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14/06/2022 | FRANCE | N°20LY02177

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 14 juin 2022, 20LY02177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D..., également connu sous le nom de G... C..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 avril 2019 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé la prolongation de son placement à l'isolement jusqu'au 12 mai 2019.

Par un jugement n° 1908543 du 2 juin 2020, ce tribunal a fait droit à sa demande et a mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 3

7 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D..., également connu sous le nom de G... C..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 avril 2019 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé la prolongation de son placement à l'isolement jusqu'au 12 mai 2019.

Par un jugement n° 1908543 du 2 juin 2020, ce tribunal a fait droit à sa demande et a mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'État.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 4 août 2020 sous le n° 20LY02177, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal.

Il soutient que :

- la décision annulée a été prise à l'issue d'une procédure régulière et par une autorité compétente ;

- les moyens tirés de ce qu'elle était entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2020, M. G... C..., représenté par Me Ciaudo, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État au profit de son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- la requête est tardive ;

- les droits de la défense ont été méconnus en ce que le dossier de mise à l'isolement ne lui a pas été communiqué préalablement à son placement préventif et en urgence à l'isolement ainsi qu'avant son placement définitif à l'isolement, la prolongation de son placement à l'isolement n'a pas été précédée d'un débat contradictoire et le rapport produit en appel par le garde des sceaux, ministre de la justice n'était pas joint au dossier d'isolement ;

- le médecin de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas n'a pas été consulté préalablement à la prolongation de son placement à l'isolement ;

- cette décision était entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 novembre 2020.

II. Par une ordonnance du 25 novembre 2021 enregistrée sous le n° 21LY03780, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures nécessaires à l'exécution du jugement n° 1908543 du tribunal administratif de Lyon du 2 juin 2020 en tant qu'il a mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à Me Ciaudo au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'État.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La requête et la procédure d'exécution visées ci-dessus sont relatives à un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

2. M. A... D..., également connu sous le nom de G... C..., a été placé à l'isolement le 10 novembre 2016. Par une décision du 2 avril 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice a prolongé jusqu'au 12 mai suivant le placement à l'isolement de ce détenu, alors incarcéré à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 2 avril 2019 et mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à Me Ciaudo au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État. Par une ordonnance du 25 novembre 2021 enregistrée sous le n° 21LY03780, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures nécessaires à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 juin 2020.

Sur l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice :

En ce qui concerne l'exception de forclusion :

3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". Il résulte de l'article R. 751-4-1 du même code que lorsque la décision est notifiée par la voie de l'application informatique Télérecours aux parties qui sont inscrites dans cette application, ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai.

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de M. D... a été mis à la disposition du garde des sceaux, ministre de la justice dans l'application informatique Télérecours le 2 juin 2020. À défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du jugement dans l'application Télérecours, le garde des sceaux, ministre de la justice est réputé avoir reçu notification de la décision au plus tard le 4 juin 2020. Par suite, la requête enregistrée le 4 août 2020 n'est pas tardive.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article R. 57-7-68 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Lorsque la personne détenue est à l'isolement depuis un an à compter de la décision initiale, le ministre de la justice peut prolonger l'isolement pour une durée maximale de trois mois renouvelable. / La décision est prise sur rapport motivé du directeur interrégional saisi par le chef d'établissement selon les modalités de l'article R. 57-7-64. L'isolement ne peut être prolongé au-delà de deux ans sauf, à titre exceptionnel, si le placement à l'isolement constitue l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier qu'un avis favorable au maintien à l'isolement de M. D... a été émis par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon dans un rapport motivé du 18 mars 2019, produit en appel par le garde des sceaux, ministre de la justice. Le garde des sceaux, ministre de la justice est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon, pour annuler la décision du 2 avril 2019, a retenu le moyen tiré de ce que M. D... avait été privé d'une garantie de procédure en l'absence de saisine du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon et d'édiction par celui-ci d'un rapport motivé. Il y a donc lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal.

7. La décision du 2 avril 2019 a été signée par Mme F... B..., directrice des services pénitentiaires, rédactrice au sein du bureau de gestion de la détention et des missions extérieures de la sous-direction de la sécurité pénitentiaire du ministère de la justice, qui avait reçu délégation à cet effet par un arrêté du 4 mars 2019 du directeur de l'administration pénitentiaire, régulièrement publié au Journal officiel de la République française le 9 mars suivant. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit donc être écarté comme manquant en fait.

8. Aux termes de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande. (...). Les observations de la personne détenue et, le cas échéant, celles de son avocat sont jointes au dossier de la procédure. Si la personne détenue présente des observations orales, elles font l'objet d'un compte rendu écrit signé par elle. Le chef d'établissement, après avoir recueilli préalablement à sa proposition de prolongation l'avis écrit du médecin intervenant à l'établissement, transmet le dossier de la procédure accompagné de ses observations au directeur interrégional des services pénitentiaires lorsque la décision relève de la compétence de celui-ci ou du ministre de la justice. (...). ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., a été informé le 1er mars 2019 de ce que la prolongation de son isolement était envisagée, des motifs invoqués par l'administration et de ce qu'il pouvait présenter des observations écrites ou orales, se faire assister ou représenter et consulter les pièces relatives à la procédure. L'intéressé, qui a présenté des observations orales mais a refusé de signer le formulaire attestant de ce qu'il avait pris connaissance de ses informations, n'établit pas que le directeur de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas aurait refusé de lui communiquer le rapport du 18 mars 2019 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon et les autres les pièces relatives à la procédure. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense garantis par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration doit dès lors être écarté.

10. Aux termes de l'article R. 57-7-73 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé. / L'avis écrit du médecin intervenant dans l'établissement est recueilli préalablement à toute proposition de renouvellement de la mesure au-delà de six mois et versé au dossier de la procédure. ". Il ressort des pièces du dossier que le médecin intervenant à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas a émis un avis écrit le 20 février 2019, conformément à ces dispositions.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été transféré à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas le 20 décembre 2018 en provenance du centre pénitentiaire de Joux-la-Ville, par mesure d'ordre et de sécurité, après y avoir agressé un agent pénitentiaire. Il a été placé à l'isolement dès son arrivée à la maison d'arrêt où il a de façon régulière proféré des menaces mortifères et insultes virulentes à l'encontre du personnel. Dans ces conditions, au regard à la fois du motif du transfert de l'intéressé à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, de la persistance de son agressivité envers le personnel pénitentiaire et de son instabilité psychiatrique ayant justifié plusieurs hospitalisations, le garde des Sceaux, ministre de la justice n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que son maintien à l'isolement se justifiait pour préserver l'ordre de la maison d'arrêt et la sécurité de ses personnels.

12. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 2 avril 2019. La demande présentée par M. D... devant le tribunal doit être rejetée.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

Sur la demande d'exécution :

14. Par le présent arrêt, la cour annule le jugement du 2 juin 2020 et rejette la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lyon. Par suite, la demande de Me Ciaudo tendant à ce que soient prescrites les mesures d'exécution de ce jugement sont sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21LY03780.

Article 2 : Le jugement n° 1908543 du tribunal administratif de Lyon du 2 juin 2020 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions présentées en appel au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. A... D..., également connu sous le nom de G... C..., et à Me Alexandre Ciaudo.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

M. Rivière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

Le rapporteur,

C. E...La présidente,

C. Michel

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

Nos 20LY02177, 21LY03780


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02177
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-14;20ly02177 ?
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