Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de ... :
1°) d'annuler la décision du 28 décembre 2017 par laquelle le maire de ... lui a infligé un avertissement, ensemble la décision du 13 mars 2018 rejetant son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au maire de ... de retirer tout document faisant référence à cette sanction de son dossier administratif.
Par un jugement n° 1803130 du 31 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de ... a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 août 2020 et un mémoire enregistré le 25 novembre 2021, Mme C..., représentée par Me Bacha, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de ... du 31 mars 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 28 décembre 2017 par laquelle le maire de ... lui a infligé un avertissement, ensemble la décision du 13 mars 2018 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de ... de retirer tout document faisant référence à cette sanction de son dossier administratif ;
4°) de mettre à la charge de la commune de ... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la sanction litigieuse n'est pas suffisamment motivée, en ne précisant pas la teneur des propos en cause ;
- la sanction litigieuse repose sur des faits matériellement inexacts et inexactement qualifiés de fautifs.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2021, la commune de ..., représentée par Me Tissot (SELARL CDMF Avocats Affaires publiques), avocate, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Bacha, avocate, représentant Mme C..., et de Me Tissot, avocate, représentant la commune de ... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., assistante principale de conservation de première classe exerçant comme bibliothécaire au sein de la commune de ..., relève appel du jugement du 31 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de ... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de ... du 28 décembre 2017 lui infligeant un avertissement, ensemble la décision du 13 mars 2018 rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'autorité qui prononce une sanction a l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent de sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.
3. Pour justifier sa décision du 28 décembre 2017 infligeant un avertissement à Mme C..., le maire de la commune de ..., après avoir rappelé qu'étaient visés son " comportement et prise de parole lors de la journée du 1er juillet [2017] ", lui a reproché un manquement à son devoir de réserve en raison des " propos (...) tenus à l'encontre de plusieurs collègues (...) directement [pris] à parti ", prêtant à polémiques et perçus comme étant " menaçants et virulents, notamment dans un espace aussi réduit où les agents peuvent se sentir oppressés ". Le maire de ... a ainsi permis à Mme C... d'identifier sans ambiguïté les griefs qui lui étaient reprochés, à la seule lecture de sa décision, alors même que la teneur exacte des propos en cause n'y est pas rappelée. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit dès lors être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...) ". Selon l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement (...) ".
5. Il résulte clairement tant de la sanction en litige que du courrier du 10 novembre 2017 adressé à Mme C... et de la décision du 13 mars 2018 rejetant son recours gracieux, que l'avertissement qui lui a été infligé se fonde sur ses seuls comportement et propos qu'elle a tenus à l'égard de deux collègues lors d'un mouvement de grève organisé le 1er juillet 2017. Ce jour-là, les agents des bibliothèques municipales de ... ont été appelés à participer à une journée de grève, afin de protester contre la fermeture ou la baisse des moyens alloués à trois de ces bibliothèques, en application du " plan de sauvegarde des services publics " élaboré en 2016 par la commune. Des agents grévistes participant à un rassemblement devant la bibliothèque B..., dont Mme C... faisait partie, sont entrés dans celle-ci, pour dénoncer le maintien d'un fonctionnement normal du service grâce à la participation de responsables et de chefs de service non-grévistes, habituellement affectés dans d'autres établissements. Alors qu'elle s'apprêtait à quitter les lieux, Mme C... s'est adressée à deux de ces derniers, en employant des termes tels que " souviens-toi que c'est grâce à nous que tu es là " et " on s'en souviendra ", cette dernière expression figurant notamment dans deux des témoignages produits par la requérante elle-même. Si elle a rapidement indiqué que ses propos ne constituaient pas des menaces, en visant seulement à rappeler les avancées jusqu'alors obtenues par le mouvement de protestation, ils ne pouvaient qu'être perçus comme telles par leurs destinataires, ainsi pris personnellement à parti dans un contexte conflictuel. De tels propos, visant personnellement d'autres agents et ne défendant alors nullement des revendications professionnelles, ne pouvaient être justifiés par le mandat de représentante syndicale dont se prévaut Mme C... et ont excédé sa liberté d'expression. Dans ces circonstances, ces propos ont, contrairement à ce qu'elle prétend, revêtu un caractère fautif. Par suite, et sans que Mme C... ne puisse utilement contester la réalité d'autres griefs qui ne sont pas à l'origine de la sanction en litige, les moyens tirés de l'inexactitude matérielle, de l'erreur de qualification juridique et de l'erreur de droit, dont seraient entachées les décisions en litige, doivent être écartés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de ... a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de ..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme C.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 500 euros à la commune de ..., en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Mme C... versera à la commune de ... une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la commune de ....
Délibéré après l'audience du 31 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.
La rapporteure,
Sophie CorvellecLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY02421