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09/06/2022 | FRANCE | N°20LY01471

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 09 juin 2022, 20LY01471


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 mai 2020, 9 juin 2020, 18 décembre 2020, 17 mars 2021, 29 juin 2021 et 15 juillet 2021 (ces derniers non communiqués) la société Boralex Mercoeur II, représentée par Me Guiheux, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2020 par lequel le préfet de la Haute-Loire a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une installation de onze éoliennes et un poste de livraison sur les communes de Mercœur

et de Sainte Eugénie de Villeneuve ;

2°) de délivrer l'autorisation, subsidiairement,...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 mai 2020, 9 juin 2020, 18 décembre 2020, 17 mars 2021, 29 juin 2021 et 15 juillet 2021 (ces derniers non communiqués) la société Boralex Mercoeur II, représentée par Me Guiheux, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2020 par lequel le préfet de la Haute-Loire a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter une installation de onze éoliennes et un poste de livraison sur les communes de Mercœur et de Sainte Eugénie de Villeneuve ;

2°) de délivrer l'autorisation, subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire de la lui délivrer, à titre infiniment subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'État et des intervenants volontaires une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, dans le dernier état de ses écritures :

- les interventions sont irrecevables ;

- le refus est insuffisamment motivé ;

- l'étude d'impact n'est pas insuffisante ;

- l'appréciation de l'impact du projet sur les paysages est erronée ;

- c'est à tort que le préfet s'est senti lié par les conclusions de la commission d'enquête publique et ces conclusions ne permettent pas de refuser le projet d'éolien.

Par des mémoires enregistrés les 23 septembre 2020, 1er juillet 2021 et 15 juillet 2021 (ces deux derniers non communiqués), l'association Protection paysages environnement des hameaux de Mercœur, et autres particuliers, représentés par Me Gros, interviennent au soutien des conclusions de l'État et demandent que soit mis à la charge de la société Boralex Mercoeur II une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que leur intervention est recevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par des mémoires enregistrés les 26 février 2021, 25 mai 2021, 29 juin 2021, 30 juin 2021 (ces deux derniers non communiqués), M. A... de Bouchard d'Aubeterre intervient au soutien des conclusions de l'État.

Il soutient que son intervention est recevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par des mémoires enregistrés les 15 mars 2021, 22 avril 2021, 19 mai 2021, 21 juin 2021, 28 juin 2021 et 9 mai 2022 (ces trois derniers non communiqués) M. C... B... intervient au soutien des conclusions de l'État.

Il soutient que son intervention est recevable et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 1er juillet 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 2 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Guiheux, pour la société Boralex Mercoeur II, ainsi que celles de Me Gros pour l'association protection paysages environnement des hameaux de Mercœur, et celles de M. de Bouchard d'Aubeterre ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 mai 2022, présentée par Me Guiheux ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er juin 2022, présentée par Me Gros ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Boralex Mercoeur II a présenté, le 13 décembre 2016, une demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien composé de onze aérogénérateurs sur la commune de Mercoeur et d'un poste de livraison, situé sur le territoire des communes de Mercœur et de Sainte Eugénie de Villeneuve. Se fondant sur l'insuffisance de l'étude d'impact et sur l'atteinte portée aux paysages, à l'avifaune et aux chiroptères, le préfet de la Haute-Loire a rejeté cette demande par arrêté du 18 mars 2020 dont la société Boralex Mercoeur II demande l'annulation.

Sur les interventions :

2. L'association Protection paysages environnement des hameaux de Mercœur, qui a pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts, de s'opposer aux projets de parcs éoliens dans la commune de Mercoeur, justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué. En outre, son président détient, en vertu de l'article 10 des mêmes statuts, la qualité pour ester en justice.

3. Dès lors qu'au moins l'un des intervenants est recevable, une intervention collective est recevable. Il suit de là que l'intervention des personnes physiques agissant avec l'association Protection paysages environnement des hameaux de Mercœur doit être admise avec celle de ladite association.

4. En revanche, aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " (...) les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 ", à savoir un avocat ou un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Les interventions de M. de Bouchard d'Aubeterre et M. B... ayant été présentées sans le ministère d'avocat, sont irrecevables et ne peuvent, par suite, être admises.

Sur l'arrêté du 18 mars 2020 :

En ce qui concerne l'insuffisante motivation de l'arrêté :

5. Le refus d'autorisation en litige a visé les textes dont il fait application et mentionne les circonstances de fait présentées comme étant de nature à justifier la décision prise. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration manquant en fait, il ne peut fonder l'annulation de l'arrêté attaqué et il y a lieu, pour la cour, d'examiner les motifs opposés par le préfet de la Haute-Loire.

En ce qui concerne le motif tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :

6. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " (...) II. - L'étude d'impact présente : (...) 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages (...) 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° (...) ".

7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de fonder le refus d'autorisation opposé au visa de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population.

8. Or, l'arrêté comme les écritures en défense de l'administration ne contestent de manière précise et vérifiable ni la méthodologie des volets paysager, avifaunistique et floristique de l'étude d'impact, ni les propositions de mesures compensatoires tirées de l'inventaire de l'état originel du site. Il suit de là que le motif tiré des insuffisances alléguées de l'étude d'impact ne saurait légalement fonder le refus d'autorisation.

En ce qui concerne le motif tiré de l'atteinte à l'avifaune et aux chiroptères :

9. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles (...) L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 dudit code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral ".

10. Si le site d'implantation du projet est situé à proximité de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de la Vallée de la Ribeyre et de la zone de protection classée en site Natura 2000 du Haut Val d'Allier, il résulte des conclusions non sérieusement contestées de l'étude d'impact que les chiroptères y sont faiblement actifs et que les risques de collision avec les rapaces ne sont pas significatifs, ce que tend à confirmer le bilan d'exploitation du parc voisin d'Ally-Mercoeur où aucune mortalité de milan royal n'a été constatée. Par suite, le préfet de la Haute-Loire ne pouvait refuser l'autorisation en litige pour ce motif.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence d'atteinte aux paysages :

11. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder un refus d'autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

12. Le projet ordonné selon quatre alignements formant des lignes parallèles orientées Nord-Sud est situé sur le plateau d'Ally-Mercœur, entre les vallées de Céroux et de l'Arçon, dans l'unité paysagère des contreforts de la Margeride, à proximité de celle de la vallée et des gorges de l'Allier, aux confins des départements de la Haute Loire et du Cantal, à des altitudes comprises entre 871 et 971 mètres. Si le site d'implantation n'est pas protégé, il n'en est pas dépourvu d'intérêt en raison notamment de la proximité et de la co-visibilité de plusieurs monuments historiques.

13. Il résulte de l'instruction que le hameau de Croizet sera cerné par deux lignes d'éoliennes situées sur deux lignes de crêtes, la ligne éolienne E4 à E5 et la ligne E6 à E8, cette dernière ligne étant proche des habitations et face aux lieux de vie. De même, le hameau de Ladignat sera dominé par l'éolienne E9, située à l'aplomb des gorges de l'Allier. Compte tenu des inconvénients que présente le projet sur la préservation du paysage, des sites et monuments avoisinants, en refusant l'autorisation demandée, le préfet de la Haute-Loire n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées. Ce motif devant, à lui seul, justifier l'arrêté attaqué, les conclusions à fin d'annulation de la requête ainsi que, par voie de conséquence, celles en délivrance d'autorisation ou à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les conclusions présentées contre l'État par la société Boralex Mercoeur II, partie perdante, doivent être rejetées. Il en va de même des conclusions de l'association Protection paysages environnement des hameaux de Mercœur et autres, intervenants volontaires qui n'ont pas la qualité de partie à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Protection paysages environnement des hameaux de Mercœur et autre est admise.

Article 2 : Les interventions de M. B... et de M. de Bouchard d'Aubeterre ne sont pas admises.

Article 3 : La requête de la société Boralex Mercoeur II est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de l'association Protection paysages environnement des hameaux de Mercœur et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société société Boralex Mercoeur II, à la ministre de la transition écologique, à l'association Protection paysages environnement des hameaux de Mercœur, première dénommée, pour l'ensemble des intervenants en défense, en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à M. C... B..., et à M. A... de Bouchard d'Aubeterre.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 20LY01471 2

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01471
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : AVK AVOCATS - ME GROS - ME VICAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-09;20ly01471 ?
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