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15/06/2022 | FRANCE | N°20LY02516

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 juin 2022, 20LY02516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le président de la Métropole de Lyon lui a infligé la sanction de la révocation à compter du 26 octobre 2019 ;

2°) d'enjoindre au président de la Métropole de Lyon de le réintégrer dans ses fonctions ;

3°) de condamner la Métropole de Lyon à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des préjudices qu'il a subis du fait de la discrimination dont il fait l'objet ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le président de la Métropole de Lyon lui a infligé la sanction de la révocation à compter du 26 octobre 2019 ;

2°) d'enjoindre au président de la Métropole de Lyon de le réintégrer dans ses fonctions ;

3°) de condamner la Métropole de Lyon à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des préjudices qu'il a subis du fait de la discrimination dont il fait l'objet ;

4°) de mettre à la charge de la Métropole de Lyon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1906968 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 30 août 2020, 4 février 2021 et le 27 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Parisi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le président de la Métropole de Lyon lui a infligé la sanction de la révocation à compter du 26 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au président de la Métropole de Lyon de le réintégrer dans ses fonctions ;

4°) de mettre à la charge de la Métropole de Lyon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la matérialité des faits, harcèlement sexuel et comportement inapproprié, qui lui sont reprochés, serait établie ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la sanction de la révocation ne présente pas un caractère disproportionné au regard des faits qui l'ont motivée ;

- la Métropole de Lyon a utilisé de manière discriminatoire sa pathologie et a utilisé la procédure disciplinaire pour l'écarter définitivement de ses fonctions.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 2 décembre 2020 et le 5 août 2021 et le 21 décembre 2021, la Métropole de Lyon représentée par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 27 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Parisi, représentant M. A..., et celles de Me Prouvez, représentant la Métropole de Lyon.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint administratif territorial employé par la Métropole de Lyon, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2019 par lequel le président de cette collectivité lui a infligé la sanction de la révocation à compter du 26 octobre 2019. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A... par un jugement du 1er juillet 2020 dont il relève appel.

2. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : (...) la révocation (...) ". L'état mental d'un fonctionnaire ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé, au moment des faits qui lui sont reprochés, comme responsable de ses actes ni à ce que, par suite, une sanction disciplinaire soit légalement prononcée à son encontre. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. D'autre part, aux termes de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les fait : a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. (...) Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder aux faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas ". En vertu de ces dispositions, sont constitutifs de harcèlement sexuel des propos ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou même, lorsqu'ils atteignent un certain degré de gravité, non répétés, tenus dans le cadre ou à l'occasion du service, non désirés par celui ou celle qui en est le destinataire et ayant pour objet ou pour effet soit de porter atteinte à sa dignité, soit, notamment lorsqu'ils sont le fait d'un supérieur hiérarchique ou d'une personne qu'elle pense susceptible d'avoir une influence sur ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière, de créer à l'encontre de la victime, une situation intimidante, hostile ou offensante.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à compter de l'année 2016 et jusqu'en 2018, M. A... a adressé, depuis sa messagerie professionnelle de nombreux courriels à une ex-collègue faisant état, au début, de son attirance pour celle-ci, avant que ces messages, notamment ceux du 1er février 2018 et du 26 avril 2018, réitérés à deux reprises avec trois mois d'écart, ne présentent un caractère particulièrement menaçant et intimidant et ne comportent des propos à caractère dégradant et humiliant. Ces faits sont, comme l'a relevé à bon droit la décision en litige, constitutifs d'un harcèlement sexuel. Il ressort également des pièces du dossier que le requérant a, dans l'exercice de ses fonctions et dans ses relations avec les collègues de sexe féminin, adopté à diverses périodes de sa carrière, une attitude ambiguë plaçant ses interlocutrices en difficulté et relevant, en l'espèce, d'un comportement volontairement inapproprié dans le cadre professionnel. Par suite la matérialité des faits qui sont reprochés à l'appelant est établie, contrairement à ce qu'il soutient.

5. Lorsque les faits commis par un agent public donnent lieu à la fois à une action pénale et à des poursuites disciplinaires, l'administration peut se prononcer sur l'action disciplinaire sans attendre l'issue de la procédure pénale. Si elle décide néanmoins de différer sa décision en matière disciplinaire jusqu'à ce que le juge pénal ait statué, il lui incombe, dans le choix de la sanction qu'elle retient, de tenir compte non seulement de la nature et de la gravité des faits répréhensibles mais aussi de la situation d'ensemble de l'agent en cause, à la date à laquelle la sanction est prononcée, compte tenu, le cas échéant, des éléments recueillis, des expertises ordonnées et des constatations faites par le juge pénal. En l'espèce, si M. A... soutient que la Métropole de Lyon n'a pas pris en considération le rappel à la loi dont il a fait l'objet, il est constant que l'administration ne s'est pas fondée uniquement sur ce rappel à la loi du 4 septembre 2018, mais également sur d'autres faits, pour prononcer la sanction litigieuse, alors que l'intéressé s'était engagé, devant le juge judiciaire, à ne pas récidiver. La double circonstance que M. A... ait présenté des excuses à l'une des victimes de ses agissements et qu'il ne présenterait pas de risque de récidive est sans influence sur la décision attaquée.

6. Si l'appelant fait valoir qu'il souffre d'un syndrome d'Asperger et de difficultés d'ordre relationnel se caractérisant par des comportements maladroits, il ressort des pièces du dossier, notamment des avis médicaux demandés par l'administration avant d'engager la procédure disciplinaire, que les faits reprochés à M. A..., ne sauraient, en tout état de cause, être regardés comme étant dus à une altération passagère de son discernement liée à sa pathologie. Dans les circonstances de l'espèce et alors même que M. A..., qui ne peut se prévaloir de ses notations satisfaisantes, soutient qu'il n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire et d'aucune mise en garde, l'autorité disciplinaire, qui a suivi, en outre, l'avis du conseil de discipline, n'a pas pris, en l'espèce, une sanction disproportionnée en décidant de révoquer M. A....

7. Enfin, alors qu'il est de la responsabilité de tout employeur de s'assurer de la sécurité au travail de ses agents et de prévenir tout risque de harcèlement sexuel, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, contrairement à ce qui est soutenu, que la Métropole de Lyon, faute de pouvoir écarter M. A... définitivement par la voie médicale ait décidé, d'une part, un an après les faits, de l'écarter définitivement de ses fonctions par la voie disciplinaire, d'autre part, d'utiliser de manière discriminatoire sa pathologie. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

8. Il résulte de ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la Métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Jean Yves Tallec, président de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.

Le rapporteur,

Gilles FédiLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY2516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02516
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CARNOT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-15;20ly02516 ?
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