il appartient également à la juridiction administrative de connaître de la demande formée A... un tiers tendant à l'annulation de la délibération d'un conseil municipal autorisant la conclusion d'une convention ayant pour objet la mise à disposition d'une dépendance du domaine privé communal et de la décision du maire de la signer. En revanche, la contestation A... une personne privée de l'acte, délibération ou décision du maire, A... lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance relève de la compétence du juge judiciaire.

3. A... suite, en ne relevant pas que la juridiction administrative n'était pas compétente pour statuer sur les préjudices subis A... Mme E... résultant des conditions d'exécution puis de la révision A... la section de commune du bail conclu avec elle en 2012, le tribunal administratif de Lyon a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu d'annuler le jugement dans cette mesure et, A... la voie de l'évocation, de rejeter la demande présentée A... Mme E... à ce titre comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur la responsabilité de la section de commune :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale opposée A... la section de commune :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées A... la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Aux termes de son article 2 : " La prescription est interrompue A... : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée A... un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ".

5. Lorsqu'est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise mais à celui au cours duquel elle a été valablement notifiée à son destinataire ou portée à la connaissance du tiers qui se prévaut de cette illégalité.

6. La section de commune ..., dont l'ordonnateur est le maire et qui dispose du même comptable public que la commune, bien qu'elle constitue une personne morale distincte de cette dernière, est fondée à se prévaloir à l'encontre de Mme E... de la prescription quadriennale de sa créance, qu'elle a opposée dans des formes régulières.

7. Mme E... fait valoir que la section de commune du Hameau de Beauregard-Trespis l'a illégalement évincée de l'attribution de parcelles lui appartenant au profit d'exploitants agricoles non prioritaires ou de tiers, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2411 10 du code général des collectivités territoriales ainsi que de l'autorité absolue de chose jugée des décisions de justice rendues depuis 2003, et que son attitude révèle un comportement fautif. Les six fautes dont Mme E... se prévaut à l'encontre de la section de commune constituent chacune le fait générateur d'une partie de la créance dont Mme E... entend obtenir paiement.

8. La première faute dont se prévaut Mme E... est relative à l'adoption de la délibération du 5 juin 1999 A... laquelle la section de commune a refusé de lui attribuer les parcelles section B n°s 236 et 238 et de la délibération du 18 mars 2001 A... laquelle elle a refusé de lui attribuer les parcelles section B n°s 238 et 921, toutes ces parcelles étant attribuées à M. B.... Mme E... a saisi le tribunal administratif de Lyon de demandes tendant à l'annulation de ces délibérations respectivement le 9 août 1999 et le 23 juillet 2001, ce qui a interrompu la prescription. Les délibérations ont été annulées A... un jugement du 8 juillet 2003. La prescription quadriennale ayant recommencé à courir à compter du 1er janvier 2004, elle se trouvait acquise lorsque Mme E... a présenté le 18 novembre 2016 sa demande indemnitaire préalable.

9. Mme E... se prévaut ensuite de l'inexécution fautive jusqu'au 3 avril 2007 de l'injonction prononcée A... le tribunal administratif de Lyon dans son jugement du 8 juillet 2003 à l'encontre de la section de commune et tendant à ce qu'elle procède à la réattribution des parcelles cadastrées section B n°s 238 et921, ainsi que de l'injonction prononcée le 1er avril 2007 A... la cour administrative d'appel de Lyon, saisie sur la seule question de l'étendue de l'injonction, et tendant à la réattribution de la parcelle cadastrée section B n° 236. Le fait générateur des créances dont se prévaut Mme E... est constitué A... l'inexécution fautive de l'injonction pendant la période en cause. Les créances résultant de cette seconde série de fautes étaient, en conséquence, déjà prescrites à la date de présentation de sa réclamation.

10. Mme E... invoque également l'illégalité de la délibération du 3 avril 2007 A... laquelle le conseil municipal a décidé d'attribuer de nouveau à M. B... les parcelles cadastrées section B n°s 236, 238 et 921. Cette délibération, qui a été affichée à compter du 5 avril 2007, a, de ce fait, valablement été portée à sa connaissance à cette date. La prescription quadriennale se trouvait ainsi acquise en ce qui concerne cette troisième faute lorsque Mme E... a présenté sa réclamation préalable.

11. Mme E... fait ensuite grief à la section de commune d'avoir laissé M. D... exploiter jusqu'en 2005 les parcelles situées au lieu-dit "Le Sélage" cadastrées section B n°s 207, 208, 210, 211, 212, 213, 214 et 1176 alors qu'il ne disposait d'aucun titre et qu'elle avait adressé un courrier daté du 24 mai 2004, reçu en mairie le 25 mai 2004, demandant que ces parcelles lui soient attribuées. En l'absence de réponse à sa demande, une décision implicite de rejet est intervenue. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'un accusé de réception, lui indiquant le délai de naissance d'une décision implicite de rejet, lui ait été adressé. Cette décision ne pouvant être regardée comme lui ayant été valablement notifiée, la prescription n'a pas pu commencer à courir.

12. La cinquième faute invoquée A... Mme E... est tirée de l'illégalité de la décision implicite de rejet née du silence gardé A... l'administration sur sa demande en date du 1er avril 2009 tendant à ce que lui soit attribuée la jouissance des parcelles cadastrées section B n°s 921, 922, 234, 235, 238 et 228 au lieu-dit "Sagne Rousseyre" et n°s 1176, 207, 208, 210, 211, 212, 213 et 214 au lieu-dit "Le Sélage". La saisine du tribunal administratif de Lyon A... Mme E... le 3 août 2009 a interrompu la prescription. Le tribunal a annulé cette décision le 16 février 2012, de sorte que la prescription, qui a recommencé à courir à compter du 1er janvier 2013, n'était pas acquise lorsque Mme E... a présenté sa réclamation.

13. Enfin, la prescription n'était pas acquise pour la dernière série de fautes invoquées A... Mme E... qui se rapportent à l'attitude de la section de commune à compter de l'année 2012.

En ce qui concerne les fautes :

14. L'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales détermine les critères d'attribution A... une section de commune des terres à vocation agricole ou pastorale dont elle est propriétaire. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 27 mai 2013 modernisant le régime des sections de commune, les terres étaient attribuées en priorité au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur le territoire de la section et, le cas échéant, au profit d'exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section. Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 27 mai 2013 modernisant le régime des sections de commune, les terres à vocation agricole ou pastorale sont attribuées en priorité au profit des exploitants agricoles ayant leur domicile réel et fixe, un bâtiment d'exploitation et le siège de leur exploitation sur le territoire de la section et exploitant des biens agricoles sur celui-ci et au profit d'exploitants agricoles ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant, pendant la période hivernale, leurs animaux sur le territoire de la section et exploitant des biens agricoles sur ledit territoire.

15. Il résulte de l'instruction, notamment d'un jugement du tribunal d'instance d'Argentières du 7 juillet 2005, que lorsque la section de commune du Hameau de Beauregard-Trespis a implicitement refusé le 25 juillet 2004 à Mme E... l'attribution des terres exploitées A... M. D..., celui-ci ne disposait plus du droit de les exploiter puisqu'il était retraité. Mme E..., quant à elle, justifie A... les pièces produites en appel qu'elle avait son domicile réel et fixe ainsi que le siège de son exploitation agricole sur le territoire de la section de commune. Il ne résulte pas de l'instruction qu'un autre exploitant agricole remplissait alors également les conditions pour se voir attribuer de façon prioritaire ces parcelles. La section de commune a, A... suite, commis une faute de nature à engager sa responsabilité en n'attribuant pas en juillet 2004 ces parcelles à Mme E....

16. A... ailleurs, le tribunal administratif de Lyon a reconnu, A... un jugement du 16 février 2012 A... lequel il a annulé la décision implicite de la section de commune rejetant la demande du 1er avril 2009 de Mme E... d'attribution des parcelles situées au lieu-dit "Sagne Rousseyre" et au lieu-dit "Le Sélage", le droit de priorité de l'intéressée pour l'attribution de ces parcelles, aucun des attributaires désignés A... la section de commune n'ayant son domicile fixe ni le siège de son exploitation sur son territoire. Si la section de commune en a tiré les conséquences en concluant le 30 avril 2012 un bail à ferme sur ces parcelles avec Mme E..., elle a réattribué A... délibération du 11 mars 2014, malgré l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait pouvant justifier une telle décision, une partie des parcelles cadastrées section B n°s 210 et 1176 à M. F..., exploitant non prioritaire, au mépris de l'autorité absolue de chose jugée, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lyon le 18 avril 2017 A... un jugement confirmé ce jour A... la cour. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un autre exploitant agricole remplissait alors également les conditions pour se voir attribuer de façon prioritaire ces parcelles, Mme E... est fondée à soutenir que la section de commune du Hameau de Beauregard-Trespis a pris, à compter de la décision implicite de rejet de sa demande du 1er avril 2009, des décisions illégales et qu'elle a adopté un comportement fautif à l'origine des préjudices qu'elle invoque, de nature à engager sa responsabilité.

17. Enfin, la section de commune et la commune étant deux personnes morales distinctes, Mme E... ne saurait se prévaloir, pour demander réparation du préjudice qu'elle a subi à la section de commune, de l'attitude fautive qu'aurait eu la commune ... devant le tribunal des baux ruraux.

En ce qui concerne le préjudice :

18. Les préjudices résultant de la qualité médiocre des seules parcelles attribuées à Mme E... en 1994, de l'épandage de la terre végétale retirée de ces parcelles, de l'impossibilité d'exploiter les parcelles illégalement occupées A... M. F... depuis 2012 et de l'attribution de parcelles à M. B... entre juin 1999 et avril 2009 sont sans lien avec les fautes commises A... la section de commune, évoquées aux points 15 et 16 ci-dessus, susceptibles d'engager, devant le juge administratif, la responsabilité de cette dernière. Ils ne peuvent, A... suite, être indemnisés. En revanche, les fautes retenues à l'encontre de la section de commune dans le présent litige ont eu pour effet de priver Mme E... de la jouissance de l'exploitation des parcelles, d'une superficie de treize hectares, situées au lieu-dit "Le Sélage" cadastrées section B n°s 207, 208, 210, 211, 212, 213, 214 et 1176 entre le 25 juillet 2004 et le 30 avril 2012, puis de la jouissance des parcelles, d'une superficie de quinze hectares, situées au lieu-dit "Sagne Rousseyre" cadastrées section B n°s 921, 922, 234, 235, 238 et 228 entre le 1er juin 2009 et le 30 avril 2012 et, à compter du 11 mars 2014, d'une partie des parcelles cadastrées section B n°s 210 et 1176, représentant trois hectares de terres.

19. Si Mme E... justifie avoir loué des parcelles à l'extérieur de la commune ..., il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'aurait pas loué ces parcelles si les parcelles litigieuses lui avaient été attribuées. A... suite, elle n'est pas fondée à réclamer l'indemnisation du surcoût de location de ces terres A... rapport à la location des parcelles sectionnales et des frais induits A... les déplacements supplémentaires induits A... ces locations. Elle ne peut pas non plus prétendre à l'indemnisation de l'ensemble des achats qu'elle a dû réaliser pour nourrir son troupeau. En revanche, il est établi qu'elle a été privée du fruit de l'exploitation de ces parcelles qu'elle aurait louées moyennant un loyer très faible. Compte tenu des surfaces des parcelles en cause, et de leur nature de landes, de prairies et de terres labourables, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre A... Mme E... pendant les périodes dont elle en a été privée en le fixant à la somme de 15 000 euros.

20. Enfin, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi A... Mme E... à la suite des fautes commises A... la section de commune du Hameau de Beauregard-Trespis, eu égard aux démarches multiples que l'intéressée a dû engager pour faire reconnaître ses droits, en lui allouant une indemnité de 10 000 euros.

21. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la responsabilité pour rupture d'égalité devant les charges publiques invoquée A... la requérante, que Mme E... est seulement fondée à demander que le montant de l'indemnité qui lui a été allouée A... le tribunal soit porté à la somme de 25 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2016, date de réception A... la section de commune de sa demande indemnitaire préalable.

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme E... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu de mettre à la charge de la section de commune la somme de 2 000 euros à verser à Mme E... au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701923 du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2018 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande indemnitaire de Mme E... portant sur les conditions d'exécution et de révision du bail à ferme conclu le 10 mai 2012.

Article 2 : Les conclusions de Mme E... tendant à la condamnation de la section de commune ... à l'indemniser des fautes relatives aux conditions d'exécution et de révision du bail à ferme conclu le 10 mai 2012 sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : La somme de 7 502 euros que la section de commune du Hameau de Beauregard-Trespis a été condamnée à verser à Mme E... A... le jugement n°1701923 du 20 novembre 2018 est portée à 25 000 euros.

Article 4 : La condamnation de la section de commune ... prononcée à l'article 3 est assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2016.

Article 5 : Les articles 1 et 3 du jugement n°1701923 du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2018 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 6 : La section de commune ... versera à Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et à la section de commune ....

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public A... mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.

La rapporteure,

A. G...La présidente,

C. Michel

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 19LY00205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00205
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 - Champ d'application.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL CABINET CHAMPAUZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-23;19ly00205 ?
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