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02/06/2022 | FRANCE | N°21LY01813

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 juin 2022, 21LY01813


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006790 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, M. B..., représenté p

ar Me Vigneron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2006790 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, M. B..., représenté par Me Vigneron, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours sous la même astreinte et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que le motif retenu par le préfet selon lequel il ne justifie pas ne plus avoir de lien avec sa famille manque en fait ;

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- le préfet, qui n'a pas pris en compte sa situation globale, a méconnu l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 9 avril 2002, est entré irrégulièrement en France le 5 août 2019, alors qu'il était mineur. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité et a demandé son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. M. B... relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 21 juillet 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a contesté en première instance l'appréciation du préfet de l'Isère selon laquelle il ne pouvait se prévaloir de l'absence de liens avec les membres de sa famille restés en Afghanistan dès lors qu'il avait été en contact avec ses parents et sa sœur à deux reprises depuis son arrivée en France. Contrairement à ce que soutient l'appelant, en jugeant qu'il n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne justifiait pas suivre une formation professionnelle à la date de décision de refus de titre de séjour et qu'il n'était, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet n'avait pas procédé à une appréciation globale de sa situation, le tribunal administratif a, en tout état de cause, répondu à son moyen qui n'était pas distinct de celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. En premier lieu, M. B... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de ce que l'arrêté a été signé par une autorité incompétente. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus par le jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., âgé de dix-huit ans à la date de la décision litigieuse, a été confié à l'aide sociale à l'enfance le 8 août 2019 jusqu'à sa majorité, soit entre l'âge de seize ans et dix-huit ans. Il a alors fait un stage de trois semaines en restauration et a été scolarisé, en novembre 2019, dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UP2A). Il ne justifiait donc pas, à la date de la décision contestée, suivre depuis au moins six mois, une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Le préfet de l'Isère pouvait dès lors légalement, pour ce seul motif, refuser à M. B... l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans que l'intéressé puisse utilement reprocher au préfet de n'avoir pas porté une appréciation globale sur sa situation au regard notamment de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de son insertion dans la société française.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré irrégulièrement en France à une date récente à la date de l'arrêté attaqué et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa sœur. Ainsi, alors même qu'il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et scolarisé en France, le préfet de l'Isère n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède, d'une part, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et d'autre part, que la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français n'a pas non plus été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. M. B... fait valoir en termes généraux la " situation actuelle particulièrement dégradée en Afghanistan ", et notamment dans la province de Nangarhar dont il est originaire. Ce faisant, il n'établit pas l'existence d'un risque personnel avéré de traitements inhumains et dégradants ni d'un risque d'atteinte à son droit à la vie. Le moyen tiré de ce qu'en fixant l'Afghanistan, son pays d'origine, comme pays de renvoi en cas d'exécution forcée de l'obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Isère a méconnu les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre du litige doivent en conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le2 juin 2022.

La rapporteure,

S. LesieuxLe président,

D. Pruvost

La greffière,

M.-A.... Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01813
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-02;21ly01813 ?
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