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09/06/2022 | FRANCE | N°20LY02513

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 09 juin 2022, 20LY02513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon, en premier lieu, d'annuler, d'une part, la décision du 20 mars 2019 par laquelle la rectrice de l'académie de Lyon a refusé de répercuter, au cours de son stage de professeur certifié et de son détachement dans ce corps, l'avancement dont elle venait de bénéficier dans le corps des professeurs de l'enseignement professionnel en la reclassant en tant que stagiaire au 5ème échelon de la hors classe du corps des certifiés, ensemble le rejet implicite

de son recours gracieux, d'autre part, l'arrêté du 16 juillet 2019 par le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon, en premier lieu, d'annuler, d'une part, la décision du 20 mars 2019 par laquelle la rectrice de l'académie de Lyon a refusé de répercuter, au cours de son stage de professeur certifié et de son détachement dans ce corps, l'avancement dont elle venait de bénéficier dans le corps des professeurs de l'enseignement professionnel en la reclassant en tant que stagiaire au 5ème échelon de la hors classe du corps des certifiés, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux, d'autre part, l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel la rectrice, en la titularisant dans le corps des professeurs certifiés à la classe normale, refuse de la reclasser à la hors classe de ce corps, enfin, l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel la même autorité ne la reclasse qu'au 11ème échelon de la classe normale du corps des professeurs certifiés, deuxièmement, d'enjoindre sous astreinte à la rectrice de l'académie de Lyon de reconstituer sa carrière en fonction d'un reclassement au 5ème ou 6ème échelon du grade de professeur certifié hors classe.

Par jugement n° 1907507 lu le 24 juin 2020, le tribunal a fait droit à sa demande d'annulation et d'injonction.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 31 août 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal par Mme C....

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il statue sur la décision du 20 mars 2019 et le rejet implicite de recours hiérarchique ;

- l'avancement dans le grade d'origine étant dépourvu d'effet sur la situation de l'agent détaché dans le corps d'accueil, la demande d'avancement en cours de stage devait être rejetée ;

- le reclassement devait être prononcé en application exclusive du décret du 16 septembre 1951 auquel se réfèrent les articles L. 911-1 et D. 911-2 du code de l'éducation.

Par mémoires enregistrés les 22 février 2021 et 24 février 2021, Mme C..., représentée par Me Calvet-Baridon, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- la requête d'appel est irrecevable, faute d'habilitation de son signataire ;

- subsidiairement, les moyens invoqués ne sont pas fondés et que la décision du 20 mars est dépourvue de motivation.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait la rectrice de l'académie de Lyon pour refuser de faire droit à la demande d'avancement d'échelon de Mme C... en cours de stage, l'article 45 de la loi n° 84-16 faisant obstacle à ce qu'une promotion prononcée dans le corps d'origine le soit dans le corps de détachement. D'où inopérance des moyens de la requête dirigés contre la décision du 20 mars 2019 qui ne tendent pas à contester cette situation de compétence liée.

Par mémoire enregistré le 28 mars 2022, Mme C..., répliquant à cette mesure d'instruction, persiste dans ses écritures au motif que son classement pendant la période de détachement est étranger au litige.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'éducation, notamment ses articles L. 911-1 et D. 911-2 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 portant règlement d'administration publique pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale ;

- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions ;

- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Arbarétaz, président ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Royaux pour Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., professeure de lycée professionnel de grade hors classe, 4e échelon, a été détachée en tant que stagiaire dans le corps des professeurs certifiés à compter du 1er septembre 2018, par la voie de l'inscription sur liste d'aptitude. Elle a été classée, à cette date, au 1er échelon de la classe normale du corps d'accueil. Ayant bénéficié d'un avancement à l'ancienneté, le 19 septembre 2018, au 5ème échelon de la hors classe dans son corps d'origine, elle a demandé que cette promotion soit répercutée dans les conditions de son détachement. Par décision du 20 mars 2019, la rectrice de l'académie de Lyon a refusé de faire droit à sa demande, puis a implicitement rejeté son recours hiérarchique. A la fin de l'année de stage, la rectrice, par arrêtés du 16 juillet 2019 et du 2 septembre 2019, n'a titularisé et reclassé Mme C... qu'au 11ème échelon de la classe normale du corps des professeurs certifiés. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports relève appel du jugement par lequel le tribunal a annulé ces décisions.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...), peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les (...) sous-directeurs (...) ". Mme A... B..., sous-directrice des affaires juridiques de l'enseignement scolaire ayant signé la présente requête plus d'un jour suivant la publication de la décision l'ayant nommée dans ces fonctions, la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée du défaut d'habilitation à interjeter appel par délégation du ministre doit être écartée.

Sur la décision du 20 mars 2019 et le rejet implicite de recours hiérarchique :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ;

3. Aux termes de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction alors applicable : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement (...) ". Aux termes de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 susvisé : " Le détachement d'un fonctionnaire ne peut avoir lieu que dans l'un des cas suivants : (...) 10° Détachement pour l'accomplissement d'un stage ou d'une période de scolarité préalable à la titularisation dans un emploi permanent de l'État (...) ". Tandis qu'en vertu des articles 27 et 28 du décret du 4 juillet 1972 susvisé, les professeurs de l'enseignement professionnel recrutés sur liste d'aptitude, sont titularisés dans le corps des professeurs certifiés après un stage probatoire d'une année scolaire.

4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que l'avancement dont bénéficie le fonctionnaire dans son corps d'origine est dépourvu d'effet sur sa situation dans le corps de détachement, laquelle dépend des règles d'avancement en vigueur dans ce corps pendant toute la durée du détachement. En conséquence, et alors que n'est pas contesté l'arrêté originel mettant au stage Mme C... au 1er échelon de la classe normale des certifiés, la rectrice de l'académie de Lyon ne pouvait que refuser de répercuter l'avancement d'échelon dont avait bénéficié l'intéressée dans son corps d'origine et, ainsi, refuser de la reclasser stagiaire certifiée hors classe à la faveur d'une progression d'échelon dans la hors classe du corps des professeurs de l'enseignement professionnel.

5. Les décisions en litige ne pouvant se prononcer que sur la prise en compte, en cours de détachement, d'un avancement d'échelon dans la classe normale des certifiés, non pas sur la remise en cause du détachement dans le grade de la classe normale de ce corps prononcée lors de la mise au stage, le moyen tiré de ce que cette demande d'avancement d'échelon aurait dû se traduire par un reclassement, en cours de stage, au 5ème échelon de la hors classe du corps des certifiés, sous peine de méconnaissance de l'article 26-1 du décret du 16 septembre 1985 susvisé qui garantit l'équivalence de grade en cas de détachement, doit être écarté comme inopérant.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du 20 mars 2019 et le rejet implicite de recours hiérarchique, motif pris de ce qu'ils méconnaissaient les règles de détachement dans l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale. Il y a lieu toutefois pour la cour, saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme C....

7. La rectrice étant, ainsi qu'il vient d'être dit, placée en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à une demande de modification des conditions de classement dans le corps d'accueil en cours de stage, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et du défaut de motivation de la décision du 20 mars 2019 doivent être écartés comme inopérants. Il suit de là que le jugement attaqué doit être annulé en ce qu'il annule la décision du 20 mars 2019 et le rejet implicite de recours hiérarchique, et que la demande présentée par Mme C... contre ces décisions doit être rejetée.

Sur les arrêtés du 16 juillet 2019 et du 2 septembre 2019 :

8. Aux termes de l'article 29 du décret du 4 juillet 1972 susvisé, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Les professeurs certifiés stagiaires recrutés (...) [sur liste d'aptitude] sont classés à la date de leur titularisation, selon les dispositions du décret du 5 décembre 1951 (...) ". Aux termes de l'article D. 911-2 du code de l'éducation : " Les dispositions relatives au classement sont déterminées par le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951(...) ". Aux termes de l'article 8 de ce décret : " Les fonctionnaires qui appartenaient déjà en qualité de titulaire à un corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale (...) sont nommés dans leur nouveau grade avec une ancienneté égale à leur ancienneté dans leur précédent grade multipliée par le rapport du coefficient caractéristique de ce grade au coefficient caractéristique du nouveau grade ", et aux termes de l'article 10 du même décret : " (...) 2° Lorsque le fonctionnaire était classé à la hors-classe du corps auquel il appartenait, (...), l'ancienneté est égale à l'ancienneté d'échelon acquise par l'intéressé, augmentée de la durée des services nécessaires pour accéder, sur la base de l'avancement à l'ancienneté, à un échelon de la classe normale (...) Cet échelon est déterminé selon les dispositions figurant à l'annexe II (...) ". Le b) de l'annexe II à ce décret comprend un tableau de correspondance qui prévoit pour un fonctionnaire classé au 5ème échelon du grade de professeur de lycée professionnel hors-classe, un reclassement au 11ème échelon du grade de professeur certifié de classe normale.

9. Il résulte de ces dispositions combinées que les professeurs certifiés stagiaires recrutés sur liste d'aptitude qui, comme Mme C..., relevaient déjà d'un corps d'enseignants de la fonction publique de l'État, sont intégrés dans ce corps à l'issue de leur année de stage et reclassés en fonction des règles d'équivalence définies par l'annexe II au décret n° 51-1423, lesquelles s'appliquent, contrairement à ce que soutient Mme C..., tant au grade qu'à l'ancienneté dans l'échelon.

10. Enfin, Mme C... ne peut utilement se prévaloir contre les arrêtés litigieux qui, prononçant son intégration et son reclassement dans le corps des professeurs certifiés, mettent fin à son détachement dans ce corps, de la méconnaissance des articles 26-1 et 26-3 du décret du 16 septembre 1985 susvisé qui déterminent les modalités de détachement dans l'un des corps de la fonction publique de l'État.

11 Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé les arrêtés du 16 juillet 2019 et du 2 septembre 2019, motif pris de la méconnaissance de la règle d'équivalence de grade en cas de détachement. Il y a lieu toutefois pour la cour, saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par Mme C... devant le tribunal.

12. Par décision du 13 septembre 2018, publiée le lendemain au recueil des actes administratifs de l'Etat, le recteur a donné au secrétaire général de l'académie délégation pour signer tous actes relevant de ses attributions. Il suit de là, d'une part, que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés litigieux doit être écarté comme manquant en fait, d'autre part, que le jugement n° 1907507 lu le 24 juin 2020 doit être annulé en ce qu'il fait droit aux conclusions de la demande dirigées contre ces arrêtés, et la demande d'annulation présentée par Mme C... devant le tribunal contre lesdits arrêtés ainsi que, par voie de conséquence, celle présentée à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les conclusions présentées par Mme C..., partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1907507 du tribunal administratif de Lyon lu le 24 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal et le surplus de ses conclusions sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

Le président, rapporteur,

Ph. ArbarétazLe président assesseur,

Ph. Seillet

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02513

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02513
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Changement de cadres - reclassements - intégrations - Changement de corps.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Détachement et mise hors cadre - Détachement - Situation du fonctionnaire détaché.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : DOITRAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-09;20ly02513 ?
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