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14/06/2022 | FRANCE | N°21LY03458

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 14 juin 2022, 21LY03458


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 13 septembre 2021 par lesquelles la préfète de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans, ainsi que la décision du 13 septembre 2021 par laquelle la préfète de la Loire l'a assigné à résidence en le soumettant à une obligation quotidienne de pointage.

Par un jug

ement n° 2107280-20107281-2107295 du 21 septembre 2021, le magistrat désigné par la pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 13 septembre 2021 par lesquelles la préfète de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans, ainsi que la décision du 13 septembre 2021 par laquelle la préfète de la Loire l'a assigné à résidence en le soumettant à une obligation quotidienne de pointage.

Par un jugement n° 2107280-20107281-2107295 du 21 septembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision fixant le pays à destination duquel M. B... serait éloigné d'office, et rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2021, M. A... B..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2021, en tant qu'il a partiellement rejeté ses demandes ;

2°) d'annuler les décisions du 13 septembre 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans et assignation à résidence.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu, reconnu par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu, reconnu par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation ;

- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation ;

- la décision l'assignant à résidence a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu, reconnu par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision l'assignant à résidence méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2022, la préfète de la Loire conclut au rejet de la requête, en s'en remettant aux écritures produites en première instance.

Par courrier du 4 mai 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, à l'encontre de laquelle aucun moyen n'avait été soulevé en première instance.

Par décision du 9 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe d'origine tchétchène, né en 1987, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en mai 2011. Par une décision du 7 mai 2016, devenue définitive, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin à son statut. M. B... a présenté en juillet 2021 une demande de réexamen de sa demande d'asile, demande rejetée comme irrecevable par décision du 5 août 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par décisions du 13 septembre 2021, la préfète de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, elle l'a assigné à résidence dans le département de la Loire. Par jugement du 21 septembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision fixant le pays à destination duquel M. B... serait éloigné d'office, et rejeté le surplus des conclusions. L'intéressé relève appel de ce jugement, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses demandes.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. B... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".

4. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

5. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

6. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., bien qu'il ait sollicité le réexamen de sa demande d'asile après qu'il avait été mis fin à son statut de réfugié en 2016, aurait été, à un moment de la procédure, informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou mis à même de présenter des observations. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui se borne à faire état, pour contester la mesure d'éloignement, de sa situation familiale, qui a été prise en compte par la préfète de la Loire dans la décision en litige, disposait d'éléments pertinents qu'il aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, s'ils avaient été communiqués à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En troisième lieu, M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur l'interdiction de retourner sur le territoire français :

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'avait soulevé aucun moyen en première instance contre la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français. Par suite, il n'est pas recevable à soutenir pour la première fois en appel que cette décision est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation, qu'elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu et qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision d'assignation à résidence :

10. En premier lieu, M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... disposait d'éléments pertinents qui, s'ils avaient été portés à la connaissance de l'administration, auraient pu faire obstacle à ce que soit prise la mesure d'assignation à résidence en litige. Par suite, le moyen selon lequel cette décision a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté.

12. Enfin, M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. Par ailleurs, il ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'une mesure d'assignation à résidence soit prise, cette mesure n'ayant pas pour effet de le séparer de sa famille et l'intéressé ne justifiant en tout état de cause pas d'une activité professionnelle que cette mesure pourrait interrompre. Dans ces conditions, l'arrêté du 13 septembre 2021 assignant à résidence M. B... n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation et ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande, en ce qu'elle était dirigée contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans et assignation à résidence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

L'assesseur le plus ancien,

François Bodin-HullinLe président rapporteur,

Thierry Besse

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 21LY03458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03458
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CABINET DG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-14;21ly03458 ?
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