Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1806731 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2019, 12 octobre 2020 et le 11 avril 2022, M. A..., représenté par Me Scherrer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 octobre 2019 et lui accorder la décharge sollicitée en droits et pénalités ;
2°) de lui accorder la compensation entre le supplément d'impôt sur le revenu mis à sa charge en 2011 afférent à la somme de 40 000 euros et l'impôt sur le revenu initial ou complémentaire mis à sa charge en 2012 en raison du reversement dans la caisse sociale de la société de la même somme en janvier 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- la valeur nette totale du bien cédé par l'EURL Mercuel après coût des constructions s'élève après abattement à 385 380 euros ;
- l'EURL Mercuel n'a pas commis d'acte anormal de gestion alors que l'administration ne démontre pas d'appauvrissement de la société à des fins étrangères à son intérêt ; elle a d'ailleurs réalisé une marge de 21,89 % en vendant le bien à M. A... ; l'écart de prix relevé par le service de 25,16% n'est pas suffisant pour être qualifié de significatif ;
- les conditions permettant l'application de la " cascade complète " sont remplies ;
- la majoration de 40% est injustifiée ;
- il est fondé à demander une compensation entre les dividendes perçus en 2011 et reversés en 2012 avec les revenus distribués imposés en 2012 au titre de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu ou de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge.
Par un mémoire, enregistré le 24 juillet 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 8 avril 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 7 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me Scherrer pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Mercuel, dont M. A... est gérant et associé unique, ce dernier a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2010 à 2012 à l'issue duquel l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification du 26 juin 2014 portant sur des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2012 à raison de revenus considérés comme distribués et imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments en droits et pénalités.
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
2. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / [...] c) les rémunérations et avantages occultes [...] ". En cas de vente par une société d'un bien à un prix que les parties ont délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices, au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts et d'un acte anormal de gestion. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'elle établit l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession. Lorsque l'administration fiscale procède, en vue d'établir l'existence d'une vente à prix minoré, à l'évaluation de la valeur vénale du bien immobilier cédé en se référant à des transactions qui ont porté sur des immeubles situés à proximité du lieu de situation de ce bien, il lui appartient de retenir des termes de comparaison relatifs à des ventes qui ont porté sur des biens similaires, intervenues à une date peu éloignée dans le temps de celle du fait générateur de l'avantage occulte.
3. En l'espèce, l'Eurl Mercuel, dont M. A... est gérant et associé unique, a revendu à M. et Mme A..., par acte du 27 janvier 2012, un terrain à bâtir, route de Mourex à Grilly, d'une surface totale de 1 573 m², constitué de trois parcelles, sur lequel était implanté une maison en cours de construction, au prix de 400 000 euros. L'administration fiscale a remis en cause ce prix de cession en estimant que la valeur vénale du terrain devait être évaluée à 663 128 euros, évaluation qu'elle a ramenée à un montant de 500 638 euros après saisine de l'interlocuteur fiscal départemental. Pour évaluer cette valeur vénale, l'administration a estimé que le terrain à bâtir devait être évalué au prix de 300 euros le mètre carré, cette évaluation reposant sur l'analyse de plusieurs termes de comparaison constitués par des transactions intervenues en 2010 et 2011 pour des terrains à bâtir, dans un rayon de trois kilomètres du terrain en litige, à savoir la vente en février 2010 d'un terrain sur la commune de Cessy d'une surface de 1 546 m², au prix de 395 000 euros, la vente en octobre 2010 d'un terrain de 1 706 m² sur la commune de Divonne-les-Bains au prix de 540 000 euros, la vente en décembre 2011 d'un terrain de 1 119 m² sur la commune de Divonne-les-Bains au prix de 485 000 euros et enfin la vente en avril 2011 du terrain mitoyen à celui en litige, d'une surface de 1 060 m² pour un montant de 355 000 euros et après application d'un abattement de 10 % compte tenu de la différence d'attractivité du secteur avec la commune voisine de Divonne-les-Bains. Elle a ensuite appliqué, d'une part, un abattement de 10% sur la valeur du terrain ainsi obtenue en raison de sa faible attractivité compte tenu de la présence d'une construction en cours sur le terrain et, d'autre part, un abattement de 10% pour prendre en compte les risques inhérents à la reprise d'une construction existante, sur les coûts de construction de la maison desquels elle a préalablement retranché les frais de viabilisation du terrain.
4. Il ressort des écritures présentées par M. A... en appel que le prix de 300 euros par mètre carré à retenir n'est plus sérieusement contesté, l'appelant prenant lui-même en compte un tel prix pour évaluer le bien litigieux à 385 380 euros. M. A... soutient cependant qu'il convient de ne retenir qu'une surface de 1 071 m² en raison de la forte déclivité d'une partie du terrain et de la servitude de passage grevant une des parcelles. Toutefois, si ces éléments rendent inexploitables une partie du terrain, ils permettent d'augmenter la valeur du bien eu égard à une plus grande superficie et un éloignement des constructions voisines. En outre, par les abattements pratiqués, l'administration a pris en compte la plus faible attractivité de la zone considérée, l'existence d'une construction en cours et la non-conformité de celle-ci au permis de construire accordé. Enfin, si M. A... se prévaut de l'évaluation réalisée par un expert qu'il a mandaté retenant un prix au m² de 250 euros et une valeur vénale du bien considéré de 384 000 euros, il ressort de ce rapport d'expertise que l'expert a pris comme termes de comparaison des transactions concernant des terrains viabilisables et non viabilisés alors qu'il est constant que l'acte de vente du 27 janvier 2012 a porté sur une parcelle de terrain à bâtir et que le coût de la construction et les coûts de viabilisation ont été évalués entre l'EURL et son gérant à la somme de 136 172,69 euros dont 51 809,38 euros au titre des frais de viabilisation. Ces termes de comparaison n'apparaissent donc pas pertinents au regard du bien en litige. M. A... conteste également un des termes de comparaison retenu par l'administration à savoir la vente du terrain mitoyen ne présentant pas, selon lui, les mêmes caractéristiques. Toutefois, cette transaction a été conclue au prix de 350 euros le mètre carré soit un prix supérieur à celui retenu par le service. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que le prix de vente du bien litigieux a été minoré d'un montant de 100 638 euros, ce qui constitue un écart significatif d'environ 25% avec le prix de vente retenu par les parties.
5. En relevant que M. A..., dès lors qu'il était gérant et associé unique de l'EURL Mercuel, société venderesse, ne pouvait ignorer la valeur réelle du bien qu'il a acquis, l'administration établit l'existence d'une libéralité consentie par la société et l'intention pour l'intéressé de la recevoir. La circonstance, relevée par M. A..., selon laquelle l'EURL Mercuel a réalisé une marge de 21,89 % en cédant le bien et qu'elle ne s'est pas appauvrie à des fins étrangères à son intérêt est sans incidence sur l'imposition des sommes en cause sur le fondement des distributions occultes.
6. D'autre part, les dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ne visent que les sommes réputées distribuées en conséquence d'un rehaussement des bénéfices déclarés par une société. Dès lors, ne peuvent bénéficier de ce mécanisme les sommes réputées mises à disposition en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts qui concerne les sommes ou valeurs mises à disposition des associés et non prélevées sur les bénéfices et les sommes directement appréhendées au titre du c de l'article 111 du code général des impôts relatif aux rémunérations et distributions occultes. Par suite, M. A... n'est pas fondé à revendiquer le bénéfice du mécanisme de la " cascade complète " prévu par ces dispositions au titre des revenus réputés distribués mis à sa charge sur le fondement de l'article 111 c) du code général des impôts et alors que la base d'imposition de ces revenus a été déterminée à partir d'une somme directement appréhendée par lui et non à partir des bénéfices sociaux de l'EURL Mercuel.
7. En outre, le courrier que l'administration lui a adressé le 29 août 2014 en réponse à sa demande tendant à bénéficier de la cascade complète et qui portait calcul des conséquences financières d'un tel mécanisme tout en l'invitant à produire des justificatifs ne constitue pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, une prise de position formelle de l'administration sur l'application à son profit d'un tel mécanisme au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. La remise en cause par l'administration de l'application de la cascade complète à l'appelant en cours de procédure pour d'autres motifs ne caractérise pas davantage une atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, l'administration n'ayant jamais pris formellement position sur ce point.
8. Enfin, si M. A... se prévaut du BOI-CF-PGR-30-40-20 lequel prévoit en son paragraphe 130 que les dispositions sur la cascade complète " s'appliquent à toutes les sommes qui (...) sont considérées comme des revenus de capitaux mobiliers distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du CGI et de l'article 110 du CGI ", cette documentation ne comporte d'interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application dès lors qu'elle ne vise pas les distributions occultes.
Sur les pénalités :
9. M. A... réitère devant la cour le moyen tiré de ce que l'application de la majoration pour manquement délibéré est injustifié. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 13 et 14 de son jugement.
Sur les autres demandes :
10. M. A... sollicite l'imputation du déficit de 40 000 euros constaté en 2012 correspondant au reversement dans la caisse sociale de l'EURL Mercuel au 1er janvier 2012 de dividendes perçus en 2011 sur les revenus distribués imposés en 2012 au titre de sa cotisation primitive ou supplémentaire d'impôt sur le revenu.
11. Toutefois, en vertu du 1. de l'article 1731 bis du code général des impôts, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, les déficits mentionnés au I de l'article 156 de ce code, notamment ceux, visés au 8° de ce I, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ne peuvent s'imputer sur les rehaussements et droits donnant lieu à l'application de l'une des majorations prévues aux b. et c. du 1. de l'article 1728 du même code. En l'espèce, les rehaussements notifiés à M. A... en matière de revenus de capitaux mobiliers ayant, ainsi qu'il a été dit, été assortis à bon droit de la majoration de 40 % prévue au b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, il ne peut, en application des dispositions susmentionnées du 1. de l'article 1731 bis de ce code, être fait droit à la demande de l'intéressé tendant à l'imputation, sur ces rehaussements, des déficits constatés de cette même catégorie résultant du reversement dans la caisse sociale de la société au 1er janvier 2012 de la somme de 40 000 euros de distributions imposées en 2011. La cotisation primitive d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 n'étant pas en litige, M. A... ne saurait demander en outre l'imputation de ce déficit sur ces revenus de capitaux mobiliers déclarés en 2012.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
C. Langlet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°19LY04758
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