La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2022 | FRANCE | N°20LY01288

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 14 juin 2022, 20LY01288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Mornans a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2017, par lequel le préfet de la Drôme a retiré le permis de construire modificatif qu'elle avait tacitement obtenu le 11 septembre précédent.

Par un jugement n° 1802061 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 avril 2020, la SCI Mornans, représentée par

la Selas Fiducial Legal by Lamy et Me Guitton, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Mornans a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2017, par lequel le préfet de la Drôme a retiré le permis de construire modificatif qu'elle avait tacitement obtenu le 11 septembre précédent.

Par un jugement n° 1802061 du 11 février 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 avril 2020, la SCI Mornans, représentée par la Selas Fiducial Legal by Lamy et Me Guitton, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2020 du tribunal administratif de Grenoble ainsi que cet arrêté du 16 novembre 2017 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer le permis de construire dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ou à défaut d'enjoindre au préfet le réexamen de sa demande suivant le même délai ;

3°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté en litige a été édicté au terme d'une procédure irrégulière ; elle n'a pas été en mesure d'accéder aux pièces ayant fondé la décision du préfet ; la procédure de retrait ne porte que sur l'annexe faisant office de garage ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur d'appréciation pour l'application de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ; c'est à tort que le tribunal a retenu cumulativement deux critères, tirés de la surface plancher de la totalité des annexes, dont le calcul est en outre entaché d'une erreur matérielle, et du caractère dispersé de ces annexes, pour exclure le caractère limité de la taille des annexes en cause ; le garage présente une surface plancher de 48 m², ce qui constitue une taille limitée au regard de la surface plancher de la construction principale.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 janvier 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle s'en rapporte au mémoire produit par le préfet de la Drôme devant le tribunal administratif.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 février 2022 par une ordonnance du 24 janvier précédent prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Dadon, substituant Me Guitton, pour la SCI Mornans ;

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Mornans a, par arrêté du 10 avril 2015 et au nom de l'Etat, la commune de Mornans étant soumise au règlement national d'urbanisme, délivré un permis de construire à la SCI Mornans pour la construction d'une piscine, d'un local technique, d'un abri couvert destiné au stationnement d'un véhicule ainsi que d'un garage et pour la transformation d'une terrasse en chambre avec salle d'eau au lieu-dit " Les Serres ". Le 11 août 2017, la société Mornans a sollicité la délivrance d'un permis de construire modificatif afin de régulariser le déplacement du local technique, l'implantation et l'agrandissement du garage, initialement accolé à l'habitation, ainsi que la création d'une serre potagère accolée à ce garage. Par un arrêté du 16 novembre 2017, le préfet de la Drôme a retiré le permis de construire modificatif qui avait été tacitement accordé à la SCI Mornans le 11 octobre 2017 pour cette régularisation. La société pétitionnaire interjette appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2017.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 novembre 2017 :

2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, l'autorité compétente pour délivrer un permis de construire est le maire au nom de l'Etat ou le préfet dans une commune ne disposant pas d'un document d'urbanisme, comme en l'espèce la commune de Mornans. Par ailleurs, le permis de construire étant une décision créatrice de droits, celle-ci peut, lorsqu'elle est illégale, être retirée par son auteur ou par le supérieur hiérarchique de celui-ci dans le délai du recours contentieux. Dans ces conditions, le préfet de département était compétent pour retirer le permis de construire tacite accordé par le maire de Mornans à la société requérante. Par arrêté du 4 septembre 2017, publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, le préfet de la Drôme a consenti une délégation à M. B... A..., signataire de l'arrêté attaqué et secrétaire général de la préfecture de la Drôme, à l'effet de signer tous les actes relevant des services de la préfecture et de la fonction de direction des services déconcentrés de l'Etat. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un chef de service de l'Etat dans le département aurait reçu délégation pour signer un tel acte, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en litige doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées. Il ressort des termes de la décision en litige que le préfet de la Drôme, après avoir visé l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme et rappelé la teneur de cette disposition, laquelle prévoit que les annexes aux habitations existantes sont autorisées sous réserve qu'elles soient de taille limitée, s'est fondé sur la circonstance que la construction d'une annexe de 84 m² d'emprise au sol telle que prévue par la pétitionnaire ne pouvait pas être considérée comme étant de taille limitée. Ce faisant, le préfet a suffisamment motivé sa décision.

4. En troisième lieu, si la société requérante soutient que la procédure de retrait est viciée parce qu'elle n'a pas été destinataire, au cours de cette procédure, des avis émis par le maire et le directeur départemental des territoires préalablement recueillis avant l'édiction de l'arrêté litigieux, toutefois, ces avis consultatifs n'avaient pas à être transmis à la pétitionnaire au stade de la procédure contradictoire. Par ailleurs, la société soutient que le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme évoqué par le préfet au stade de la procédure contradictoire ne portait que sur l'annexe à usage de garage, laquelle présente un caractère divisible du permis de construire modificatif en litige, et n'aurait pas dû entrainer le retrait total de l'autorisation en litige. Toutefois, et alors que la demande de permis modificatif emportait des modifications essentiellement sur cette annexe, le retrait en litige est fondé précisément sur la taille de cette annexe. Dans ces conditions, la société requérante, qui a été informée des motifs du retrait, a été mise à même de faire valoir ses observations.

5. En quatrième lieu, l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme prévoit que les permis de construire ne peuvent être retirés que dans un délai de trois mois et à condition d'être entachés d'illégalité.

6. Pour retirer le permis de construire tacitement accordé à la société Mornans le préfet de la Drôme s'est fondé sur la circonstance que " la demande de modification du permis initial consiste notamment à modifier l'implantation du garage et à l'agrandir en y ajoutant une serre : le projet de modification a pour effet d'agrandir la taille de l'annexe (garage) pour une emprise totale après travaux d'au moins 84 m². (...) Toutefois, une annexe de 84m² ne peut être considérée comme de taille limitée. En conséquence le projet de modification du permis initial est illégal (...) ".

7. Aux termes de l'article L. 122-5 du même code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le retrait litigieux porte sur un permis de construire modifiant, au regard de celui délivré le 10 avril 2015, l'implantation du local technique de la piscine et celle du garage tout en augmentant l'emprise de ce dernier de 48.75 m² à 64.6 m² et en lui accolant une serre d'une emprise nouvellement créée de 20.46 m². Par ailleurs, et alors que ce garage était auparavant accolé à la maison et avait été regardé initialement par le préfet comme une extension de celle-ci, il en est désormais détaché, dans ce permis modificatif régularisant les travaux entrepris, et ne peut être considéré désormais que comme une annexe. Compte tenu des dimensions de ce bâtiment qualifié de garage, d'une emprise au sol supérieure à 64 m2 et d'une surface de plancher supérieure à 48 m2, indépendamment même de la serre qui lui est accolée, il ne peut être regardé comme une annexe de taille limitée, sans qu'ait d'incidence la circonstance que la construction à laquelle elle se rapporte présente une surface plancher de plus de 280 m². Dans ces conditions, en retirant pour ce motif le permis de construire modificatif, le préfet de la Drôme n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation pour l'application des dispositions précitées au point précédent.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Mornans n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la requérante au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Mornans est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Mornans et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la commune de Mornans.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

La rapporteure,

Christine Psilakis Le président,

Thierry Besse

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY01288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01288
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FIDUCIAL LEGAL BY LAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-14;20ly01288 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award