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14/06/2022 | FRANCE | N°20LY03563

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 14 juin 2022, 20LY03563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 mars 2018 par lequel le maire de Chabeuil a délivré à société civile immobilière (SCI) CD2P Immobilier un permis de construire ainsi que la décision rejetant implicitement leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1804450 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et mis à la charge de la commune de Chabeuil la somme de 1500 euros à verser au

x époux B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 mars 2018 par lequel le maire de Chabeuil a délivré à société civile immobilière (SCI) CD2P Immobilier un permis de construire ainsi que la décision rejetant implicitement leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1804450 du 27 octobre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et mis à la charge de la commune de Chabeuil la somme de 1500 euros à verser aux époux B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée sous le n° 20LY03563 le 4 décembre 2020, la société CD2P Immobilier, représentée par Me Gay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2020 et de rejeter la demande des époux B... ;

2°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a reconnu comme fondé la méconnaissance de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Chabeuil ; elle a obtenu deux permis modificatifs obtenus les 11 janvier et 9 juillet 2019 qui mettent le projet en conformité avec ces dispositions ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés ; la violation alléguée des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme à la supposée fondée a été régularisée par les permis modificatifs ; la voie privée de desserte répond aux exigences du 1° de l'article UB 3 ; le moyen tiré de la méconnaissance du 2° de l'article UB 3 est inopérant, le projet n'emportant pas la création d'une voie nouvelle au sens de ces dispositions ; le moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article UB 4 manque en fait, de même que celui tiré de la méconnaissance des articles UB 9, UB 10 et UB 11 ; enfin, le projet litigieux ne relève pas de ceux nécessitant un permis valant division.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Lamamra, concluent au rejet de la requête et à ce que la commune de Chabeuil et la société CD2P Immobilier leur versent chacune la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour contester le permis en litige dès lors que le projet est situé sur le terrain contigu au leur, où ils projettent de bâtir leur maison, dont la construction est d'ailleurs en cours ; le projet en litige est source de nuisance visuelle sonore et préjudicie à la jouissance de leur propriété en la dépréciant ; un litige existe sur la servitude de passage des réseaux desservant le lot B et passant sur le lot A, qui n'a été accordée que pour un seul logement ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 13 est fondé car les arbres qu'il est proposé de replanter sont des arbustes composant une haie sans rapport avec les arbres de haute tige supprimés ; ce vice dont est entaché le permis en litige en justifie l'annulation totale sans qu'une régularisation puisse intervenir compte tenu de l'exiguïté de la surface de la parcelle d'assiette laquelle ne peut accueillir les douze arbres de haute tige à replanter pour compenser ceux abattus ;

- le projet relève du permis de construire valant division ; il méconnaît les 1° et 2° de l'article UB 3, ainsi que les articles UB 4, UB 9 et les 6° et 8° de l'article UB 10 du règlement du PLU.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2022 par une ordonnance du 31 mars précédent prise en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

II) Par une requête enregistrée le 15 décembre 2021 sous le n° 21LY03672, la commune de Chabeuil, représentée par la Selarl Plunian Avocats, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 27 octobre 2020 et de rejeter la demande des époux B... ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la cour fasse application de l'article L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en fixant un délai de six mois au pétitionnaire pour régulariser le cas échéant l'autorisation ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros solidairement à la charge de M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les intimés n'ont pas intérêt pour contester les permis en litige ; bien qu'acquéreurs du lot immédiatement voisin, ils n'ont pas encore construit leur maison, ni à la date d'affichage du premier permis, ni à la date de leur demande, et ne pouvaient pas se prévaloir de préjudices de vue, d'ensoleillement ou de nuisances sonores, alors que la parcelle d'assiette s'implante en zone urbaine dont le voisinage est bâti de pavillons ; le litige sur la servitude de passage concernant les réseaux n'a pas lieu d'être puisque le cheminement des réseaux a été recalé sur celui défini lors de l'arrêté portant non-opposition à déclaration préalable du 27 juillet 2016 ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la violation de l'article UB 13 du règlement ; les permis modificatifs obtenus les 11 janvier et 9 juillet 2019 mettent le projet en conformité avec ces dispositions ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait usage des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser le vice qu'il a retenu, alors que les conditions pour en user étaient remplies ;

- les autres moyens soulevés par les intimés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Lamamra concluent au rejet de la requête et à ce que la commune de Chabeuil et la société CD2P Immobilier leur versent chacune la somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir les mêmes moyens que ceux développés en défense sous la requête n° 20LY03563.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2022 par une ordonnance du 1er avril précédent prise en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par lettre en date du 4 mai 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser les vices tirés de la méconnaissance du 2°de l'article UB 13 et du 6e alinéa de UB 10 du règlement du PLU de Chabeuil.

Par un mémoire enregistré le 13 mai 2022, la société CD2P Immobilier a présenté ses observations en réponse à ce courrier.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Gay pour le SCI CD2P Immobilier, de Me Dallenne pour la commune de Chabeuil et de Me Lamamra pour M. et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) CD2P Immobilier ainsi que la commune de Chabeuil relèvent appel, par deux requêtes distinctes, du jugement du 27 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de M. C... et de Mme A... B..., l'arrêté du 9 mars 2018 par lequel le maire de Chabeuil a délivré un permis de construire deux logements à la société CD2P Immobilier, permis ayant fait l'objet de deux permis modificatifs délivrés les 11 janvier et 9 juillet 2019, ainsi que la décision rejetant implicitement leur recours gracieux contre cet arrêté.

2. Les requêtes susvisées n° 20LY03653 et n° 20LY03672, présentées par la SCI CD2P Immobilier et la commune de Chabeuil, sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et concernent les mêmes actes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'intérêt pour agir des intimés :

3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " ; aux termes de l'article L. 600-1-3 du même code : " Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ".

4. M. et Mme B..., dont la qualité de voisins immédiats n'est pas contestée, sont propriétaires depuis le 11 octobre 2017 des parcelles constituant le lot A d'une division parcellaire acquise par arrêté du 27 juillet 2016, la parcelle d'assiette du projet en constituant le lot B et en étant immédiatement contigüe. Les intimés ont obtenu, par un arrêté du 26 juin 2017, un permis de construire une maison d'habitation. Ainsi, si, M. et Mme B... ne justifient pas qu'ils résidaient dans cette habitation dès la date d'affichage de la demande de permis de construire, leur intérêt à contester ce permis doit être apprécié en tenant également compte de l'atteinte que la construction autorisée est susceptible de porter aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien et de leur future maison. Les intimés font état des nuisances et de la perte d'ensoleillement qu'occasionneront le projet, construit en limites séparatives, et justifient ainsi d'un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2018 en litige. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Chabeuil doit être écartée.

Sur la légalité des permis de construire :

En ce qui concerne le bien-fondé du motif d'annulation retenu par les premiers juges :

5. Pour annuler le permis de construire délivré à la société CD2P Immobilier, le tribunal a estimé que le projet méconnaît l'article UB 13 du règlement du PLU, dont les dispositions prévoient que : " les plantations existantes doivent être maintenues ou remplacées ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans de masse joints aux demandes de permis de construire modificatifs des 11 janvier et 9 juillet 2019, que le terrain d'assiette comprenait douze arbres dont un cèdre et deux sapins présentant un haut développement, deux bouleaux et des arbres fruitiers, étant précisé que, pour l'application de la disposition précitée, ne doivent pas être pris en compte les arbustes composant la haie implantée de l'autre côté de la limite séparative nord du terrain et hors de l'emprise de ce dernier. Il ressort de ces mêmes plans de masse que la totalité de ces arbres va être supprimée à l'exception du cerisier implanté à proximité de l'angle Sud-Est des limites séparatives du terrain. Les onze arbres supprimés, dont le cèdre et les deux sapins, ont vocation à être compensés par " au minimum " quatorze arbustes d'essence locale, implantés à un mètre les uns des autres et composant une haie implantée à cinquante centimètres de la limite séparative Sud du terrain. Les plantations d'arbustes projetées, sous forme d'une haie, ne sont toutefois pas équivalentes à celles qui sont supprimées et dont le remplacement est exigé par l'article UB 13 précité. Partant, la société pétitionnaire et la commune ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu ce moyen comme fondé.

7. Le vice affectant le permis de construire, relevé au point 6, s'il nécessite une modification importante du projet, est susceptible d'être régularisé sans en changer la nature même. Une telle régularisation n'est toutefois envisageable que si aucun des autres moyens soulevés par les intimés, en première instance ou en appel, qu'il y a lieu d'examiner au titre de l'effet dévolutif, n'y fait obstacle.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés à l'encontre des permis en litige :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. (...) ".

9. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. Si la notice accompagnant la demande de permis délivré le 9 mars 2018 ne fait état, s'agissant de l'état initial du terrain quant à la végétation présente, que d'un cèdre " à déplacer ", il ressort toutefois du plan de masse intitulé " état des lieux " versé à l'appui du dossier de demande du permis modificatif délivré le 11 janvier 2019, qu'est dressé un inventaire de l'ensemble des arbres présents sur le terrain d'assiette du projet. De même, le plan de masse intitulé " projet " annexé à la demande de permis de construire modificatif délivré le 9 juillet 2019 ainsi que le formulaire Cerfa comportent des informations sur le traitement paysager des espaces libres de construction. Par ailleurs, le plan de masse intitulé " état des lieux " joint à la demande du permis modificatif délivré le 11 janvier 2019 fait apparaître l'ensemble de la desserte par les différents réseaux. Enfin, la circonstance que les intimés, propriétaires du lot B, n'aient pas accordé de servitude de passage pour la desserte de deux habitations sur le lot A est, dès lors qu'une autorisation d'urbanisme est délivrée sous la réserve du droit des tiers, sans effet sur la légalité des permis en litige. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande, complété par les permis modificatifs, doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article UB 3 du règlement du PLU : " 1- Dispositions concernant les accès : Les occupations et utilisations du sol peuvent être refusées sur des terrains qui ne seraient desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble de l'immeuble envisagé (...). Elles peuvent être également refusées si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celles des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu notamment de la position des accès, de leur configuration, ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / 2- Disposition concernant la voirie : Toute voie nouvelle ouverte à la circulation automobile doit être réalisée avec une plate-forme d'au moins cinq mètres de large. (...) Les voies nouvelles se terminant en impasse doivent être aménagées dans leur partie terminale de façon que les véhicules puissent aisément faire demi-tour ". Selon le lexique annexé au règlement : " L'accès est constitué par la limite entre le terrain et la voie qui le dessert. La voie nouvelle est une emprise publique ou privée qui permet de desservir plusieurs propriété distinctes ".

12. Il ressort des pièces du dossier que la voie interne au terrain d'assiette desservant la construction projetée présente une largeur de quatre mètres et débouche au droit de la voie publique qui la dessert en plateforme évasée, permettant le croisement des véhicules à cet endroit et l'insertion des véhicules dans des conditions de sécurité satisfaisantes. La circonstance que cette voie interne au terrain d'assiette du projet forme un coude à son extrémité sud, à proximité de la construction projetée, est sans effet sur la légalité du permis au regard des règles citées au point précédent dès lors que ces dispositions ne s'appliquent pas à la voie de desserte interne au terrain d'assiette. Par suite, le permis de construire ne méconnaît pas les dispositions citées au point précédent.

13. En quatrième lieu, l'article UB 4 impose le raccordement aux réseaux publics notamment d'eau et d'assainissement, lorsqu'ils existent comme en l'espèce. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire tel que modifié par les permis modificatifs prévoit un raccordement de la construction projetée aux différents réseaux et a été délivré à la condition que chacun des deux logements projetés dispose de ses propres branchements réseaux. Si les intimés font grief au projet de ne pas prévoir un double raccordement aux réseaux dès lors que la servitude de passage consentie sur leur lot ne l'est que pour une habitation, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 10, le permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers et l'éventuelle aggravation de la servitude sur le lot des intimés est sans effet sur la légalité du permis de construire en litige.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 151-21 du code de l'urbanisme : " Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ". Par ailleurs, suivant l'article UB 9, l'emprise au sol des constructions ne doit pas excéder 50% de la superficie du terrain support. Cette règle, faute de mention contraire au PLU applicable, doit s'apprécier à l'échelle du lotissement.

15. Il ressort des pièces du dossier que la surface totale du lotissement est de 1 472 m². Selon la déclaration préalable de travaux valant division, ceux-ci sont répartis à hauteur de 657 m² pour le lot A et de 815 m² pour le lot B. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les constructions projetées présentent une emprise au sol d'environ 217 m² pour le lot A et de 337,2 m² pour le lot B, la voie interne étant par ailleurs exclue de l'emprise du projet. Dès lors, les règles fixées par le PLU sont respectées au regard de l'ensemble du projet.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article UB 10 du règlement : " La hauteur des constructions ne doit pas dépasser trois mètres en limite séparative et 4 m au point le plus haut de la construction. (....) / La hauteur des clôtures est limitée à 1,60 m ".

17. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le mur d'une hauteur de deux mètres séparant les deux terrasses mitoyennes de la construction projetée n'est pas une clôture au sens et pour l'application des dispositions précitées, dès lors qu'elle n'est pas implantée en limites séparatives et en dépit du fait que ce mur a vocation à privatiser ces terrasses.

18. D'autre part, la règle de hauteur énoncée au point 16 s'apprécie par rapport aux seules limites séparatives du lotissement et s'applique aux constructions implantées en cette limite séparative en prévoyant une limitation stricte de la hauteur maximale au faîtage de la construction nouvelle. Or, il ressort des plans de masse que la construction projetée, qui s'implante en limite séparative ouest du lotissement, présente un faîtage d'une hauteur supérieure à quatre mètres, en violation des dispositions précitées, lesquelles fixent une règle de hauteur maximale au point le plus haut de la construction, et non sur la façade en limite séparative. Par suite, les intimés sont fondés à soutenir que le permis de construire méconnaît les règles rappelées au point 16.

19. En septième lieu, les dispositions de l'article UB 11 dans leur portée générale renvoient à l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et prévoient que les constructions projetées ne doivent pas porter atteinte au caractère des lieux avoisinants. Il ressort des pièces du dossier que l'architecte des bâtiments de France, consulté à titre facultatif sur le projet a, dans son avis du 27 octobre 2017, préconisé de supprimer l'auvent en limite ouest. Alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le maintien de cet auvent porte atteinte au caractère des lieux avoisinants, constitué majoritairement de maisons individuelles de type pavillonnaire, le maire, qui n'était pas tenu par cette recommandation, n'a pas entaché le permis en litige d'erreur d'appréciation en s'abstenant d'assortir le permis litigieux d'une prescription en ce sens.

20. En huitième lieu, l'article UB 13 prévoit que " les voies nouvelles devront être plantées d'arbres de haute tige tous les dix mètres environs (...) ". Si les intimés soutiennent que le projet méconnait ces dispositions en ce qu'il ne prévoit pas de telles plantations le long de la voie d'accès aux constructions projetées, d'une longueur de vingt-cinq mètres, ces dispositions ne s'appliquent toutefois pas à la desserte interne au terrain d'assiette, laquelle ne constitue pas une voie nouvelle au sens et pour l'application de ces dispositions.

21. En neuvième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la construction de deux maisons accolées destinées à la location sur le lot B du lotissement autorisé par arrêté du 27 juillet 2016 du maire de Chabeuil. Ce projet, qui exclut une division en jouissance ou en propriété de la future construction avant l'achèvement du projet, ne relève ni du permis valant division, ni d'une opération de lotissement. Les intimés ne sont donc pas fondés à soutenir que le permis de construire en litige a été autorisé en méconnaissance du champ d'application de l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme, ni que la demande de permis de construire ne comportait pas de plan de division comme l'exigent ces mêmes dispositions. Par ailleurs, la circonstance que postérieurement à l'obtention du permis de construire en litige, des petites annonces de vente en copropriété de l'une de deux habitations projetées aient été publiées ne permet pas d'établir l'intention frauduleuse du pétitionnaire.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

22. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

23. Les vices affectant le permis de construire, relevés aux points 6 et 18 du présent arrêt, apparaissent susceptibles d'être régularisés, sans que la nature même du projet ne soit modifiée, notamment en allouant une surface plus étendue aux plantations. Il y a lieu, en conséquence de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer et de fixer à cinq mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à la société CD2P Immobilier pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du projet en litige.

DÉCIDE :

Article 1er : En application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il est sursis à statuer sur la requête jusqu'à l'expiration du délai de cinq mois fixé au point 23.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties dans cette instance sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SCI CD2P Immobilier, à la commune de Chabeuil ainsi qu'à M. C... et Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

La rapporteure,

Christine Psilakis Le président,

Thierry Besse

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY03563-20LY03672


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LAMAMRA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 14/06/2022
Date de l'import : 28/06/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20LY03563
Numéro NOR : CETATEXT000045952141 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-14;20ly03563 ?
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